En 1930 le grand Friedrich Wilhelm Murnau ne sait pas,lorsqu'il tourne dans les mers du Sud,qu'il mourra sur une route de Californie quelques jours avant la sortie du film.Il vient de quitter Hollywood après avoir tourné entre autres le plus beau film de l'histoire du cinéma,L'aurore.Avec Robert Flaherty,grand documentariste de Nanouk et L'homme d'Aran,Murnau débarque dans le Pacifique où ses acteurs,tous des natifs,n'ont pour la plupart jamais vu de caméra.L'idée de Murnau est de retrouver nature et naturel au sein d'un lagon paradisiaque qui s'avérera d'une grande cruauté.On suit bien le paradoxe de ces sociétés primitives et,rousseauisme oblige,on rêve d'une histoire d'amour et de nacre.Mais la tradition veille,cette tradition qui,si elle vacille,ne rompt jamais,ni en Polynésie en 1930 ni ailleurs,ni plus tard,avec son visage odieux derrière le masque exotique et idyllique.La jeune fille est en fait promise à devenir une vestale,grand honneur chez le peuple océanien,mais drame shakespearien quand on aime un jeune pêcheur.
En fait il semble,mais les avis diffèrent,que Murnau et Flaherty ne s'entendent pas du tout et sur aucun point de vue.Il restera peu de choses de Flaherty dans Tabou dont le côté fictionnel est vraiment la touche Murnau.Selon certains historiens Flaherty disparaîtra carrément du générique.Il demeure que ce film rompt avec tous les films antérieurs de Murnau,allemands ou américains,et Tabou continuera de briller au firmament du cinéma comme une perle dans la limpidité océane.Personnellement Story of South Seas me touche bien que je ne puisse m'empêcher de lui trouver une naïveté roublarde et un côté Murnau en vacances de dandy sur son yacht.Mais cette pancarte Tabu dans les eaux de Bora-Bora est à mon sens l'une des plus belles images de la mer au cinéma.