La cruauté
La cruauté
Comme c’est simple une affiche
Un enfant loin au Cambodge
Au Liberia,un champ de mines
La cruauté c’est quand un gosse
Ne bondit plus qu’avec les yeux
La cruauté c’est un jardin,son monument
Dans un village,le vôtre
Quelques dizaines de noms
Parfois le même plusieurs fois
C’est Verdun et c’est l’oubli
La cruauté parfois il y a longtemps
La cruauté c’est ce poète
Au froid de sa mansarde,oiseau d’hiver
Qui a compris qu’il ne serait
Ni Baudelaire ni Nerval
Et dont le sang s’épuise
C’est Vincent dans sa déraison
Qui dans ce champ d’Ile de France
Cesse enfin d’être l’incompris
Le fusil dans les tournesols
La cruauté c’est ce banc public
Et cette vieille que les pigeons
Entourent seuls au février des villes
La cruauté c’est quand l’alcool tient lieu de frère
Et qu’il n’y a plus de fils aimant
Enfant flétrie,au corps objet
Que l’indicible a rendue mutique
La cruauté parfois est à la porte
Les silences des années tendres
Amnésiées,comme presque mortes
La cruauté c’est ce courrier
Ce messager qui nous confirme
La cruauté c’est un appel
Peut-être à l’aube d’un dimanche
D’une jeunesse aux fossés
La cruauté vit dans les camps
Qui se jouent de géographie
On meurt en tous points cardinaux
Et partout l’homme se découvre
La cruauté est sibérienne ou andine
La cruauté parfois peut être mienne
La cruauté c’est tout petit
Quand tes pas dans le soir s’éloignent
La nuit encore qui nous échappe
La cruauté c’est toi et moi
A l’âpre instant des séparés
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