05 juillet 2008

To be or not to be,en finnois dans le texte

         Prochainement Hamlet goes business.Le monde d'Aki Kaurismaki est une entité à nulle autre pareille.Il faut laisser au vestiaire sa raison et son bon sens.Car le sens chez le Finlandais va en général dans le mauvais sens et la raison vacille, mais avec beaucoup d'astuce et de véhémence.Ainsi je n'ai jamais regretté mes voyages en Kaurismakie,ce pays inconnu,ce nonsense's land.Au loin s'en vont les nuages m'avait semblé plus intéressant que L'homme sans passé,étant plus sensible au côté lunaire qu'au côté ténébreux de cet univers mais tout cela est intimement mêlé la plupart du temps chez Kaurismaki.Je viens de voir pour la première fois deux films anciens,hommages à Shakespeare et au road-movie,ceci pour faire court.

    Hamlet goes busines(1987)  nous ressert les brumes d'Elseneur à la sauce des entrepreneurs d'Helsinki mais les histoires de famille sont très fidèles au grand Will.Et puis il y a quand même des choses essentielles: Klaus,devenu le beau-père d'Hamlet,envisage de brader scieries et chantiers navals pour se positionner sur le marché du canard en plastique.Si ça c'est pas surréaliste...Soyons sérieux en affaires.Les Atrides finlandais s'entretuent gentiment.Il y a quelque chose de pourri du côté de la Baltique. Rosencrantz et Guildenstern sont devenus tueurs à gage et Polonius le jeune finit la tête dans un récepteur de radio crachotant.Poisons,poisons,il en restera toujours quelque chose.Sur ce festival de citations je vous incite à cette relecture de la grande tragédie,qui ne craint pas le ridicule et nous met en joie sur le ton impayable de ce farceur de Kaurismaki.Et chez lui ces acteurs au pitoyable nom imprononçable sont toujours parfaitement choisis pour camper ces peu loquaces héros pourtant si attachants.

    

         Immense road-movie au scénario très travaillé et d'une rare cohérence voici Les Leningrad Cowboys rencontrent Moïse qui nous conte le retour du génial groupe de rock sibérien dont voici le périple.Mais vous pouvez déjà écouter leur musique si prenante.


Leningrad Cowboys-Rock'n'roll is here to

      Errant au Mexique (très belle introduction avec mariachis) les Leningrad Cowboys qui ont perdu leur manager,c'est à dire 85% de leurs facultés intellectuelles,décident de rentrer dans leur patrie. Passant par New York ils le retrouvent se faisant appeler Moïse,qui va leur faire réintégrer leur tendre Sibérie non sans avoir dérobé le nez de la Statue de la Liberté..On rencontre aussi Elie, autre prophète que l'on entendra chanter Kili watch,joué par André Wilms(Mr.Le Quesnoy,hallucinant).Brest,Amiens,Francfort,la République Tchèque,la Pologne,nos héros en santiags et bananes nous offrent le voyage le plus foutraque de ma carrière de cinéphile. Aki s'est foutu de nous,cette fois.On doit être un peu maso puisqu'on aime ça.

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O pleure mon pays si douloureux

   Karel Schoeman sera-t-il un  jour reconnu comme l'égal de Coetzee,Brink,Gordimer?Je n'hésite pas à qualifier La saison des adieux de chef-d'oeuvre,meilleur que le déjà très bon Retour au pays bien-aimé (voir Pleure encore pays bien aimé).L'Afrique du Sud a été prodigue de génies littéraires,ce qui donne à penser que c'est dans les convulsions que s'épanouit le talent.N'allons pas trop loin dans ce syllogisme.Ecrit en 89 La saison des adieux se situe au début des années soixante-dix,en quasi guerre civile,où le délabrement s'accélère dans un contexte d'insécurité et de répression.Nous allons vivre quelques mois avec Adriaan, poète de langue afrikaans,dont la vie perd chaque jour de sa substance puisque est venue la saison des adieux,le temps de partir pour beaucoup d'intellectuels de progrès.Karel Schoeman écrit lui-même dans cette vieille langue d'origine hollandaise et dans une traduction que je pense de qualité on découvre un auteur très riche qui sait à merveille décrire un espace vert au Cap,rare endroit préservé,ou la violence des banlieues envahies quand le moindre incident dégénère.

      Adriaan a longtemps fait partie d'un petit cénacle d'esprits éclairés qui ont cru possible que l'Afrique du Sud  change sans trop de douleur.Mais à l'impossible nul n'est tenu et ce pays magique se devait de pleurer longuement.C'était déjà le titre du grand livre précurseur d'Alan Paton Pleure ô pays bien-aimé qui date pourtant de 1946.L'ami d'Adriaan est djà en Amérique,Marisa a regagné les Pays-Bas,ceux qui sont encore là font semblant de ne rien voir de cette société en pleine déréliction,comme l'insignifiant Dewald qui cherche encore à monter une revue de poésie afrikaans.Nico,acteur imbu et plus très jeune multiplie les furtives étreintes pour s'empêcher de vieillir.Le musée où travaille Adriaan s'effondre lui aussi, témoignage de la vieile Europe dans la ville du Cap,cet extrême sud,qui,un temps relativement épargné, s'apprête à rejoindre Johannesburg dans la ruine.

    Il y a dans La saison des adieux des pages merveilleuses sur la marge si étroite entre le courage et les lâchetés,les petitesses et les sursauts.Et plus encore sur la solitude du poète,cet albatros empêtré,dont les mots demeurent impuissants à enrayer l'inéluctable et sur la tragédie d'Adriaan,qui rentre chez lui au crépuscule,pour travailler,travailler toujours,témoigner et encore ce n'est pas sûr... Schoeman a fait de son personnage un homme malgré tout équilibré,presque sage et composant avec sa solitude.C'est très beau.C'est chez Phébus et 10/18.

Posté par EEGUAB à 07:49 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
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