Griffith,le souffle du muet
J'ai pu voir pour la première fois le célébrissime Naissance d'une nation de David Wark Griffith(1915),en un DVD assez sommaire et sans aucune perspective historique,ce qui est particulièrement dommage pour un film de cette importance.Cette oeuvre ne manque pas de grandeur,de lyrisme ni d'ambition même si 90ans après on est en droit de penser que le souffle indéniable dont fait preuve l'auteur exhale parfois des relents d'un autre âge quant au traitement de la question noire aux Etats-Unis.Mais revenons au contexte de 1915.
Griffith,nanti d'un budget considérable entreprend cette fresque qui narre l'Amérique avant,pendant et peu après la Guerre de Sécession.Les Stoneman et les Cameron vont se trouver mêlés à la tourmente qui oppose le Nord au Sud.Il y a là-dedans du grand romanesque(un peu de Roméo et Juliette au pays de Scarlett O'Hara ,de la poudre et des larmes,des lynchages et des sacrifices.La mise en scène est somptueuse,entrecroisant l'individuel et le collectif,la reconstitution pointilleuse et officielle et l'action engagée vers la naissance du nouvel état,entre un court prologue très proche de l'Oncle Tom et un épilogue suave et christique qui peut paraître aujourd'hui presque ridicule.
Mais bien sûr l'apologie du Ku Klux Klan,véritable et assumée est inacceptable.Il nous faut cependant la remettre dans le contexte familial et culturel de Griffith,fils d'une famille ruinée très conservatrice mais qui fut lui-même durement exploité par ses employeurs.Griffith aurait fait un bon Sudiste évidemment.Il faut toutefois se garder de raisonnements trop simplistes et considérer Naissance d'une nation comme une fabuleuse démonstration de ce que le cinéma peut embrasser autant que le roman(par exemple Balzac) l'histoire de l'humanité.
Griffith lui-même fut gêné par l'idéologie de son film qui lui échappa au mois partiellement par le triomphe obtenu partout,faisant du metteur en scène l'archétype qu'il n'était pas vraiment.La fortune,colossale,gagnée par Griffith pour le film fut immédiatement engloutie dans le tournage d'Intolérance,filmd'inspiration beaucoup plus libérale,second chef d'oeuvre et qui,lui,n'obtint aucun succès.
Pour la mémoire du cinéphile ajoutons qu'Eric von Stroheim fut assistant et Raoul Walsh acteur