Il était à Woodstock
Sorti de ma malle magique le très bel album de Richie Havens Mixed bag ,premier véritable opus sorti en 67 de ce Newyorkais né en 41 mélange approximatif de Bob Dylan et de Bobby McFerrin.Cette comparaison n'engage que moi.Des nouvelles de la pochette:le recto est toujours très acceptable,la guitare sur fond bleu et la veste noire de Richie sont du plus bel effet.Le verso et la tranche par contre agonisent sous les taches que je crois de café mais d'un café plus que trentenaire.A l'audition le "charme" du vinyl est plus près de la perceuse que du chant d'un passereau.Allez il me faut me résoudre à à une nouvelle commande CD pour réactiver ce vieux Richie.
Richie Havens a toujours été un adepte des reprises,ce qui ne l'empêche pas d'écrire aussi.Ce sac varié contient une remarquable version d'une des meilleures chansons de Dylan,l'une des plus touchantes à mon avis Just like a woman,ainsi que la belle réussite d'un titre des Beatles,le symphonique Eleanor Rigby auquel Richie donne un swing inattendu.Sa façon de jouer de la guitare avec à la main droite un style très "percussion",c'est peut-être un peu l'apport de l'Afrique à Woodstock.Bien sûr on n'en parle jamais mais Richie Havens continue sa carrière.Je vous propose cet oiseau en plein vol,extrait de Mixed bag,et ne peux résister à vous faire découvrir Richie "en groupe" dans cette si belle version de mon morceau préféré Eight miles high,par son créateur Roger McGuinn,sans les Byrds mais avec une partie du Band.J'espère que vous suivez.
http://www.youtube.com/watch?v=AcS81SdSOv4 High flying bird
http://www.youtube.com/watch?v=O9McvRFfrIQ Eight miles high
Les palétuviers du Honduras
Je découvre Patrick McGrath auteur entre autres de Spider,son oeuvre la plus connue relativement depuis le film de Cronenberg.En potassant un peu j'apprends qu'on lui a longtemps accolé l'étiquette "néo-gothique". Passons,sans intérêt.Mais Port Mungo est très loin d'être sans intérêt.Un peintre très jeune,d'un certain talent rencontre une sorte de virago,artiste elle aussi et quitte Londres puis New York pour le Honduras,genre Mosquito Coast pour le climat(rappelez vous le film avec Harrison Ford d'après Päul Theroux).Ensemble entre jungle et alcool,entre bagarres et inspiration ils vont vivre un amour ravageur et avoir deux filles,elles aussi marquées.McGrath ne fait pas toujours dans la nuance et irrite légèrement par ce parti pris qui me fatigue un peu,à savoir ce côté artiste maudit dont la vie est forcément plus intéressante.On peut penser à Gauguin,Modi,Gogh et aussi à Verlaine,un peu aussi aux écrivains de la beat generation.Il y a évidemment de la déglingue dans l'air.Cette réserve émise Port Mungo touche juste.
Juste parce que derrière les tics du couple marginal apparaît la quête universelle d'une certaine estime de soi-même.Et l'écriture de McGrath oscille entre la paix des âmes,rare et fragile,et l'explosion éthylique de tous les personnages.Exorciser le drame passé dans le Golfe du Honduras,exorciser aussi si possible les traumatismes d'enfance quotidienne de Meg,disparue et que réincarne plus ou moins la cadette Anna?Gin,la soeur de Jack est un peu le grand témoin de cette descente aux affres de la création,seule à peu près d'aplomb dans ce navire qui ne joue même pas à faire semblant d'être une famille.Au total un livre assez dérangeant,non exempt de facilités mais qui laisse des traces comme le limon des tempêtes tropicales sur les toiles de ce peintre fatigué.
Mr.Faulkner goes to Hollywood
Les grands écrivains américains sont tous passés plus ou moins par la case Hollywood.Aucun n'a marqué de son empreinte le cinéma en tant que scénariste,la plupart du temps noyés entre cocktails et corrections de leurs rares contributions par les producteurs.Ainsi William Faulkner aurait contribué à plusieurs films de John Ford(uncredited,comme on dit),ainsi qu'à l'un des films américains de Renoir,L'homme du Sud) et à d'autres productions oubliables.Par contre il est très officiellement au générique de trois films importants de Howard Hawks:Le port de l'angoisse,Le grand sommeil,La terre des Pharaons où il ne semble pas avoir été concerné davantage.Faulkner n' a jamais été un homme d'images.Cependant quelques films adaptés de son oeuvre valent largement le détour.
L'intrus réalisé en 49 par Clarence Brown est un excellent constat sur la vieille culture sudiste basée sur les habitudes de justice sommaire bien ancrées dans ces comtés que Faulkner connaît si bien.Sans acteurs connus L'intrus dépeint avec conviction le lynchage et la prise de conscience de certains citoyens qui finissent par ouvrir les yeux.J'ai toujours pensé que Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur,le beau roman de Harper Lee(au cinéma Du silence et des ombres de Robert Mulligan) avait une filiation assez directe avec le roman L'intrus.
Mis en scène avec flamme par l'immense Douglas Sirk déjà cité très récemment,La ronde de l'aube(The tarnished angels) adapté de Pylone a fait l'objet d'une remarquable analyse par le Dr.Orlof dans l'article Un et un font trois.Je vais donc lâchement vous envoyer dans son cabinet pour y lire l'essentiel sur La ronde de l'aube,auquel je souscris entièrement.
J'aime bien Reivers de Mark Rydell,bâti autour de Steve McQueen en 1969,qui nous montre une autre facette faulknérienne,roman d'apprentissage truculent,une virée dans le Mississipi où l'on voit un adolescent apprendre la vie auprès de personnages forts en gueule et surtout libres penseurs.Titre français du livre:Les larrons.C'est un des très bons rôles de Steve McQueen,capable ici de mêler la verdeur et l'émotion,la tendresse et l'action.
Il était par contre très difficile de rendre la complexité familiale des très touffus Le bruit et la fureur et Les feux de l'été.Martin Ritt s'y est risqué mais ces films,rarement présentés,ne parviennent qu'à peine à évoquer la moiteur du sud,physique et morale. Sanctuaire,trame plus policière,n'est pas de loin,le meilleur rôle d'Yves Montand dans la réalisation de l'anglais Tony Richardson(61) où seule surnage la très bonne prestation de Lee Remick.
Une chanson:I'm a man
Avec ce titre très original(?) le Spencer Davis Group,enfin surtout son leader Stevie Winwood âgé de seize ans terminera déjà sa carrière première manière.Fin 66 les choses vont très très vite dans le petit monde rock et Spencer Davis,Pete York et les frères Muff et Steve Winwood ne joueront plus vraiment ensemble.On se demande souvent quel est l'avenir des jeunes rockers quand ils ne sont plus en haut de l'affiche.Réponse un:ils meurent.Réponse deux:ils sont toujours en haut de l'affiche,mais d'une toute petite affiche sur un club de Manchester ou de Cincinnati.Réponse trois:ils deviennent producteurs chez Island.Réponse quatre:ils disparaissent.Mais tout a un peu changé depuis la naissance des blogs.Beaucoup d'amoureux de la musique vont,viennent et déterrent ces sexagénaires pour les faire connaître à d'autres amoureux de la misique.Ainsi va la vie.
Deux ou trois ans plus tard sortira la version d'anthologie de I'm a man,extraordinaire fusion de Chicago Transit Authority.Steve Winwood,lu,sera de l'aventure Traffic.Na!
Un vieux film bien démodé,bien noir et blanc,bien romanesque,bref un très bon film
Signé Douglas Sirk le somptueux prince du mélo(Ecrit sur du vent,Mirage de la vie,etc..),ce qui est une garantie minima de qualité ce film,oublié même des dictionnaires ciné,n'a pas vraiment de titre français.Vous pouvez lire sur l'affiche A woman,a man,a temptation.Vous avez donc compris.D'un hyperclassique trio amoureux Sirk l'esthète trousse une très sensible variation sur l'habitude et l'homme vielllissant,engoncé de ses certitudes et de ses charges qu'une rencontre avec un amour de vingt ans va faire chanceler.Nous sommes en 1956.
Brabara Stanwyck est une de mes actrices de référence dans le cinéma hollywoodien.Elle tient ici le rôle de l' "executive woman" solitaire qui renoue le temps d'un week-end avec Fred MacMurray,sobre et juste en père et mari qui se questionne.Les clichés abondent bien sûr mais on est prié de ne pas trop cracher sur les clichés,surtout nous autres blogueurs qui en usons tous plus ou moins.Sirk n'est pas un moraliste même si le film peut sembler aujourd'hui douçâtre voire terne.Il est en fait bien dans la ligne de son auteur, flamboyant quoique assez éloigné des fulgurances de Mirage... ou Ecrit...La famille américaine,c'est à dire la famille tout court n'est pas épargnée,en mode mineur, discret.Moi je crois que ça ressemble à la vie et qu'un film comme American Beauty n'en est pas fodamentalement éloigné.
Suite difficile
Citation de John Cassavetes dans ce film:"La vie est une suite difficile de départs,de divorces,de ruptures, etc...". Assurément pourtant il émane de ce film un indéfinissable mais fragile sentiment d'union...
Love streams,avant-dernier opus du grand John porte bien son nom qu'il faudrait si on le traduisait intituler flux d'amour mais il est vrai que ça sonnerait ridicule.Pourtant il s'agit bien de flux,de marées hautes et basses dans la vie des personnages cassavétiens.On le sait ces gens là sont toujours à la dérive,plus ou moins border line,empêtrés dans des problèmes existentiels insolubles et qu'ils diluent soigneusement dans la musique(le blues doit avoir été inventé pour eux et Too late blues a pour titre français La ballade des sans espoir),l'alcool,la nuit et le psychodrame.
On n'oublie pas la virée des Husbands et on a appris qu'Ainsi va l'amour.Love streams nous plonge dans la relation entre un frère et une soeur,tous deux dézingués de la vie.Elle,Gena Rowlands,est divorcée et perd la garde de sa fille avant de donner des signes de dégénérescence cérébrale tragi-comique. Lui, Cassavetes en personne qui remplace John Voigt,découvre son fils de dix ans qu'il ne connaît pas.Comme vous le voyez nous ne sommes pas chez les as de la vie de famille.Cependant les retrouvailles de Robert et de Sarah sont bouleversantes car dans le cinéma de Cassavetes le facteur humain est présent comme nulle part ailleurs et c'est ce qui donne à ses films,pas très nombreux,cette aura magnifique entre espoir et pulsions destructrices,entre rire et larmes tous deux hypertrophiés comme il se doit dans ce monde où l'on s'aime quand même sans savoir se le dire.La fraternité entre l'écrivain alcoolique raté et sa soeur complexée est un beau morceau de cinéma.Le montage parallèle de la première moitié du film où l'on ignore le lien qui les unit mène ainsi aux scènes non pas d'affrontement mais de rencontre tout simplement.Ne sommes-nous pas tous des écrivains ratés qui n'ont pas su parler à leur soeur,à leur maîtresse,à leurs enfants?
Du côté de Ruin Creek
Je n'aime guère la manie de transformer les titres de films ou de livres pour faciliter l'accès du lecteur spectateur potentiel,forcément un peu demeuré..Je me suis souvent exprimé là-dessus.Et Le monde perdu de Joey Madden n'échappe pas à ce diktat.Comme ça l'on est à peu près certain de rentrer dans un univers intéressant mais pas trop surprenant de l'enfance à jamais éloignée.Bref Ruin Creek est un très beau roman de David Payne,l'un des premiers je crois.L'histoire se passe dans les années cinquante puis soixante mais n'est surtout pas une clinquante reconstitution type banane et Elvis,en Caroline du Nord.
Adoptant alternativement les points de vue du père,Jimmy,de la mère,May,et du jeune fils Joey,cette chronique de l'échec annoncé d'une famille de négociants en tabac s'avère pleine de finesse,de tendresse aussi.Les grands-parents maternels du jeune Joey sont les plus proches car il y a eu mésalliance. Mésalliance!Que d'enfants fracassés en ton nom!Dans cette société américaine relativement prospère et travailleuse Jimmy va peu à peu franchir la ligne jaune et s'égarer dans l'alcool et les petites compromissions.C'est un brave type pourtant Jimmy qui subit encore sa mère possessive et s'ennuie de ses copains de basket.May voit son couple se déliter devant ses propres parents compréhensifs mais il arrive un stade où la compréhension des autres elle-même devient pesante.
Cette famille ressemble à toutes les autres.Elle a le mérite d'exister et de représenter une aventure humaine totale car qui dira qu'il est facile de vivre,que l'on soit Joey,Papa Jimmy ou Gran'Pa Will?Le monde perdu de Joey Madden est ici publié dans le remarquable Domaine Etranger de 10/18.A noter parmi les bons moments de la famille une partie de pêche mémorable.Il faudra un jour avec des copains blogueurs que l'on se fasse une sortie pêche virtuelle avec les nombreux auteurs qui ont un jour décrit ce moment souvent privilégié de la vie de famille qui peut parfois virer à l'aigre voire au drame.
Histoires d'hommes
Il peut venir des hautes plaines,de l'Ouest,de la plaine tout simplement,,de la sierra,des vallées perdues,de la rivière d'argent.Il peut aussi venir de l'Arizona ou du Kentucky.Peut-être a-t-il tué Liberty Valance et depuis erre-t-il sans frontières,cet homme qui n 'a pas d'étoile.A moins qu'il ne soit nommé cheval,traqué ou lui-même homme de la loi.
Peut-être sont ils plusieurs deux dans l'ouest,sept à abattre.Ou alors il vient du désert,ou de nulle part.Et s'il était aux abois malgré ses colts d'or...
Quoiqu'il en soit et malgré leur fureur tous ces hommes sans foi ni loi ne peuvent que s'incliner devant le personnage le plus fort que le western aie quasiment déifié.
Eh oui dans ce monde si loin de la parité le plus beau caractère restera...Vienna(Joan Crawford) dans le film qui malgré tout porte le nom d'un homme,Johnny Guitar. http://www.youtube.com/watch?v=1JPragZeLGU
Des images comme on aimerait en voir moins souvent
Comme on aimerait que ces deux films,distants de trente ans n'aient pas eu lieu d'être.Ces deux films sont pourtant très intéressants et surtout pas racoleurs.Ont-ils un point commun?Deux metteurs en scène très originaux et qui n'ont jamais donné dans la facilité:Jerry Schatzberg et Gus Van Sant.Et c'est peu dire que dire que ces deux films,inédits pour moi,m'ont mis mal à l'aise,appuyant sur deux drames très différents,pas si différents en fait.On aimerait chasser de notre mémoire cinéphilique deux films plutôt bons,une fois n'est pas coutume.mais voilà,il y a la vie,et dans la vie il y a Panique à Needle Park(1971) et Elephant(2003)
Panique à Needle Park est le second film de Jerry Schatzberg,photographe qui débuta très tard au cinéma. Tragédie de l'enfermement dans sa forme la plus contemporaine,la drogue,pure et dure et son cortège d'enfants déchus,ce film se veut dénué de tout romantisme mais n'y arrive pas tout à fait,le couple Pacino et Kitty Winn fonctionnant par instants comme une histoire d'amour simple et belle dans sa descente aux enfers.Ce qui trouble encore beaucoup dans Panique à Needle Park est la précision documentaire des gestes quotidiens du junkie qui personnellement m'est difficilement supportable.Plus que jamais et hélas d'actualité cette oeuvre hyper-dérangeante proche de la non-fiction demeure un témoignage qui n'a pas toujours été bien compris.La presse lui a en effet reproché le chaud et le froid,à savoir pour certains une complaisance morbide et pour d'autres une condamnation par trop aveugle.Pour moi ce film brûlant que je viens seulement de découvrir n'est pas si éloigné d'un film récent et honoré,Elephant,constat glacial.
Elephant,Palme d'Or,obéit à une mécanique rigoureuse traitant de la violence en Amérique sans la moindre fioriture,et loin de toute psychologie de bazar ou non.Plusieurs blogueurs ont évoqué récemment Elephant et Sachaguitry notamment en a parlé mieux que je ne le saurai.On peut lui faire une petite visite.Pour conclure il se trouve que c'est le hasard qui m'a fait voir ces films dans la même semaine,semaine qu'on peut donc qualifier d'éprouvante.
Trois bons quarts d'heure
Mirror to you http://www.youtube.com/watch?v=VPFOs5hPjN0
Rock'n'roll is here to stay et c'est très bien ainsi.Quand tout ne va pas terrible et et que se portent de mieux en mieux les démagogies diverses,diverses,diverses et qui finissent par se ressembler comme deux gouttes de fiel il ya toujours un article de journal,une note dans un blog en l'occurrence mais je ne sais plus où qui nous réconcilie avec les jours en attirant l'intention sur l'inconnu,de moi en tout cas.Merci donc à Je ne sais plus qui de m'avoir fait découvrir un groupe tout jeune The Quarter After dont le premier album,sans nom,est une petite merveille d'harmonie guitaristique mêlant grosso modo des influences West Coast et rock anglais type Big Country par exemple.
Mirror to you que je vous propose en ligne n'est pas le meilleur de ce disque.J'y préfère le somptueux et très folk-rocky So far to fall,ainsi,que Too much to think about,très long et très élaboré.Multi-instrumentistes les frères Dominic et Robert Campanella,Nelson Bragg et David Koenig apportent une touche résolument moderne à cette musique dont on croyait tout connaître et nous prouvent que l'harmonie et le punch peuvent faire bon ménage.