Amusant comme à propos de Pépé le Moko l'on s'ingénie maintenant à trouver le film factice,pacotille et,le mot est lâché,colonialiste..Triomphe de l'aberrante pensée politiquement correcte.Factice le film l'a toujours été avec sa casbah aux studios de Joinville.Et colonialiste pardi,en 1936,comment croyez-vous que l'on se représentait l'Algérie?Et alors?
Pépé le Moko n'est pas le meilleur Duvivier ni même impérissable mais reste un excellent film d'atmosphère que j'ai envie de décrypter un peu histoire de couper les cheveux(gominés) en quatre.Le film est adapté d'un roman de Henry la Barthe,dit Ashelbé.On connaît l'histoire qui a fait partie du mythe fondateur de Jean Gabin,mélange voyou,déserteur et prolo parigot.Pépé le Moko ne me surprend plus mais conserve pas mal de charme.
La casbah recréée a des touches expressionnistes avec ses angles aigus et ses perspectives.Avec un peu d'imagination(beaucoup?) j'y ai trouvé une vague réminiscence du Dr.Caligari.La bande à Pépé est truculente à souhait avec les trognes classiques de l'avant-guerre:Saturnin Fabre,Gabriel Gabrio colosse peu avenant,Charpin en balance,Dalio en limace rampante.Mireille Balin vénéneuse aux bijoux,Fréhel et sa goualante à faire chialer Margot sur le métro de Paname,les femmes sont à leur poste.Tout le monde à bord on peut embarquer pour les îles de la Fatalité à travers les écueils de la Trahison et aucun salut à espérer.Gabin est condamné dès le début:dans le cinéma désespéré de Duvivier et malgré leur coeur tendre les mauvais garçons n'on pas d'avenir au delà de 90 minutes,mais des minutes dialoguées par Henri Jeanson.
1938 Duvivier signe un film désespérant et finalement optimiste.La fin du jour confronte quelques vieux cabotins dans une maison de retraite pour comédiens.Numéro d'acteur pour Louis Jouvet,vieilli pour l'occasion et qui séduit la toute jeune Madeleine Ozeray,comme dans la vie.Duvivier le féroce sait alors se faire presque tendre en confiant à Michel Simon un rôle de comédien piteux et mythomane que l'oraison funèbre lue par Victor Francen,gloire oubliée du cinéma français,transfigure non en acteur prodigieux mais plus simplement en très brave type.Et si Duvivier aimait le genre humain tout compte fait.Son regard sur ces histrions pathétiques ne manque pas de grandeur,à mille lieues de choses sinistres genre Les vieux de la vieille.Il y a des conventions,propres à l'époque mais cependant,un film sans jeune premier,dans ces années "qualité française",n'est pas si fréquent.