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14 février 2009

La perfection,probablement

      La nouvelle Les Morts dans le recueil de James Joyce fait quelques dizaines de pages.John Huston(1906-1987),aux origines irlandaises bien trempées,n'a plus que quelques mois à vivre.En fauteuil roulant et sous oxygène le vieux baroudeur ne peut se déplacer en sa chère Erin.Ses enfants sont près de lui,son fils Tony au scénario et sa fille Anjelica  dans le beau rôle de Greta.Mais il n'y a que de beaux rôles dans Gens de Dublin.Le film dure 1h20 et comme j'aimerais que le cinéma retrouve l'art de la concision.Huston sera présent tout au long du tournage et il se peut que The dead soit pour moi le plus beau film au monde.Pour moi qui aime à me pencher depuis des lustres sur les étranges noces du cinéma et de la littérature le repas de fin d'années des soeurs Morgan,dans le Dublin du début du Siècle,est le plus magnifique festin du Septième Art.

      La neige tombe sur la capitale irlandaise de ce qui n'est pas encore la République.Pas encore de république mais toute l'Irlande est là,de Joyce et de Huston.Les invités arrivent,comme tous les ans.On va chanter,très important en Irlande.On va danser,on va boire,très important en Irlande.On va même un tout petit peu croiser les fleurets mouchetés de la politique et d'un embryon de féminisme.Pour la politique:très important en Irlande.Pour le féminisme:hélas pas très important en Irlande,tout au moins pendant longtemps.

      

   L'une des deux vieilles tantes a encore un beau filet de voix.Mais pour combien de temps?La nièce joue du piano divinement mais semble seule.Freddy est ivre,comme d'habitude,très important en Irlande.On le comprend,le pauvre,avec sa mère...Un vieux monsieur déclame et c'est étrange et très beau,comme suspendu dans le temps.On y cite Keats et les premiers indépendantistes.On s'aime bien tout en se querellant un peu.On y parle de chevaux et d'opéra,passions irlandaises.Gabriel fait son  discours annuel,tendre et convenu,hommage à l'hospitalité des hôtesses.

   Puis il se fait tard il faut s'en aller.Certains,éméchés,en sont aux anecdotes grivoises en reprenant le fiacre.Ce fut une belle soirée,comme l'an dernier.La voix du chanteur Bartell d'Arcy dans une ballade poignante cloue d'émotion Greta et Gabriel.Et s'ouvre le livre des souvenirs,le livre des morts.Rentrés à leur hôtel les époux se regardent.Il y a juste un peu d'incompréhension.L'évocation de la mort du jeune Michael,jadis amoureux de Greta,crucifie la femme encore jeune alors que son mari évoque à voix haute tous les disparus.

    Son âme défaillait doucement au bruit de la neige qui tombait faiblement sur l'univers,et faiblement tombait le couchant de leur fin dernière sur tous les vivants et les morts.

    Gens de Dublin perce le coeur du spectateur,porté par les mots de Joyce,la fidélité de Huston, l'extraordinaire justesse chorale de tous les acteurs(irlandais),la musique imprégnant le film sans l'étouffer?Greta,debout dans l'escalier,entendant la chanson en une contre-plongée infiniment douloureuse est pour moi le summum de l'émotion.En aucun cas sinistre ni morbide The dead est le testament d'un très grand cinéaste qui a tout connu et a su transcender au seuil de  sa propre fin la nouvelle du plus grand écrivain de l'Irlande pour en faire une pièce d'orfèvre inoubliable,emmêlant le fil de la vie et de la mort en une île universelle.

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Commentaires
V
Merci pour cette chronique. Elle m a donné envie de revoir tout de suite ce grand film. Et de relire la nouvelle de Joyce. Je vais essayer de me les procurer dans la journée.
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C
Je partage entièrement cette émotion! une grande oeuvre!
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D
Il faut reconnaître qu''"Ulysses" est vraiment déconcertant, je n'en suis jamais venue à bout.<br /> <br /> Les Dubliners, c'est différent. Ces nouvelles sont écrites de façon classique, avec une intrigue, des personnages qui évoluent, un début et une fin...( tout comme le Portrait de l'artiste en jeune homme d'ailleurs).<br /> <br /> Pour la nouvelle Les Morts, il me semble qu'il y a plus qu'un peu d'incompréhension au sein du jeune couple, lorsque la femme se souvient de son ancien amoureux, c'est un gouffre qui s'ouvre devant eux. <br /> Mais je n'ai pas vu ce film.
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R
Ni Ulysse ni Dubliners ne sont malheureusement à ma portée...Après plusieurs tentatives infructueuses,j'ai décidé d'attendre quelques années pour tenter de les relire. Probablement pour mes 30 ans. Snif. J'envie vos cerveaux, ces héros qui réussissent sans peine à digérer de telles oeuvres.Gloire à eux. ;)
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E
Il y a quelques temps nous en avions discuté ailleurs. J'avais parlé de deux acteurs irlandais Donald McCann (hélas décédé) et Donal Donnelly qui sont excellents dans leurs rôles respectifs, l'époux pour l'un et Fred Mullin (titubant et bégayant) pour le second.<br /> Yvon
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D
Vu à l'époque de sa sortie. Chef d'oeuvre à voir. Rien d'autre à dire. Chapeau M. Huston et merci.
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E
bien sûr ! entre dans l'odyssée d'Ulysse- Leopold Bloom & de Télémaque-Stephen Dedalus...<br /> tu en resteras sur le cul !
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C
Pour ma part, je n'irai pas dans votre sens. Souvenirs vagues car lointains mais je n'étais absolument pas entré dans ce film. Désolé pour ce manque d'agumentation constructive...
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E
Merci à tous trois et ravi que les ajectifs absolu,vertigineux ,lumineux vous soient venus à l'esprit.Par contre je n'ai jamais osé m'attaquer à la lecture d'Ulysse.Je pense essayer prochainement.
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C
ce film est lumineux ! j'adore la phrase de fin JJ est un ecrivain magnifique, j'ai pas de mots pour cela...oui, c'est bien moi la panther d'ob, j'ai changé de blog ! @bientot sans doute
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N
Ce film est absolument vertigineux.<br /> Angelica Huston y est épatante, comme tu le dis on n'a jamais aussi bien saisi que dans ce dîner l'âme irlandaise. Et cette fin... à tomber !
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E
là tu abordes l'ABSOLU !<br /> Joyce est MA référence, j'y retrouve tout ce que j'aime ou apprécie chez tous les autres écrivains qui me conviennent<br /> cette nouvelle tirée de "Dubliners" est aussi la plus forte, je trouve, du recueil<br /> mais Huston a réussit le tour de force d'y ajouter encore 1 pesanteur & 1 densité supplémentaires<br /> il a su ne pas diluer, bavasser, comme font tellement de cinéastes aujourd'hui (qui doivent calculer les passages tévé & les coupures de pub)<br /> Huston mourant ne devait + rien à personne (n'avait à ce moment rien à foutre de comptes à rendre) & son film est 1 bijou<br /> "le plus beau film" : c'est vrai qu'il contient l'essentiel des sentiments d'1 vie d'homme (ou de femme), mais selon les moments, d'autrs films peuvent + nous émouvoir ("Fanny et ALexandre" de Bergman m'avait fait aussi l'impression forte de tout contenir)<br /> je vais faire de la pub pour cet article !
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