A peine plus aéré que la pièce de Clifford Odets Le grand couteau nous étouffe,rude réquisitoire des fifties sur le Hollywoodian way of life.Ce dynamiteur de Big Bob Aldrich signe un film sidérant de vindicte,émouvant portrait d'une star de cinéma qui peine à retenir la poussière du temps et des conventions,en ce huis clos entre producteur inculte et poupées au Q.I. de mollusque.Charlie Castle est resté un candide,rude contre-emploi pour Jack Palance,l'un des mauvais garçons du cinéma de ces années.Ses velléités d'indépendance,touchantes,bouleversantes,nous touchent mais la machine infernale du pouvoir des studios en décidera autrement.La dramaturgie de Clifford Odets est plus qu'assumée par Robert Aldrich.On assiste impuissant à une sorte d'infantilisation du personnage,préfigurant jusqu'à Baby Jane peut-être. Harcèlement,chantage,mensonge,et la hideuse commère d'Hollywood,de chair et d'os en ces années cinquante:il en sera de trop pour Charlie.
Charlie Castle est en passe de n'être plus qu'une créature impuissante face au Moloch que constitue la politique des studios.Bien avant les multiples dérives d'Internet par exemple la vie privée de Charlie n'est déjà plus ni privée ni même la vie.Le grand couteau n'a rien perdu de son acuité,porté par des acteurs impeccables dont Rod Steiger en huileux producteur teint en blond et Shelley Winters toute jeune.On parle maintenant dans ce jargon abominable de métafilms quand Hollywood se penche sur Hollywood.Cela a donné quelques exemples très forts,c'est qu'Hollywood n'est pas soluble en lui-même et est capable de sérieuses remises en question.Merci à Aldrich et aux autres "métaréalisateurs", Mankiewicz, Wilder, Minnelli...Loin d'être figés dans les fifties leur cinéma est de ceux qui restent,sorte de contre-pouvoir,ce qui n'empêche jamais l'ambiguïté de cohabiter avec le génie.Infinie complexité d'Hollywood.
Le théâtre de Clifford Odets,fortement,lourdement(?) engagé donna lieu aussi à l'adaptation par Fritz Lang de Le démon s'éveille la nuit.Scénariste du remarquable Grand chantage il réalisa lui-même les rarement diffusés Rien qu'un coeur solitaire et Du sang en première page.