Les falaises
Les falaises
Quand le vent crie au loup,si âpre
Que les fous et les goélands eux-mêmes
S’accrochent aux cavités granitiques
Les ailes affolées près des lames acérées
Et que des courants sans relâche
Giflent encore et encore de fragiles terrasses
Quand les gerbes d’écume,geysers recommencés
S’évaporent en violence dans ces vêpres bretonnes,
Quand les chapelles tintent
Et que les femmes prient la mer
Que veillent les enfants troublés
Que frappent les chevaux aux écuries nerveuses,
Quand les arbrisseaux s’humilient au chaos
Que les barques au quai dansent la sarabande,
Que les sirènes océanes séduisent
Les derniers imprudents,
Quand les calvaires déchirent la lande
Quand même les grottes marines
Referment leurs auvents
Quand la péninsule craint Dieu
Une femme apparaît.
Elle est noire de cheveux
Comme une veuve du Sud
Elle défie la cité et le ciel coléreux
Face aux dieux irrités elle a gravi les marches
Qui mènent au vieux sentier
De la falaise d’Aval toute de craie
Et d’embruns.
Elle est belle,elle est femme,elle est forte
Elle joue de ses mains,mime prodigieuse
Apparition,suis-je le seul à la voir?
Tragédienne,son amphithéâtre c’est le grand Ouest
Eole,tempêtueux
Lui donne la réplique,mieux
Transporte sa voix
Elle n’est pas Mater Dolorosa
Ses éclats de rire sont tout aussi sincères
Vigie face au destin elle entonne
Comme un chant amoureux
Mélange de ballade celtique
Et de blues fendant le soir.
Puis les mots que sa bouche libère
S’évadent et fraternisent dans le ciel
Avec nuages et oiseaux blancs
Elle se donne avec tant de rage,
Cette force d’aimer qui transcende le temps.
Les mots coulent en phrases voyageuses
Musicales,un peu versatiles
Elle les offre avec cette ardeur
De celles qui se savent aimées
Et jette à l’horizon dément sa propre folie
Une folie toute gothique,démesure et passion
La prose s’insinue et la mer pétrifiée
Accueille dans son ventre un hymne à l’amour.
J’entends,j’entends symphonie irradiante
Douces sonates un peu tristes
Fanfares et clairons,harpes de mes regrets
Ce sont mes mots prononcés par son coeur
Et ses lèvres les amplifient
Spirale à l’unisson du rire et de l’écrire
Le bonheur me happe:il existe
Autour d’elle...
Alors l’océan à l’écoute
S’emplit de rythmes,de routes d’Amérique
De verte Erin et Toscane bleutée
De prénoms,de héros,de nos frères poètes
De jardins russes,de soeurs éloignées
D’enfances révélées
De meurtrissures guéries
Elle vibre et son corps m’émeut,toujours recommencé.
Qu’elle chante notre vie,
Mutuelle incarnation d’un délire à nous seuls!
Je crains de perdre le fil de mes pages
La tourmente est si forte
La volupté si troublante
Je ne sais plus qu’écrire...des ailes
Qui s’envoleront,oies sauvages au pays lumineux
Libres dans les courants et les zéphyrs
Deux pour l’immense voyage
A quatre mains nouées
Au coeur de la Lovelande.