Des mots,une histoire: Blues des accords d'Evian
Les mots imposés pour l’édition 57 de Des mots, une histoire sont : automne – nord – chauffeur – ceux-ci – amandier – crayon – page – maison – chantier – ventripotent – azur – philosophie – rubicond – apologie – princesse – rose – bananier – clavier – nid – ruiner – harmonica – coquelicot – magnétique – beurre – comédie
Il allait mieux,le gamin,et du haut de ses douze ans il se mit à revoir la vie en rose.A la télé en noir et blanc passaient souvent depuis l'automne les images de ceux-ci qui avaient quitté leur maison là-bas de l'autre côté de la mer pour un Nord qu'ils espèraient clément,de ceux-là qui sous un ciel d'azur s'apprêtaient à relancer le chantier de leur vie."Tourner la page" écrivaient les journaux.
De l'Algérie il savait bien peu de choses,hors les diatribes du chauffeur de car,le crayon vissé à l'oreille,comme son père dans sa boucherie,en moins rubicond peut-être.Mais il savait bien que son cousin plus âgé,le fils aîné de son tonton ventripotent,était revenu de là-bas tout cassé.Il le rencontrait parfois sur le port,dans son fauteuil roulant à regarder les méthaniers,les bananiers accostés et actifs.Ses parents au gamin,ils en parlaient rarement,avec des mots compliqués,ils disaient qu'il fallait prendre ça avec philosophie, sans faire l' apologie de la haine.
Alors ils le poussaient vers le clavier pour qu'il bosse un peu ses gammes.Ca l'ennuyait,le piano,mais ça comptait pour du beurre,le nid familial aussi parfois,mais tout à sa joie d'avoir échappé à la guerre,il allait savourer cette journée,courir voir Martine,sa princesse,c'était juré.Et lui jouer cette musique qu'il aimait tant,de son harmonica plaintif,lui couleur coquelicot,elle regard magnétique.Et pas de la comédie,non,à s'en ruiner le coeur,déjà...En attendant il courait...et chantait: "J'avais l'plus bel amandier du quartier"