The ultimate Antoine Doinel
J' ai donc vu et revu la saga d'Antoine Doinel et on ne signalera jamais assez la fidélité de Truffaut à ses personnages dans cette réalisation à ma connaissance unique au monde:suivre en 5 films et vingt ans un héros de notre temps,subtil alliage de Truffaut,Léaud et...Doinel.
Truffaut est d'ailleurs en général un cinéaste de la fidélité:aux femmes(toutes les femmes),au polar(Irish,Goodis),aux enfants,aux livres,au cinéma.
On peut vraiment parler de l'oeuvre de Truffaut comme d'une oeuvre littéraire et c'est un compliment pour moi.Cohérence de l'écriture,logique imparable de l'évolution d'Antoine Doinel ,évolution dans l'instabilité certes,mais tellement sentimentale et imprégnée de l'idée de roman d'apprentissage et de journal intime.
L'interprétation de tous les rôles est parfaite,de Claire Maurier et Albert Rémy au début jusqu'à Dorothée(eh oui).Une mention pour la Tour Eiffel dans son propre rôle,très présente et pour des gens qu'on a peu vus au cinéma(Claude Véga,Daniel Boulanger).
A classer au patrimoine définitivement.
L'arbre ultime
Enfin vint le dernier soir A la recherche de l’arbre ultime Serait-il là,maître des cimes De la palmeraie ancienne Courbant sous le sirocco noir D’une oasis algérienne. Serait-il modeste fruitier Rosissant au printemps normand D’une terre de liberté Près des grands cimetières blancs Allais-je encore le débusquer Abritant,Amazonien Les derniers Indiens Cueillis par l’hébétude Et le jaguar y feulerait Dans la dense nuit meurtrie du Sud. J’aurais aimé le rencontrer là haut Cyprès toscan de la douce colline Penché sur Florence et l’Arno Jouant la comédie divine Veillerait-il,acacia,ombrelle Sur la savane aux vives gazelles Priant pour la pluie Pour la vie. Resterait-il à jamais symbole Cèdre bleu de ce Liban Où la colombe à peine s’envole Paisible érable chantant Au coeur du Saint Laurent. J’ai vu l’arbre ultime Ni le saule larmoyant De mes amours de douze ans Ni ce boréal et fragile sapin Ni ce rouge géant californien? Non,c’était l’arbre du crime C’était l’arbre bourreau Et le chanvre assassin Greffé sur ses rameaux Ployait comme un rictus dernier Sous le faix des hommes condamnés.
Transaméricaine,transes américaines(Easy rider)
Transaméricaine, transes américaines (Easy Rider)
Elles ressemblent à des entrailles
Ces autoroutes,rubans interminables
Embrasées par instants
D’un soleil acéré qui leur donne un air de Mexique.
Elles attendent l’homme,disponible
Comme dans un road-movie
Un cinéma de l’errance,ouvert
A des rencontres d’un autre type
Droit sorties de nos fantasmes
De rêveurs décalés.
Sont-ce,attardés quelques disciples de Kerouac
Qui guettent l’un de ces fabuleux camions?
Itinéraires dérisoires
Le pouvoir des fleurs a quitté la Californie
Les nomades que j’y ai croisés
Ne sont plus ni pionniers ni musiciens
Adieu Grace Slick!
J’aime la poésie horizontale
Des petites boîtes de toutes les couleurs
Ces motels,carrefours des grands chemins à moteur.
Ils réinventent,naïfs,à chaque halte
Ce curieux amalgame
De laideur et de sublime
D'une civilisation soda
Qui a brûlé les étapes
L’Amérique a eu si peu de temps
Pardonnons,parfois elle ne sait...
Sur les parkings d’étonnants véhicules
A la teinte vestige-vertige
Psychedelique
Lovent leurs silhouettes
Auprès de ces jeux de cubes
Oasis informes pour ces modernes caravanes.
L’Amérique éternelle est là quand même
Une rengaine,plus loin,sort d’une cabine
Une mâle histoire d’amour
Un chauffeur du Kentucky
Et la fille d’un relais,une quelconque Nancy
Dans un quelconque Alabama.
Moi je sais bien qu’on peut trouver encore
Qui s’égrènent au fil de l’espace T
ous les clichés des sixties
Si chers à la réminiscence,autant
Que les pièces d’un puzzle futuriste
Monde éclaté de vitesse et violence.
Où sont allés ces hommes aux cheveux de comètes
Que chantaient Ginsberg et la Côte Ouest?
Le temps a repris à la course la mémoire
Et les passants sur la route
Ne sont plus en quête d’un festival
Improbable d’amour et de paix
Slogans poussiéreux,désuets.
Puis comme des tribus belliqueuses
Dans le bruit et la fureur
Des hordes vrombissantes
Strient les cicatrices conremporaines
Echappées d’un cauchemar de faits divers
Où voisinent poètes égarés
Et illuminés aux pulsions maladives.
Crainte et attirance
Nourri de cette littérature
Et dévoyé de cinéma
Je les entends qui m’appellent
Ces hauts chemins de l’Occident.
Résonne le chant des cavaliers tranquilles.
On appelait ça un super-groupe
J'ai choisi de changer d'air et de me présenter sous une autre bannière.Très bien mais voilà:mes gôuts et mes élans eux ne changent pas et j'ai toujours la passion de la musique et notamment celle des années californiennes.1968:Les Hollies,les Byrds et Buffalo Springfield lâchent momentanément Graham Nash,David Crosby et Stephen Stills qui en studio produisent alors un album que l'on n'appelait pas encore éponyme.Dans le chalet de la chanteuse Joni Mitchell qui sera en quelque sorte leur marraine,à Laurel Canyon ce lieu mythique de la culture hippie,la réunion de ces trois talents originaux va donner l'un des plus beaux disques de l'histoire du rock.C'est un disque apaisé alors que les trois musiciens doutent après des difficultés personnelles,deuils,ruptures.
Citons simplement la somptueuse ballade Guinnevere et le si lyrique Wooden ships ainsi que l'entame de l'album Suite:Judy blue eyes,en hommage à Judy Collins qui fut l'amie de Stephen Stills.Vous me suivez? A l'époque à l'écoute de ce disque on a pu se prendre à rêver,à rêver que Stills ne deviendrait pas fou furieux,que Crosby ne se prendrait pas pour Billy le Kid.Mais c'est si loin tout ça.D'ailleurs ils vont mieux.Reste cette oeuvre somptueuse digne de Pet sounds,Sergeant Pepper's et des autres du Panthéon de notre jeunesse d'enfants gâtés.Je vous propose une version de Suite:Judy blue eyes un peu plus tardive,en live.
Remarque sur Remarque
Le grand écrivain pacifiste allemand puis américain Erich Maria Remarque aura été bien servi par le cinéma ce qui est loin d'être le cas de tous les auteurs.Dès 1930 Lewis Milestone adapte son roman le plus célèbre A l'Ouest rien de nouveau que l'on considère comme le pendant allemand des Croix de bois,livre de Roland Dorgelès et film de Raymond Bernard.Film certes hollywoodien mais très lyrique et conforme à l'esprit de Remarque.Récompensé aux Oscars cette production reste une date dans l'histoire du film de guerre.
Engagé très jeune dans le premier grand conflit Remarque sera toute sa vie obsédé par les massacres et dans le magnifique Trois camarades de Frank Borzage(38) la guerre est encore très présente même s'il nous conte l'amitié de trois soldats qui dure bien après l'explosion. Mais quitte-t-on vraiment jamais l'uniforme quand on a vécu l'enfer de ces hommes?Une jeune fille marquée elle aussi mais par la maladie vivra quelques mois de toute beauté parmi ces trois coeurs cassés.L'amour fou est une constante chez Borzage également auteur d'une belle adaptation du grand roman d'Hemingway L'adieu aux armes.
En 58 Douglas Sirk signe le sublime Le temps d'aimer et le temps de mourir adapté du roman du même nom et qui se déroule sur le front russe de la Seconde Guerre Mondiale.Jean-Luc Godard en a dit "Je n'ai jamais cru autant à l'Allemagne en temps de guerre qu'en voyant ce film américain tourné en temps de paix".Sirk,croyez-moi,s'y connaît en émotions.
Je n'ai jamais lu ces romans d'Erich Maria Remarque mais à l'évidence le regard de cet homme sur le siècle est aussi celui du grand écrivain italien Mario Rigoni Stern,déjà chroniqué,du français Barbusse ou de l'anglais Frederic Manning(Nous étions des hommes). A rapprocher également du tout nouveau Le chemin des âmes dont je viens de vous parler bien que ce dernier livre ne soit pas le témoignage d'un soldat mais une pure fiction d'un écrivain de 30 ans.
Prévert le Cinoche
Prévert le Cinoche
L'homme au mégot serré,humide
Poésie de Méliès,vérisme des Lumière
Il sait de quoi qu'il cause
Et tournent le Gabin,le Brasseur
Les autos tamponneuses.
Sur la plage meurt un peintre
Celui-même qui voyait
"Les choses derrière les choses et le nageur noyé".
Un archevêque pouah
Anglais de surcroît,quelle insulaire horreur
Et son cousin à table
Et son couteau à table
"Des amis qui ont la rougeole"
Comme c'est curieux...
Curieux n'est pas le mot
Qu'avez-vous dit?Bizarre?
Drôlatique dramatique.
Au château les trouvères ont trouvé
Table garnie,disette germanique
Et Jules,le diable très vert de Prévert
Tend l'oreille aux statues
"Mais c'est leur coeur qui ne cesse de battre"
Sortilèges de l'amour
"Démons et merveilles,vents et marées".
Théâtre des Funambules
L'amour fou pour la Garance
Des quatre hommes de sa vie
Pas tranquille comme Baptiste
Et pas maître,Frédéric Lemaître
"Un Paris tout petit pour un si grand amour"
Un Jacquot,papa parigot
Des seuls enfants d'Arletty,
Les Enfants du Paradis.
Amour libre,humour fou
Ou bien est-ce l'inverse?
Anar du pavé,il n'est pas loin,Villon
Depuis toi nous on aime
Clochards et colporteurs
Seconds rôles et vrais destins
Et les fausses soutanes murmurant
Une ultime oraison
"Je regrette les femmmes".
Un rêveur américain
Dans la formidable inventivité de la littérature américaine dont je parle souvent la musique de Steven Millhauser apporte une touche fluide et poétique. Nuit enchantée est une suite de petits tableaux à la lisière du surnaturel, une nuit d'été en ville où les jouets et les petites filles restent éveillés tandis qu'un gang de gamines boit de l'orangeade dans les maisons qu'elles visitent.
L'écriture de Milhauser pétille doucement, distillant une sourde inquiétude, injustifiée cependant. Bien sûr il s'en faut de peu qu'on ne dérive dans La nuit du chasseur mais ces morceaux de contes à veiller debout, dans la torpeur estivale d'une Amérique un peu rêvée, lorgnent plus vers un surréalisme sans ogre ni vraie violence. J'oubliais le personnage principal:c'est la Lune,plutôt bienveillante dans son étrangeté.Je crois me souvenir qu'elle tenait aussi un rôle important dans La nuit du chasseur, mais plutôt versant obscur.