Ce maudit imbroglio (titre original) fut distribué en 1959 en France sous le vocable alors exotique de Meurtre à l'italienne. Pietro Germi n'a pas encore opté pour la franche comédie,fut-elle assez noire.Rome,admirablement rendue par la piazza et la cour d'entrée de l'immeuble,par les fontaines nocturnes où se garent d'encore assez rares voitures,est la vraie star de Meurtre à l'italienne,comme elle le sera chez Fellini ou Scola.Pietro Germi interprète lui-même le commissaire au chapeau inamovible,et son équipe allie l'humour et l'efficacité,à l'italienne bien sûr.J'ai pensé au grand auteur de polar Giorgio Scerbanenco qui aurait quitté Milan et le Nord pour Rome.En fait ce film est adapté de L'affreux pastis de la rue des Merles de Carlo Emilio Gadda,auteur d'essais plus que de polars.
Tous les amoureux de Rome comme moi se régaleront de cette faune mêlant bourgeois cossus,médecin véreux, commandatore et dottore friands de titres ronflants mais assez peu regardants.Le petit peuple n'est guère mieux traité par le féroce Signore Germi:receleurs,gigolo,prostituées.Certes ce n'est pas Affreux,sales et méchants mais Germi fait preuve d'une belle vitalité,assassine selon l'adage "Qui aime bien châtie bien".La bureaucratie policière ne s'embarrasse pas non plus de trop d'éthique mais le commissaire Ingravallo n'est pas un mauvais cheval.Meurtre à l'italienne est une plongée sans vergogne mais pleine de ressources,qui sinue habilement dans les méandres dignes du cours du Tibre.Franco Fabrizi est une fois de plus vaniteux,veule et vénal(quel grand acteur c'était!) et Claudia Cardinale toute jeune peut encore jouer une (à peu près) ingénue.
Les tout derniers feux du Néoréalisme brillent encore un peu dans cette belle oeuvre où une ambiance Simenon serait tombée dans une trattoria au lieu du Café du Canal.Pietro Germi devait abandonner le métier d'acteur pour signer entre autres Divorce à l'italienne,Signore et Signori, Séduite et abandonnée. Invisibles hélas sont ses premiers films des années 45-50 pourtant tentants d'après les histoires du cinéma italien.Jean Gili,si brillant spécialiste,le contraire des pontifiants,présente cette édition Carlotta de Meurtre à l'italienne avec esprit et compétence.
J'en ai arpenté les rues dans tous les sens (j'abuse un peu ^^) lors de deux séjours de 15 jours. Je me rappellerai toujours ma marche de la Cinecitta jusqu'à la Gare Centrale, le tour du Vatican à pieds (pas trop long, mais ça grimpe par moments), mes déambulations dans le Quartier Juif, près de l'Isola Tiberina (et ses bonnes glaces), dans le Trastevere (où une petite assemblée applaudissait le générique de fin d'Amélie Poulain), le mur de lierre près du Consulat français et d'un petit marché fort sympathique, le grand Parc (dont j'ai honteusement oublié le nom) qui surplombe la Piazza Napoleone, la traversée à pieds du Circo Massimo lors d'une petite tempête de poussière pour accéder à la Bocca della verita, le Colisée impressionnant, le foro, l'arrêt quotidien dans un bistrot de la rue Nationale pour une Guinness bien fraîche ...
Rien que d'y repenser, j'ai envie d'y retourner !