Je conservais un magnifique souvenir du Christ s'est arrêté à Eboli,film de Francesco Rosi d'après le récit autobiographique de Carlo Levi,film sorti en 80.J'avais un peu idéalisé ce film qui reste néanmoins un beau film,à défaut d'être un très grand film.Passé un petit sentiment de déception Le Christ s'est arrêté à Eboli se voit presque comme un document ethnologique.C'est ainsi que Rosi en parle dans son entretien en français avec Michel Ciment,passionnant et d'une totale clairvoyance malgré le grand âge du metteur en scène.

   Carlo Levi,année 1935,est assigné à résidence en Lucanie,ce Mezzogiorno sinistre où règnent ignorance, corruption et malaria.Dans ce bout du monde au milieu de nulle part cet homme du Nord,cultivé et ouvert,va trouver une vérité qu'il ne soupçonnait pas.Francesco Rosi a ausculté l'histoire de son pays depuis cinquante ans.Il est un de ceux qui m'ont donné le gôut de ce cinéma,hérité du Néoréalisme cette merveille.L'authenticité du film n'est pas discutable,tourné en grande partie avec les paysans de 1980,pas très différents de ceux de 1935.Le jeu intériorisé du grand Gian Maria Volonte nous remue et l'âme et le coeur.Bien reçu et Rosi évite habilement tout manichéisme,sauf peut-être sur la fin et j'y reviendrai,Carlo Levi,peintre et médecin,se lie d'amitié avec les bergers et les villageois.Même le podestat représentant de Mussolini ne semble pas si méchant.Certes il y a la censure de son courrier et les limites du cimetière à ne pas franchir.Mais il y a surtout une humanité que le grand bourgeois nordiste éclairé ne s'attendait pas découvrir dasn cette grisaille pierreuse  dont on dit que même le Christ l'a évitée.

      

      Parmi ces gens simples et rudes l'homme va toucher du doigt la pauvreté et la tristesse,celle des enfants,celle des vieux dont les fils ont tenté l'Amérique.Car dans ce bled presque infâme les yeux se brûlent à rêver de l'autre côté de la mer,dont pourtant pas mal d'hommes sont revenus,pas tous bien riches.A moins que ces mêmes yeux ne dévorent l'illusion africaine que la propagande fasciste prétend mettre à leur portée,là-bas,à Addis-Abbeba.Levi va vivre là plusieurs années.Et le danger guette alors l'homme,et guette aussi le film,de tomber dans une sorte d'exotisme de l'austérité.La fin du film n'évite pas tout à fait ce piège qui voit le bon Dr.Levi devenir mi Robin des Bois,mi Dr.Schweitzer.J'en ai été un peu gêné lors de cette seconde vision,28 ans après la première et ceci explique sûrement cela.Pas assez gêné pourtant pour ne pas recommander Le Christ s'est arrêté à Eboli,film marquant et modeste,sans thèse mais pas sans émotion.