L'or des limbes
Lorsque je chevauchais fatigué des vallées
Aux souvenirs de terre brûlée
De hasardeuses retrouvailles
En peines disséminées
Que les marais aux fétides haleines
Ne me quittaient déjà plus guère
Rendant mon souffle austère
Pareil à ces vieillards d’Occident
Dont le visage à lire rêvait de Thanatos
Il m’arriva une pâle matinée
Une sorcière probablement
A l’orée d’une noire forêt de tsugas à frémir
Percée des croassements des freux.
Sur un signe de la vieille les oiseaux
Ont soudain fait silence.
Il m’a semblé mais de cela je ne suis sûr
Qu’un tocsin a crevé l’écho
Du dernier village traversé
“Serait-ce l’heure de la grande rencontre?”
Songeai-je quand,hideuse et mortifère,
Son long bras s’est tendu
L’index vers le nord
D’un idiome inconnu à peine borborygme
Une voix sépulcrale m’intima le chemin
Des vêpres extrêmes de mes ans
Page de fin peut-être
De mon combat lassé
Impossible quête d’une lumière à partager
Il me fallait accomplir
Le dénouement et retrouver
Le marquisat des ombres.
L’autre versant des Monts Noirs
M’attendait ardu,et désolé de pierres
Etait-ce ainsi qu’il me fallait voguer
Vers le Styx qui nous guide tous
La grande solitude?
L’espoir m’était un bel étranger
Mes compagnons les mots que j’avais aimés
Jusqu’à les faire danser
Allaient donc me quitter
Pour valser à jamais
En outre-poésie
Je n’aurais donc rien été
Qu’une feuille dans la longue tempête
Aux nervures déjà presque effacées.
Mais la destinée s’avère parfois fugueuse
La camarde absente,
C’est une apparition céleste qui m’irradia
Inattendue dans ce pays fini
Mes yeux n’ont pas saisi
D’abord sa beauté rare
Il me sembla que son regard ne s’adressait
A rien ni personne,mais au delà
Aux personnages que l’on devine
En une étrange et interne vibration.
Puis comme le crépuscule devenait améthyste
Sa voix m’a touché,ferme et femme
Louve et reine,elle m’a aimé déjà
Bien avant mon rude réveil.
Et moi,buriné et perdant
Quand elle a pris ma main
J’ai compris qu’elle ne m’avait jamais laissé
Que la foudre nous avait pétrifiés
En une oeuvre à nous seuls
Qu’il nous restait à ériger
Au coeur des jungles et des déserts
Au miroir de notre passé
Chacun lié à l’autre
Au travers des chagrins réciproques
Elle,mon essence admirable,âpre et chaude
Et moi,en son sein,renaissant
Déjà à l’écriture
Une inspiration emplie d’elle...
Adieu les affres et les torpeurs
Son souffle maintenant
Caresse mon dos tendu qui s’apaise
Sous ses ongles,ses phalanges langoureuses
Et ses bras m’irradient
Quand nos intimes brûlures
Se findent dans la nuit torturée
Par nos jeux parfois striés de rires.
Son amplitude me dévore
Fasciné par ses rêves je sanglote
Déjà je ne suis digne d’elle
Déjà je l’ai blessée
Ma face noire se rebelle
Elle saura me guérir
Dieu,qu’elle m’inonde d’elle
A m’effrayer parfois!
Avant qu’elle ne s’envole
Sur un cheval magique
Libre et admirable
Je veux lui dire
"Deviens moi”