La route à deux
C'est une merveille d'ironie et de tendresse.C'est un voyage en France des années 60 où l'accordéon joue le soir à l'auberge et où la Côte d'Azur est encore le comble de l'exotisme.C'est aussi un voyage dans le temps pour jeunes amoureux,jeunes mariés,un tout petit peu moins jeunes parents.C'est une route du Nord au Sud à la rencontre d'un couple vacillant.Mais n'est-ce pas la norme pour un couple de vaciller,et de tomber?C'est un voyage où le couple se relève avec des bleus et des coups de soleil.C'est le voyage des ambitieux, des arrogants que nous sommes ou avons été.C'est une balade en bagnole qui fait du mal,avec des couples au restaurant qui n'ont plus rien à se dire.
C'est un bien triste voyage où l'on comprend qu'il est hélas courant de n'avoir plus rien à se dire.C'est un voyage auquel on voudrait échapper.C'est un voyage duquel on ne ressort pas indemne.C'est un film très réussi de Stanley Donen:Albert Finney y est d'une vérité totale et Audrey Hepburn d'une fragilité destructrice complète.Maurice Binder le graphiste et Henry Mancini le compositeur sont du voyage,gage précieux.C'est un voyage que j'ai revu et dont je ressors avec encore un peu plus de désespérance.Mission donc accomplie pour ce bout de route.
La goutte d'eau
La goutte d'eau
Il a plu sur les pentes du Velay
De l’ondée ou des trombes une perle isolée
Dégringolant du ciel,clair joyau
Verticale et bénie
Devient gouttelette promise à l’homme
Pour son mieux-être
La tendre goutte d’eau au seuil de l’horizon
Semble hésiter certes peu de temps
Mais j’aime son indécision
J’ai goût à m’en bercer car mon coeur
A pu quelquefois ressembler
A ce hasard humide,à ce roseau balançant
Au gré des moindres brises.
La goutte d’eau vacille
Le sol ouvre les bras et la petite dame
Va-t-elle au sud-est choisir de cheminer
En Rhône et chanter les gitans
L’accent qui traîne et le delta
Puis se conduire esquif en Méditerranée
En ce milieu du monde
Pour y rejoindre les ports antiques
Le sillage d’Ulysse
Le Phare des Sanguinaires
Vaillante elle trace,sirène
L’abordage barbaresque,les princes siciliens
Elle devient Vieux Monde
Et se nimbe de notre histoire
D’île en île,des verres vénitiens
Jusques Alexandrie.
A moins que,caprice de femme
Elle n’en vienne à choisir l’autre versant
Mon Occident
Elle jardine,Renaissance en Val de Loire
Une corne de brume attise sa fringale
Des envies de Cap Horn ou de conquistadors
Brigantines ou misaines
Le noir parfum s’exhalant des steamers
L’accompagne,oiseau du grand ouest
Vers ces pays que l’on a dit nouveaux
De Nouvelle France ou Orleans
La goutte d’eau choisit-elle
D’être océane ou phénicienne?
Partage des eaux..
Comme elle,dis-moi
Qu’as-tu fait de ton talent?
Une chanson:This town ain't big enough for both of us
Le rock n'a pas si souvent fait preuve d'humour.Clownesques à souhait les frères Ron et Russell Mael ont fait un peu de tout dans leur carrière déjà longue y compris dans la mouvance disco qui m'indiffère prodigieusement.Mais grâce leur soit rendue pour l'inénarrable,pétillante,sautillante et inimitable cabriole dont le titre semble être sorti tout droit de l'univers de mes chers westerns (1973).Il faut avoir vu Ron et sa joviale dégaine d'organiste à l'inquiétante moustache pour ne pas mourir idiot.
A l'attaque du Ford méconnu
Pourquoi ces trois films?Et pourquoi les éditions ont-elles décidé de ressusciter ces trois films fort méconnus?Mystère.Mystère et petite déception car ce coffret m'a laissé sur ma faim.Par ordre d'intérêt décroissant voici donc...
Steamboat round the bend(35) est un film délicieux et truculent dans un monde à la Mark Twain et qui raconte une course de bateaux à roues sur le Mississipi avec Will Rogers alors grande vedette en capitaine et une rivalité virile comme Ford les aime tant,homérique et confiante en l'Amérique.Comédie comme Ford en a signé quelques-unes Steamboat round the bend restitue cette ambiance Showboat et Ol' Man River dans un registre qui se veut de bonne humeur,un peu dans la lignée des très ultérieurs L'homme tranquille ou La taverne de l'Irlandais.
What price glory(52) offre de bons moments mais ne réussit pas toujours à convaincre par son mélange de burlesque,bagarres épiques et alcoolisées comme d'habitude,duos presque chorégraphiques entre les rivaux James Cagney et Dan Dailey,tous deux issus du music-hall,et d'angoisses de la guerre dans cette oeuvre dont l'action se passe en France pendant la Grande Guerre.Par contre quelques belles scènes assez émouvantes quand Ford prône la simplicité et la proximité de la mort au travail.
Quatre hommes et une prière(38) présente l'enquête de quatre frères pour réhabiliter leur père,officier de l'armée des Indes.Je trouve ce film raté et artificiel.Seuls les cinéphiles s'amuseront à reconnaître David Niven et George Sanders très jeunes.Pour les Indes mieux vaut revoir Les quatre plumes blanches ou Les trois lanciers du Bengale en les situant bien sûr dans le contexte d'époque...
Et vogue le navire
Et vogue le navire
J'avais un ami par delà les Alpes
Il aimait,jeune à dessiner
Déjà sur les plages adriatiques
Il crayonnait,il savourait les dames plantureuses
Et les enfants courant après un ballon
Federico
Il aurait dû être lui aussi
Enfant de la balle
Il a fait de sa vie un cirque,trublion poétique
Y avait un sombre hercule sur la place
Y avait un funambule qui riait toujours
On l'appelait "il Matto"
Une pauvrette de la campagne
Federico aima Gelsomina
Leur chemin comme tous les chemins
Les mena jusqu'à Rome
Alors mon ami Federico plus jamais ne cessa
De célébrer son Italie comme la Cité des Femmes
Et la louve allaitant les jumeaux
Déjà Mamma Roma.
Marcello c'était son ami,presque un alter ego
Marcello...vous l'avez aimé
Nous l'avons tant aimé
Séducteur latin,errant et témoignant
Fêtard dans la nuit des vasques romaines
La douceur de vivre,ces années loin pourtant
Et la monnaie dans la fontaine de Trévi
L'ami de Rimini aimait le peuple
Intronisé bouffon et puis salué roi
Il avait su donner voix à la lune
Et Ginger et Fred,vieillissants
Pathétiques et heureux
Amarcord,j'aime à revoir
Ce navire surréaliste
Et le rhinocéros surnageant
Dans son monde à lui les histrions
Les clowns blancs et les filles au trapèze
Lanterne magique
Savaient narguer les puissants
Federico si noble et populaire
Et son Casanova grandiose de dérision
Aux amours bercées d'oiseaux mécaniques
Glacé comme une putain vénitienne
Joues d'albâtre des vieilles emperlées
La lagune visqueuse,moisie
Italianissima
Successeur des Césars,le vieux gamin joueur
Prince de Cinécitta
A voyagé toute sa péninsule
Des studios de télé jusques au Colisée
Des défilés à la mode vaticane
A la mode courtisane
Rêves de pellicule
Sentant la sciure du cirque
Et scandés de trompette ou de piano bastringue
Ciao Maestro
Et tous tes saltimbanques
A toi je voue ces quelques lignes
Par delà les décors quand le faux
Nous illusionne,mon bon marchand d'étoiles
"Ti amo Gelsomina"
Austère lande d'hiver
Le roman de Dominic Cooper Le coeur de l'hiver ne ressemble à aucun autre et son action sur les rives d'Ecosse aux fougères battues de vent et de marées violentes et destructrices nourrit 180 pages d'un lyrisme panthéiste qui me fait penser à la littérature indienne(Amérique du Nord).Alasdair Mor exploite une toute petite ferme et vit surtout de la pêche au homard.Mais la haine et la violence vont rattraper ce coin d'enfer pour une histoire de voisinage.
La brutalité qui s'immisce dans le récit n'empêche pas de comprendre les véritables héros de l'histoire,l'océan mugissant,le vent de glace et la lande déserte où pourrait errer le chien des Baskerville par exemple,cette saisissant aventure de Sherlock Holmes qui nous rattache vite à la tourbe écossaise.Livre du temps,aussi,du temps et des saisons,du froid qui dévore les mains d'Alasdair lors de sa rude tournée des casiers de crustacés.Le coeur de l'hiver a été publié en 75 et les Editions Métailié viennent d'en publier la traduction française dans une collection Bibliothèque écossaise attirante comme un vieux scotch au coin du feu.
A propos de Rosebud
CHARLES FOSTER KANE
Beaucoup à dire sur ce beau livre.Cadeau à moi-même.Na!Très lourd à trimballer et surtout donne une furieuse envie de revoir toutes affaires cessantes les films,muni du livre et de temps libre.Et ça je ne l'ai pas vraiment.Trêve de plaisanterie les illustrations sont somptueuses comme il se doit dans ce genre d'ouvrages.Par contre je trouve souvent ces volumes assez difficiles à lire,n'étant pas un cinéphile avec un bagage technique très conséquent.Et les nombreux détails sur les tournages me restent parfois un peu étrangers.Encore une fois Welles à l'ouvrage devrait se lire lors d'une semaine cinémaniaque avec quelques blogueurs patentés cinéma et projection de l'intégrale.
On mesure bien à la lecture la personnalité de Welles,parfaitement incernable et protéiforme.Ce diable d'homme avait des idées sur tout.Certaines idées lui tenaient vraiment à coeur.D'autres ne passaient pas la nuit et se trouvaient contredites dès le lendemain.Savez-vous que Welles,toujours à court d'argent,avait doublé lui-même plusieurs comédiens et non des moindres?J'ai déjà parlé de ses adaptations de Shakespeare(Cinéma#Littérature).Rappelons qu'Othello a usé quatre Desdémone,que ce passionné de magie a beaucoup utilisé les maquettes,qu'il ne dédaignait pas de "bricoler" la musique.Qu'il enlevait des répliques de l'un pour les donner à l'autre,que son expérience de la radio lui conférait un talent de narrateur fabuleux.Qu'au générique de Mr.Arkadin figuraient 18 nationalités.Il y a tant de choses à dire sur Orson Welles et sur ses projets non aboutis.Si riches,tous ses films font partie de ceux qu'on peut revoir cent fois.Car n'oublions pas qu'on a maintenant la chance de pouvoir revoir les films,assez facilement.Et qu'on n'a guère le temps de relire les livres,ce qui confère à ces derniers l'avantage d'être rarement réévalué par chacun de nous,l'avantage ou l'inconvénient.
Welles au travail de Jean-Pierre Berthomé et François Thomas,aux Cahiers du Cinéma.
Une chanson:Richard Cory
Eux ils font partie de ma vie depuis si longtemps.Il n'ont pas tant que ça enregistré ensemble(6 albums je crois).Mais ce duo d'étudiants plutôt simples et smart est à lui seul tout un pan de la musique américaine.Je ne m'étendrai pas car j'ai l'intention d'y revenir.Ecoutez si vous voulez cette chanson peu connue en version scène,discrète,unplugged comme on dit dans notre belle nov-langue.Il y en a d'autres,plus belles,plus marquantes,plus connues.Mais j'aime particulièrement Richard Cory,l'histoire de cet homme d'affaires richissime et puissant qui un soir en rentrant chez lui s'est logé une balle dans la tête"Richard Cory went home last night and put a bullet through his head"
Une chanson:Hello in there
http://www.youtube.com/watch?v=wpxZqr8epMM Hello!
J'ignorais Hello in there.J'ignorais John Prine.J'ignorais qu'il pouvait y avoir tant d'émotion dans une simple chanson,une chanson qui aurait pu être signée Don McLean,ou James Taylor,ou Tom Paxton,ou Harry Nilsson,ou Loudon Wainwright III,ou...Nanti de mon dictionnaire rock je découvre ainsi des perles.Celle-ci a 35 ans.Elle pourrait en avoir 100 ou quelques mois.C'est toute la vie,toute la mienne,toute la vôtre peut-être, joliment illustrée. J'aimerais que vous l'aimiez.
Du haut de gamme en haut de l'Europe
Ketil Bjornstad est lui-même pianiste et compositeur.Il nous donne là un roman au thème initiatique allant bien au delà de la musique.Dans la Norvège de la fin des sixties un groupe de garçons et filles surdoués de la musique décide de créer une sorte de confrérie.Mais qui sont réellement Anja,Aksel,Rebecca et les autres?Dans le petit monde assez mystérieux des mélomanes avec ses professeurs fielleux,ses parents haineux et ses concours assassins quelle est la part de leur jeunesse qui ne leur soit pas au moins partiellement volée.
C'est que la musique n'adoucit pas forcément les moeurs.Sur fond d'anorexie et de trahisons s'orchestrent les allées et venues de ces héros prêts à défaillir voire à mourir pour un Ravel trop rapide ou une valse martelée un poil trop lentement.L'apprentissage de l'âge adulte s'avère bien compliqué,au moins autant que ces études et ces répétitions interminables meurtrissant les paumes et les coeurs.
La lumière du Nord éclaire ces pages souvent très bouleversantes emplies de fantômes,parents disparus, oiseaux de mauvais augure,étangs meurtriers.C'est bien un univers de violence qui se cache derrière les rideaux cramoisis des auditoriums."Chaque seconde passée sur scène est un moment supplémentaire durant lequel la catastrophe ne cesse de te frôler".Dans La Société des Jeunes Pianistes la mélodie est grave et subtile sur le désir,la vie et la mort.