Militer,limiter
Pour le challenge d'Asphodèle j'ai choisi de lire John Dos Passos si souvent cité jadis avec Hemingway, Steinbeck et Faulkner parmi les phares littéraires du siècle américain.Mais avec Aventures d'un jeune homme si l'on est bien dans les années 20-40 on est à mille lieues de la jet-set,du Paris de la Coupole que fréquenta pourtant Dos Passos,et de la demeure de Gatsby.Il faut dire un mot sur le parcours idéologique de Dos Passos. .Pour faire court on dira qu'il est parti d'une gauche assez radicale pour finir nettement à droite.Ceci n'est pas un problème mais aide à situer un peu l'écrivain,actuellement en un sérieux purgatoire.Je n'avais lu que l'extraordinaire Manhattan Transfer, hallucinant collage de destins dans la ville,lu quand j'avais 25 ans.Mon souvenir en est ébloui mais il arrive que le souvenir soit plus fort que l'éblouissement.
Ce roman raconte les aventures politiques et amoureuses de Glenn Spotswood, jeune Américain,fils d'un professeur pacifiste. Pas particulièrement nuancé, tout comme Dos Passos à cette époque,on a vite compris de quel côté penche Glenn.Attiré par le Parti Communiste, il s'enthousiame pour l'action des mineurs et des chicanos. Rien de bien surprenant. Il s'engage pour la guerre d'Espagne, bardé de certitudes,de celles qui courent encore partout et que j'appelle tragiques hémiplégies.Mais les querelles de chapelles finiront par miner Glenn.Après les "pur et dur" et les progressistes à peu de frais, de nouvelles désillusions l'attendent, et le destin de Glenn prendra sa mesure. A travers la vie d'un homme, Dos Passos passe doucement sur le plan littéraire de l'inventivité de ses jeunes années à un néo-conformisme inévitable,celui qui nous étreint tous un jour ou l'autre.
Ce n'est pas un personnage qui m'a réellement intéressé.Aventures d'un jeune homme est somme toute très convenu et des beaux quartiers de New York aux frontières mexicaines,de la soviétophilie aveugle aux maquis de Catalogne,je me suis bien ennuyé un petit peu.Un retour à Manhattan Transfer s'imposerait-il?Mais le temps?
Des mots,une histoire: Justice
Infatigable dans sa passion pour l'écriture Olivia a cueilli cette semaine pour Des mots,une histoire 75: idole-cocon-interminable-inavoué-permis-machine-chemise-voilure(ou voile)-zinc-dogmatique-poursuite-foie-autorisation-écrire-souvenir-cyanure-palétuvier.
Manifestement ce voyage en Moldaquie,sans même les autorisations de base,qui,autant qu'il puisse s'en souvenir dans sa geôle de Slovapelsk,étaient au nombre de onze,n'avait pas été une bonne idée.Quel guêpier l'attendait après cet interminable et cauchemardesque voyage en train dans cette kafkaïenne Europe qui exigerait un permis pour se rendre au famélique wagon-restaurant?Pour retrouver sa belle mais fantomatique slavo-bucovinienne il avait fourbi ses maigres armes afin de persuader les pointilleux fonctionnaires de son caractère inoffensif et de sa sympathie pour l'idole locale,le brave général Stamaofy.Brave mais sourcilleux malgré le parti-pris de bonhomie affiché sur les énormes calicots omniprésents,en chemise kaki,légendé d'un "votre père à tous" malgré tout plus dogmatique que familier.
Il n'était plus temps de faire machine arrière.Depuis que deux hommes en sombre,plutôt mutiques mais déterminés, l'avaient prié de quitter le zinc de cet obscur ersatz de bar sans finir son café insipide,tout s'était passé si vite.Nulle poursuite dans les rues de la sinistre et méfiante capitale,on n'était pas dans un roman de Greene.Une voiture couleur de deuil,une campagne devinée à travers un bandeau ,une crainte inavouée,le visage de sa mère sur les bords de l'Oise et la terreur de ne pouvoir même écrire.Ou comment passer en quelques dizaines d'heures d'un doux et un peu lourd cocon gentiment bourgeois à ce no man's land de bande dessinée des pires heures de la Guerre Froide.
De tout cela il n'était plus question.Sauver sa peau,car tout pouvait arriver ici,on en était là.Une démarche au couloir, quelques ordres, de ceux qu'on croit comprendre qu'il soient en serbo-croate ou en ouolof.Verrous qui ferraillent.La dernière fois qu'il avait entendu ça c'était dans l'intro du We love you des Stones.Un coup au foie,sa chambre d'ado,les voiles,les palétuviers.Et comme une réminiscence des films sur la Résistance,le cyanure,bon sang,le cyanure...au cinéma.
http://youtu.be/hK2nzWui28Y We love you Rolling Stones (1967)
Trois livres parmi d'autres
Et c'est à peu près tout.Coup sur coup trois romans américains qui ne sortent guère des sentiers battus.Pas désagréable tout ça, mais qu'on est bien content d'avoir emprunté au service public.Le diable,tout le temps nous présente des Américains particulièrement bas de plafond. Pêle-mêle un vétéran du Pacifique évidemment traumatisé,un prédicateur et un infirme dégénérés, un pasteur obsédé,un couple assassin d'auto-stoppeurs.Du tout venant,de l'ordinaire,et surtout du déjà vu.Une drôlerie à signaler:la quatrième de couv. évoque Flannery O'Connor,CormacMcCarthy et Jim Thompson.Rien que ça! Mais Athalie de A les lire,par exemple n'est pas du tout de mon avis..Le diable tout le temps Donald Ray Pollock
Le livre de Brian Leung lorgne du côté, pas mal exploité aussi,de la double appartenance de la communauté chinoise immigrée en Amérique.Nettement plus intéressant que le livre cité ci-dessus,Les hommes perdus traîne quand même pas mal en chemin.Un père,Chinois,gravement malade,retrouve son fils qu'il a jadis confié à des parents de son épouse américaine.Ce fils,lui,n'a plus grand-chose de chinois,il a même changé de nom.On peine à s'intéresser aux atermoiements du père qui tient avant de mourir à emmener son fils fraîchement retrouvé en Chine.Curieusement c'est dans les rapports des deux générations que Les hommes perdus m'a paru meilleur.Tout ce qui tourne autour de la Chine manifestement, n'intéresse pas le fils,guère plus le père,et moi pas tellement. Les racines me fatiguent un peu parfois.
Quant au "native polar" de Craig Johnson,Enfants de poussière, il se lit bien,c'est déjà ça.L'Indien arrêté,un colosse que l'on imagine ressembler à Will Sampson,l'ami de Jack Nicholson dans Vol au-dessus d'un nid de coucou,est aussi un ancien du Vietnam et il a tellement tout contre lui qu'on se doute que...Les dust children sont les enfants d'un G.I. et d'une Vietnamienne,la plupart du temps assimilée à une prostituée.Evidemment c'est pas facile pour eux ni pour les dust grandchildren,la seconde génération. Il y a toute une série de romans avec les deux récurrents,le flic et son ami,dit La nation Cheyenne,souvent adorés des blogueurs.Moi j'en resterai là.
Agrafé (tag peut entre autres se traduire par agrafe)
Peu familiarisé avec le tag (ce doit être la seconde fois) je réponds volontiers à celui que me propose Asphodèle car il reste très centré sur la littérature.Le plus difficile dans ce genre d'exercice est de se limiter à une seule réponse.Je vais essayer de m'y conformer.Ca n'est pas si simple sauf pour la première question qui n'a souffert pour moi aucune hésitation.
Livre que j'ai particulièrement aimé
Je ne suis pas sûr que le verbe aimer soit le bon.C'est un peu au delà.C'est un livre qui m'a bouleversé,transformé,révélé,un peu démoli aussi.J'aime les phrases et celle que j'ai coutume de citer pour ce livre c'est celle-ci.Le désert des Tartares m'aurait permis éventuellement de ne plus jamais rien lire d'autre,tant le Lieutenant Drogo...c'est moi.
Livre qui ne m'a pas plu
Pas plu du tout,il y en a très peu car j'arrête avant la fin en général mais nous y reviendrons.Assez récemment j'ai lu et détesté Rouge dans la brume de Mordillat auquel je ne ferai pas le cadeau d'une illustration.
Livre qui est dans ma PAL
Je n'ai pas vraiment de PAL.Ma PAL c'est la blogosphère des lecteurs qui me proposent tous les jours des dizaines de livres.L'un des prochains pourrait cependant être celui-ci.
Livre qui figure parmi mes souhaits (je n'aime guère wish-list)
Pourquoi pas celui-ci? Mais attention,l'original, Oiseaux d'Amérique de J.J.Audubon,que peut-être les blogueurs associés pourraient m'offrir pour la modique somme d'environ huit millions d'euros.
Livre auquel je tiens
Sans hésiter n'importe lequel des "Livre de poche" de mon père.Par exemple celui-ci,que pourtant je n'ai jamais lu.Juste un peu effiloché,mais je sens sa présence.Il avait quitté l'école à douze ans mais il lisait Steinbeck et Remarque.
Livre que je voudrais vendre ou troquer
Une fois j'ai vendu un petit lot de Balzac.Je n'ai pas coutume de faire ça.J'en ai donné à des bibliothèques.Puis j'ai compris que ça ne les intéressait pas tellement.
Livre que je n'ai pas réussi à terminer
Alors là il y a une superstar et je me suis déjà exprimé là-dessus.Dois-je l'avouer?Je suis très sceptique quand quelqu'un me dit l'avoir lu.Mais ça n'arrive pas tous les jours.Depuis ce livre il y en a quelques-uns qui sont restés en rade.Mais pour ce phare j'ai abandonné page 45.Lisez Grand combat (et les commentaires).
Livre dont je n'ai pas encore parlé
Un livre immense sur lequel je n'ose pas vraiment communiquer.Seuls quelques privilégiés l'on eu entre les mains.Ce livre a entre autres qualités innombrables celle de prendre très peu de place.
Livre en lecture commune
Je n'ai encore jamais pratiqué.Il y a tant de challenges,tant de choses intéressantes,tant de choses à faire.Et,accessoirement,il y a la vie ...
Des mots,une histoire: Les choses de la vie
Les mots recueillis par Olivia pour la mouture 74 de Des mots,une histoire sont:avantage-artichaut-réflexion-bizarre-loupe-collaboration-éruption-totalité-surplomb-obstacle-quarantaine-sérail-ziggourat(facultatif)-persévérance-écrin-embauche-irrégularités-laboratoire.Je n'ai pas retenu ziggourat.
9h47.Sur cette route automnale bénie des dieux,quelque part entre Nuits Saint-Georges et Beaune,l'ouverture de L'enlèvement au sérail inonde l'habitacle.La tête inclinée vers la gauche voilà longtemps qu'elle ne me regarde plus,somnolant et déjà ailleurs,sa quarantaine rugissante ayant de plus en plus de mal avec mes six décennies.C'était prévu,écrit et inévitable.C'est toujours comme ça.De toute façon ça n'a jamais été un mariage,et pas longtemps une liaison. Appelons cela une collaboration, rarement horizontale maintenant.Mais une association c'est diantrement humain,ça naît,ça vie,ça meurt.Et surtout ça vieillit et elle et moi on est à ce stade où plus grand-chose ne nous réunit,d'évidence.Oh j'y ai pourtant mis un peu de persévérance et elle n'a pas vraiment multiplié les petites irrégularités de parcours.Mais voilà, quand l'un des amants claudique,le coeur boîteux,c'est le couple qui prend l'eau.
Mais pourquoi ce jour et pourquoi sous les ors bourguignons et le doux surplomb des coteaux qu'elle avait tant aimés sous le soleil de septembre?Je me souviens,là,précisément, de ses réflexions puériles sur la robe du vin qu'elle observait comme à la loupe à l'Auberge du Clos.Elle prétendait que les Côtes de Nuits étaient l'écrin de notre belle histoire.Je faisais semblant d'avoir hérité de mon père une belle aisance oenologique et la félicitais pour sa sensibilité,éperdu à l'idée qu'un obstacle,même d'amour-propre, ne l'éloigne de moi.Bizarre,cette impression que dès ce moment,la romance portait en elle la gangrène inéluctable de l'odieux temps qui passe,ce Dorian Gray qui accompagne l'existence,en sa totalité,encore souriant,déjà sinistre.
De chaque côté de la route s'affairent les engins viticoles dans le mordoré un peu luisant de cette journée ambrée.J'ai sur elle un avantage,je me souviendrai moins longtemps.J'oublierai jusqu'à ce jour d'embauche,combien d'années déjà,où la jeune trentenaire inconnue,pas vraiment canon,disaient mes collègues du laboratoire,avait, si vite et si calme,embrasé l'homme mûr. Parlons-en,de l'homme mûr,mûr à tomber ou du moins à vaciller,à flancher sous l'imminente éruption qui devait en résulter.Comme je pense à ce premier entretien,sa tête roule un peu plus,ses yeux bougent,imperceptibles.Je la regarde.Là-bas un poids lourd semble sorti d'un film,déchaîné.J'ai à peine aperçu la raison sociale "Artichauts du Léon".C'est fini.
A Cork et à cris
Sean O'Faolain est un auteur irlandais qui vécut tout le siècle dernier ou presque (1900-1991).Je ne le connaissais pas,je lis pourtant pas mal l'Irlande mais elle est si riche en littérature.Passions entravées est un recueil,une compilation de 14 nouvelles qui courent sur 40 années.Le titre générique fourre-tout donné à cet ensemble ne me plaît pas beaucoup mais on aurait tort de s'y arrêter. C'est une belle brochette de personnages qu'il nous propose,la plupart en mal de vivre et en troubles souvent réfrénés,Erin savait serrer l'étau.
Les histoires sont assez variées et je ne vous en préciserai que quelques-unes qui m'ont plus particulièrement intéressé. Une cigogne valsait avec un rouge-gorge explore un couple très improbable, une vieille fille irlandaise et d'un faux aristo italien menteur et pudibond.Le petit Quinquin nous présente une version d'un classique du genre famille, le fils à sa maman, possessive ça va de soi.Le plus beau texte, Un monde brisé est un dialogue à trois dans un train d'une irlandaise lenteur entre le narrateur,un prêtre trop sûr de lui et un fermier peu loquace,sur la situation du pays.Vraiment très fort.Un génie est né est aussi une bien belle prose qui explore notamment le goût du chant,si profond en Irlande,et la complicité impossible entre un homme et une femme,deux belles voix,mais de condition différente.Insurmontable handicap en ce milieu de siècle.James Joyce,celui de Gens de Dublin,n'est pas si loin.
Sean O'Faolain fut très engagé dans l'IRA,puis enseignant.Il a tenu une place de choix dans l'éclosion de bien des talents littéraires irlandais,en particulier à travers la revue The Bell. Eireann,maître es Erin,nous donne ci-dessous son point de vue.
Transes européennes
Greene je l'ai beaucoup lu.On l'a beaucoup lu,ceux de ma génération plus vraiment quinquagénaire.Cet homme a beaucoup compté ne serait-ce que par le cinéma,Vienne,Le troisième homme,Welles,Cotten,Carol Reed,la cithare d'Anton et la grande roue du Prater.Pour ce film Greene n'a d'ailleurs écrit qu'une nouvelle.Mais Graham Greene comme Somerset Maugham son contemporain fait partie de ces auteurs en plein purgatoire.J'ai voulu lire Orient-Express que je ne connaissais pas et qui,s'il a été adapté au cinéma, le fut pour un obscur film anglais inconnu en 1934,peu après sa publication.J'ai voulu le lire pour le site Lecture/Ecriture et parce que ce livre appartenait à mon père,en Livre de Poche,cette si belle idée qui m'a jeté sur les routes de la littérature.
Bien des romans de Graham Greene sont plus intéressants.Citons Le ministère de la peur, La puissance et la gloire, Notre agent à La Havane, Le fond du problème.Mais cet ouvrage n'est pas à dédaigner.Ecrit vers 1930 Orient-Express s'appela d'abord en Angleterre Stamboul train.Greene lui-même classait ce roman dans les distractions par opposition à ses "grands" romans davantage tournés vers la foi ou la philosophie, déjà cités.Néanmoins apparaissent dans ce livre les thèmes très "lourds" de l'engagement politique,de l'antisémitisme,de la culpabilité,particulièrement greenienne.
Ostende, Cologne, Vienne, Subotica et Istambul,cinq étapes sur la route de l'Orient-Express.Pas à proprement parler un huis-clos mais le cadre majeur qui réunit quelques personnages à la vie un peu compliquée qui vont se croiser,se découvrir,s'aimer,se haïr en un condensé de cette Europe entre deux guerres, véritable soufrière qui en à peine vingt ans allait replonger dans l'horreur. Après des années d'exil Richard Czinner,médecin,leader socialiste en exil à Londres retourne à Belgrade.Joseph Grünlich,voleur et meurtrier,fuit Vienne.Carleton Myatt,négociant juif anglais se pose des questions sur son identité et son pouvoir de séduction. Coral Musker,danseuse de music-hall,et Mabel Warren,journaliste lesbienne,sont les éléments féminins de ce quintette qui va jouer une partition serrée,tendue,souvent d'une grande sécheresse.Pas d'envolées lyriques sur le socialisme bonheur.Pas de grandes phrases sur le féminisme.Et pourtant tout est là dans cette Europe en miniature et en pullmans mal chauffés.
Les sympathies de Graham Greene ne sont pas si évidentes car l'auteur est malin bien que jeune encore quand il publie Orient-Express.Peintre des ambiguités du coeur comme politiques c'est un écrivain de grande classe qu'il conviendrait de dépoussièrer un peu de ce qui s'appelle la rançon du succès.10/18 s'y emploie,par exemple avec notamment les oeuvres suivantes dont la dernière,Travels with my aunt,emprunte 40 ans après ce même Orient-Express.
Géographie: Jackson, Mississippi
Probablement des dizaines de Jackson constellent les Etats-Unis.On s'autorise à penser que Jackson,Mississippi est la plus célèbre.Capitale d'état,190 000 habitants,la ville rend hommage à Andrew Jackson,septième président du pays.Ancien comptoir français fondé par le Canadien français Louis LeFleur,traversée par la Pearl River,la ville a été témoin de troubles comme pas mal de cités sudistes au début des années 60.Nombre de romans,films ou chansons retracent ces moments.Nous en avons déjà parlé notamment à Oxford.Les écrivains Eudora Welty et Richard Wright,l'auteur de Black Boy,y ont vécu enfants.Musicalement Jackson est ici évoqué très sobrement par le folkeux Jason Luckett.Très sobrement, minimaliste, dirais-je.
http://youtu.be/tUkKbHyhhZw Jackson,Mississippi Jason Luckett
Lycanthropicardie
Le meneur de loups nous entraîne dans les forêts d'enfance d'Alexandre Dumas.Du côté de Villers-Cotterets au XVIIIème Siècle, Thibault,un modeste sabotier un peu trop envieux va vivre pendant juste une année une malédiction,assez proche de celle de Faust.Un soir, un loup noir se présente à lui et lui propose un pacte : la possibilité de faire des voeux, à condition qu'à chaque voeu, un peu de sa chevelure change de couleur.Son pouvoir sera immense.Il pourra se venger des humiliations du lieutenant de louveterie,devenir riche, épouser la charmante Aignelette.Mais à pactiser avec le Diable on risque gros et Thibault sera conduit à la surenchère,voyant ses souhaits exaucés mais aussi dévoyés.Ses amours,ses rêves de puissance et de conquête vont lui échapper de bien lupine façon.
La forêt de Retz,Dumas l'a arpentée en ses tendres années,né en à Villers-Cotterets en 1802.Ecrit en 1857,Le meneur de loups est une incursion dumasienne dans le conte fantastique,assez rare dans sa prolifique bibliographie.L'auteur narre cette histoire à travers le garde-chasse Mocquet qui l'aurait-lui même dite au jeune Dumas de quinze ans.On comprend très vite que le défaut majeur de Thibault,cette envie maladive,deviendra une véritable haine du genre humain et finira par le briser dans ses lubies d'ascension sociale.Mais le récit est bien mené,comme la meute, non sans drôlerie.Comme je l'ai vu sur plusieurs notes il serait intéressant de lire Le meneur de loups en pleine forêt de Retz,Dumas ayant soigné la toponymie,très fidèle à la belle Picardie du Sud,verte, ombrageuse et propice à courre...le cerf,le loup et le sabotier.
En 2002,bicentenaire oblige, on a déplacé le tombeau d'Alexandre au Panthéon.Je l'aimais mieux dans son pays d'Ourcq.Mais les Amis d'Alex l'ont plébiscité.Pourquoi ne pas réunir tous les grands écrivains en un seul lieu? Et ainsi " jacobiniser" davantage notre pays en une sorte de Père Lachaise Litterary Land.
Mon père avait raison
John Burnside va rejoidre dès maintenant mon graal littéraire toujours visible ici même.Souffrant un peu d'autocomplaisance vers la fin Un mensonge sur mon père est dans la lignée,très autobiographique à mon avis, de Une vie nulle part Nowhere man. Burnside n'a pas vécu une jeunesse d'enfant de choeur,cela se respire à chaque page.Dans son Ecosse de minerai et de grisaille le personnage,au coeur des années soixante,est bien loin de la Swinging London.Joliment introduite par le mensonge du narrateur,John,maintenant un homme mûr,à un autostoppeur,cette ballade du temps d'enfance,d'adolescence et de jeunesse à travers l'absence au moins affective de la figure du père,se révéle terriblement clivante quant à notre propre divorce d'avec nos vertes années.Ce père est un enfant trouvé,donc un enfant perdu,à peine un enfant.
Ces relations, plus inexistantes que difficiles entre le père,emmuré dans l'alcool et le boulot,et son fils,qui va très vite basculer dans la drogue,sont parfois à pleurer de désespoir.Ce n'est guère dans l'éveil des sens que le jeune homme trouvera une route semée d'étoiles,ses jeux érotiques plus sado-maso que baignant dans la tendresse.Un mensonge sur mon père s'avère parfois éprouvant.Même si une mère dépressive et anémique a protègé comme elle a pu John et sa sœur, même si le rock a pu accompagner l'apprentissage si douloureux (et ça c'est un élément auquel je suis particulièrement sensible,et j'aimerais un jour écrire davantage là-dessus qu'un article de trente lignes),même si une bibliothèque qui brûle peut finalement et curieusement s'avérer rédemptrice,on ne peut s'empêcher vis à vis de John d'une sentiment d'ambivalence quelque peu reptilienne,où la fascination finirait par triompher.
Ce père,John,lui donne une allure de Robert Mitchum et je ne sais la part de réalité de cette idée,comme de celle qui ferait de ce même homme un ancien de la prestigieuse Royal Air Force,devenu ouvrier d'usine.Mais je trouve que c'est une bien belle licence littéraire.Parce que,et je me souviens de ma longue formation cinéphilique toujours en cours,Mitchum,c'est l'inquiétude même,dans tous ses films.Cette silhouette souvent hautaine et dédaigneuse,ce regard fatigué et décadent font de lui un archétype de l'ambiguité, le Love/Hate de La nuit du chasseur.Certains critiques évoquent une autre dualité quant au personnage du père de John:Jekyll/Hyde.Et la menace, présente du début à la fin,on ne sait laquelle d'ailleurs,mais une épée de Damoclès.Quant à la R.A.F on saisit bien le symbole,ce qui se fait de mieux dans l'establishment britannique (attention,pour moi rien de péjoratif),quelque chose qui aurait pu être,qui sait...
Les sentiments du père et du fils l'un pour l'autre,au long d'un psychodrame des années durant,sont magistralement rendus par cet écrivain,aussi poète,qui évoque les terreurs de l'enfance à travers Edgar Allan Poe.Les pulsions ne seront pas meurtrières,enfin pas directement.Mais il s'en faut de peu.