La lyre d'Islande
C'est avec grand plaisir que j'ai partagé avec Athalie A les lire cette lecture commune.Celui-là,il ne manque pas de souffle.Et il en faut,très au Nord dans cette Islande de glace et de feu où le moindre faux pas vous flanque à l'Océan et où l'oubli d'une veste un peu chaude vous mène au Walhalla,comme on le vit dans Entre ciel et terre,premier tome d'une trilogie dont La tristesse des anges est le deuxième volet.Il est préférable à mon sens de lire les livres dans la foulée car les personnages d'Entre ciel et terre,lu il y a deux ans,s'étaient pour moi un peu dissipés.Ce n'est toutefois pas indispensable.
Le Postier et le Gamin sont les deux héros de cette histoire qui nous jette sur les chemins gelés et les crevasses volcaniques de cet étrange caillou nordique d'Extrême-Europe.Le premier a besoin du second pour mener à bien sa tournée vers les fjords du Nord,moins hospitaliers encore que le village où se concentrent les autres personnages.Dans ce pays de blancheur où cavalier et monture ne font plus qu'un, unis par la peine et le gel,et où la terre si brutale ne rachète pas la mer meurtrière,nous sommes dans une lande de conflagration.Il est si difficile d'y vivre et le gamin n'a plus que le souvenir de son ami Barour disparu.
La poésie inonde ce livre,son prédécesseur,et probablement le troisième opus.C'est que,sous de telles latitudes,aux arbres rares et aux eaux souvent solides,la vie s'accroche au moindre lichen et s'abreuve à la plus fine fonte de neige,de cette neige qu'on appelle aussi La tristesse des anges.Rudesse aussi en ce parallèle du Septentrion,la mort est en embuscade et parfois colle à la peau des survivants comme ce cercueil fou qu'on est incapable de mettre en terre.
Ce voyage en Islande n'est pas toujours aisé au lecteur non plus d'ailleurs.Comme transi de froid j'ai parfois dû réfléchir,ce qui ne peut pas faire de mal,car la prose de Jon Kalman Stefansson ne s'offre pas si vite,un peu secrète,un peu mythique.Et puis,un détail,les prénoms de la-bas,ou de là-haut,on a ne les identifie pas immédiatement comme masculin ou féminin.Cela m'a perturbé un tout petit peu.Broutilles que tout cela,La tristesse des anges est un livre somptueux et le cap au Nord que vous allez mettre,je l'espère,vous récompensera des ses multiples beautés.Froides,les beautés.Et le macareux salé que vous partagerez avec Jens et le Gamin,je suis sûr que vous l'apprécierez.
Dans l'article Poésie meurtrière sur le premier tome j'avais évoqué Melville et Stevenson.Je crois que Jon Kalman Stefansson est tout à fait digne des deux géants.Il y a chez l'Islandais la quête de l'un et le sel de l'autre.
Ennui vénitien
Grosse déception que cet Alibi de Joseph Kanon dont j'avais, tant apprécié L'ami allemand,The good German au cinéma, Soderbergh, Clooney.Venise a rarement semblé aussi peu inspirée dans ces premiers mois après la fin de la guerre.Un jeune Américain,démobilisé,retrouve sa mère qui va se marier à un médecin italien.Qui est vraiment cet homme? S'intéresse-t-il surtout à la fortune de cette femme?Et le Grand Canal a-t-il beaucoup de cadavres à vomir ainsi?
Autant le Berlin de 1945 était judicieusement étudié par Joseph Kanon avec ses trafics divers,ses vestes retournées in extremis,et ses signes très précoces de la future Guerre Froide,autant l'auteur se noie dans les eaux troubles de la Sérénissime.Rien ne m'a intéressé dans cette histoire qui mêle résistants au fascisme et chemises brunes,qu'on confond allégrément.Bien sûr les immédiates après-guerre peuvent être diablement séduisantes pour l'univers du polar.Mais ce qui fonctionne dans le Berlin de L'ami allemand ou la Vienne du Troisième homme,ça ne marche pas sur la lagune.Chiuso! Scusami mais, Dieu merci, j'ai connu La mort à Venise autrement excitante,et des Lunaisons vénitiennes d'un tout autre calibre.Pourtant j'aimais bien la photographie de couverture.
Un Suisse qui compte
Claudialucia eu la bonne idée de me faire parvenir le très original roman de Patrick Deville.Je connaissais Alexandre Yersin comme découvreur du bacille de la peste et je l'imaginais rivé à sa paillasse dans un institut,fut-il l'Institut Pasteur. Mais Deville est un voyageur de l'écrit qui comme Yersin pense que ce n'est pas vivre que ne pas bouger. Rimbaud est cité presque plus que Pasteur dans ce roman que l'auteur du très bon Equatoria a mis en scène afin de nous faire vivre l'aventure Yersin, du canton de Vaud à son installation en Asie du Sud-Est. Cet homme là tenait d'Arthur l'Ardennais pour ses chaussures aériennes,mais aussi de Livingstone pour la ténacité. Et le jury Femina,lui,a été très clairvoyant car ce livre est formidable et terriblement stimulant.Saluons Laure à l'occasion avec son joli challenge.
C'est que ça le démange,Yersin,peu de choses de l'activité humaine lui sont indifférentes.Après le bacille de la peste en 1894,qu'il identifia déjà à Hong-Kong,le savant ne revint en France qu'avec parcimonie.Nha Trang au Vietnam actuel fut le havre de ce travailleur acharné que passionnaient aussi bien le vélo que l'automobile ou l'aviation.Souvent le premier à expérimenter tel ou tel objet,ce pasteurien convaincu fut entrepreneur,multipliant les observations scientifiques tant sur la botanique que sur les marées ou sur l'élevage.Il fut aussi l'un des maîtres du caoutchouc,développant la culture de l'hévéa.Et s'intéressa à l'arbre à quinquina, source de médication par la quinine.
On oublie souvent que la recherche de cette époque était fréquemment mortelle pour les hommes,avant que de l'être pour les bacilles.Plusieurs collaborateurs de Yersin payèrent de leur vie les asepsies approximatives.On croise des politiques comme Paul Doumer,des collègues dans le sillage de l'immense Pasteur,Calmette,Roux,un certain Dr.Destouches aussi,auteur d'une thèse célèbre sur Semmelweiss.Peu de femmes dans la vie d'Alexandre,peu de place pour l'art et la littérature.Mais Patrick Deville signe un livre très novateur,efficace,sur un personnage somme toute secret,le contraire de ce que l'on appelle aujourd'hui people,dans toute sa richesse d'homme de science et de volonté,inébranlable.
Grâce à Claudia,et tout comme Deville ou Yersin,Peste et choléra voyage lui aussi.Le voilà en partance pour la Bretagne où l'attend Gwen,en attendant d'autres destinations.
So long Richie
Au revoir au grand Richie Havens.Au hasard d'une discographie superbe sa reprise d' Eleanor Rigby.Et Woodstock s'éloigna encore un peu...
http://youtu.be/v4etdWtz5kk Eleanor rigby
Service minimum
J'avais pensé pour ce challenge de l'ami Phildes me singulariser par un nombre peu commun dans le titre et voilà que,pris par le temps,je me contente du service strictement minimum,à savoir le chiffre 2,ce qui,avouez-le, ne relève guère le niveau.Ca m'apprendra à faire le malin.J'ai donc fouillé dans les livres de mon père et lu un auteur que j'ai beaucoup fréquenté dans les années soixante-dix,gros vendeur à l'époque,le sympathique Bernard Clavel,prix Goncourt avec le quatrième opus de sa belle série La grande patience,Les fruits de l'hiver.
Quarante ans ont passé et ce roman de l'artisan Clavel,séduisant self-made man passé du stade d'apprenti boulanger dans le Jura à celui de convive chez Drouant et best-seller,publié en 93,ne m'a pas permis de retrouver le grand plaisir de lecture de La grande patience,ou de L'Espagnol,ou encore du Seigneur du fleuve.Est-ce moi qui ai changé?J e crains que oui.Clavel a amalgamé des éléments historiques sur les mouvements des canuts,ces tisseurs lyonnais aux conditions de travail dantesques.Il connait bien cette bonne ville de Lyon bien sûr,et l'opposition traditionnelle entre la colline du Labeur et la colline des Prières.Son personnage principal,Pataro,handicapé,contrefait,survit péniblement en rendant menus services avec ses chats,ses rats et ses oiseaux.Ses services il les rend parfois aux canuts,parfois aux bourgeois.
Les gones et gonesses se sont sûrement régalés à cette histoire où leur ville et leur fleuve crèvent l'écran.Le vocabulaire leur en est familier.Moins pour moi,sorti des traboules,je peine à situer l'action.Autre personnage,tout jeune,mais appelée à un grand avenir,la guillotine.Bernard Clavel a ainsi brassé les époques pour une fresque sociale un peu à la Zola,avec des relents des Misérables.Lu très vite,je crois que Clavel n'était plus dans sa période la plus forte.Où est-ce ma capacité à m'émouvoir qui fout le camp?Dessécherais-je?
Les plumes...by Asphodèle: Chronique littéraire
Asphodèle,cette diablesse exige de nous cet exercice de haute voltige,écrire une quatrième de couverture,avec les mots suivants: départ-salle-téléphone-heure-désir-impatience-minute-frustration-déçu-enfant-pandémonium-liste-angoisse-patience (facultatif)-espoir-stupeur-galop-gifle-gigantesque.
C'est l'occasion pour moi d'attirer l'attention sur un livre de toute beauté,qui ne semble pas promis hélas à un grand succès populaire,le nom de Pierre Kiroulnamaspamous restant scandaleusement méconnu de la critique française.
Quelques aficionados trop rares guettaient le nouveau livre de Pierre Kiroulnamaspamous.Leur impatience est enfin récompensée après la frustration d'un silence de dix ans.Quant à ceux qui ignorent tout de l'auteur,tant mieux.Qu'ils prennent le départ pour cette aventure romanesque gigantesque dont ils se souviendront.Dans son style minimaliste et après 270 pages blanches qui attisent le désir du lecteur,haletant,Histoire du Rien frappe très fort et nous scotche à notre chaise,tout de stupeur inouie,devant la violence de cette scène où le héros,Hans Bastiani,renverse son café au Bar du Téléphone,Gare San Parnasseo.
Et c'est presque le début d'un voyage littéraire hors du commun,une gifle intellectuelle,dont on ne peut sortir déçu.Déçu, non,mais meurtri certes oui.Le pandémonium originel,celui des Enfers,a tout d'une pension de famille à l'heure des tisanes à côté du fleuve Histoire du Rien,objet écrit mal identifié charriant les horreurs et les tendresses d'une humanité percluse d'angoisse et lorgnant le moindre espoir avec véhémence.Songez,mais je ne veux pas dévoiler d'indice,que dès la page 712 on apprend que le café de la gare,salle des pas perdus, était décaféiné.
La liste des influences sur le roman de P.K. est variée de Buzzati à Confucius en passant par Hergé.Heureux lecteur néophyte qui va découvrir ce livre inclassable qui,dans la brièveté de se 1500 pages,nous emporte au grand galop vers les hauteurs vertigineuses d'une littérature à couper le souffle,qui ne laisse pas une minute de répit,et qui fait du lecteur un enfant ébahi, émerveillé,stupéfait devant tant de maîtrise.
Edualc Eeguab
"Le Picard sait lire" du 20 avril 2013
Histoire du Rien, de Pierre Kiroulnamaspamous,traduit du kirghizo-bantou par Anna Kuneki-Peferssa, 1523,5 pages, Ed. Gaminard/Le Deuil.
Tous les lilas,tous les lilas de mai...
...n'en finiront,n'en finiront jamais...La jolie Valse des lilas de Michel Legrand et Les lilas chantés par Brassens ont bien du charme.Mais,mauvais Français,j'ai une passion pour ce Lilac wine,des années cinquante,devenu un standard repris par bien des gens de talent.Voici deux bouquets pour toutes celles qui aiment le lilas,dont deux blogueuses auxquelles je pense plus précisément,des pays de Chouans et de Canuts.
Un verre de ce Lilac wine,en compagnie de Nina ou de Jeff, qu'en dites vous?La chanson parle de quelqu'un qui a mis tout son coeur dans la recette du vin de lilas,qui lui fait penser plus qu'elle ne pense,faire ce qu'elle n'ose pas,et boire peut-être un petit peu plus que de raison. Et quand le doux vin de lilas nous aura tous bercés,je sais qu'alors, alors vraiment ,ce sera le printemps.
Visages de cinéma
Le film danois You and me forever
Le film allemand Shifting the blame
Notre coup de coeur Electrick children
Le "gros" film américain Mud.Gros mais bon.
Le film belge Le sac de farine
Le film argentin Enfance clandestine
Neuf films en compétition,neuf jurés,pour remettre le Grand Prix de la Ville.Le principe est simple comme à Cannes,mais moins couteux en chambres d'hôtel.Ces films ont été proposés chacun deux fois ce qui octroie une semi-liberté aux jurés.Ce n'est pas parce qu'on fait partie du jury qu'on doit se déplacer en petit troupeau cinq jours d'affilée,même si ça peut parfois ressembler à ça.On pourrait écrire un polar la-dessus et cela a sûrement déjà été fait.Le souvenir le plus marquant pour moi de cette expérience est le fait que l'on apprend un peu à se connaître et qu'au bout de quelques jours il y en a bien un ou deux qu'a envie de tuer.Les membres de cette microsociété s'irritent mutuellement,ne serait-ce qu'à table car les repas prennent une assez grande place.L'exercice physique est ce qui manque le plus au pauvre juré de festival.
Ce festival s'appelle Ciné-Jeune.Il y a donc plusieurs jurys dont un composé d'enfants de cinq-sept ans.Ce n'est pas le moins cocasse de voir une présidente de jury de six ans annoncer le vainqueur catégorie court métrage,un charmant film d'animation de huit minutes,Macropolis,dont je vous joins la bande-annonce.http://youtu.be/ceB_Vjd-i8A
Le jury adulte a donc choisi parmi ces neuf films.Autant le dire,la cocasserie n'est pas le point fort de cette sélection et voici pourquoi.La règle de ce festival stipule bien que les oeuvres doivent mettre en scène essentiellement des enfants,ados,ou jeunes.Et les enfances sans problèmes,si tant est qu'elles existent,ne hantent guère les scénaristes.C'est ainsi que les films traitant de la jeunesse sont la plupart du temps situés dans un contexte social lourd,parfois plombant.Cette 31ème édition n'a pas dérogé.On a donc droit à la délinquance,la maladie,l'autisme,la dictature,les troubles de l'identité sexuelle très tendance,la violence.Souvent ces films sont très bons,évitant soigneusement la dérive démago (ma hantise).On est en droit aussi d'avoir envie de sourire.C'est un peu difficile.Nous y sommes cependant à peu près parvenus,mes chers collègues et moi.Une relative unanimité a couronné un film américain,indépendant ou presque,que vous aurez l'occasion de voir en juin prochain,je crois.Ayez l'oeil car Electrick children ne sortira pas dans 400 salles.
Premier film de l'Américaine Rebecca Thomas,Electrick children nous donne à savourer un improbable télescopage entre la communauté des Mormons dans l'Utah et Vegas,la musique rock et un air de liberté plus à l'Ouest.Rachel,15 ans et demi,se retrouve curieusement enceinte et en attribue la paternité à... un morceau de rock,Hanging on the telephone.Il y a un poil de road movie.La pub,un peu courte quand même,évoque un croisement entre le Witness de Peter Weir et l'univers de Gus Van Sant.Bof.J'y ai surtout vu pas mal de liberté de ton,un choc de couleurs,le rock utilisé comme un vecteur,si j'ose dire,d'envol de l'oiseau Rachel.Et des images certes un peu clinquantes parfois mais bien en accord avec l'aventure à l'Ouest de la jeune Rachel.Une scène magnifique, émouvante aussi,où un rocker quinquagénaire reprend seul à la guitare son tube historique.Vous pensez qu'un tel moment ne pouvait que m'emballer.
Nous avons voulu distinguer d'une mention le très beau film argentin de Benjamin Vila Enfance clandestine qui aborde d'une manière originale et à hauteur d'un enfant de douze ans les années plombées de Buenos Aires.Fortes tendances autobiographiques. Cependant le véritable jury de Ciné-Jeune n'était pas le nôtre mais celui des lycéens qui a octroyé le prix le plus prestigieux,et le mieux doté,au film finlandais de Petri Kotwica,Rat King.Et là,c'est peu dire qu'il y a eu un divorce total entre les deux instances car chez nous,les "vieux",personne n'avait aimé ce film.Du conflit des générations...Sur la photo Petri Kotwica est le grand monsieur solide bâti comme ses compatriotes Arto Paasilinna et Aki Kaurismaki,charmant et tenace.
Photo/Le Courrier Picard
En conclusion je rassurerai chacun,les neuf membres du jury sont sortis indemnes de cette épreuve.Et personne n'est mort d'ennui malgré des moments un peu soporofiques auquel le juré,contrairement au spectateur lambda,ne peut échapper.
Les plumes... by Asphodèle: Noir tourbillon
Je remercie Asphodèle qui a reçu dans son bissac les mots suivants: blancheur – doute – débauche – enfance – pureté – accuser – angélique – temps – diablotin – naïveté – mensonge – fredonner – fastueux – flaque.
Je cours dans la ville,ma ville,étouffé et en larmes.Je croise des visages,certains me sont connus,certains me sont amis.J'ai dérapé sur une flaque de gas-oil,je n'ai pas le temps de pester sur cette saloperie de voirie,ni d'en accuser les équipes municipales.Je cours mais je n'ai plus l'âge de courir ainsi.La flotte brouille ma vue,la tempête sous mon crâne culmine.Et le temps,le temps cet assassin aux mains toutes de blancheur et dont on ne perçoit pas les coups bas,le temps me happe et me fait vaciller. Pour en finir?
Je sais que Catherine va mal,que ses maux sont de ceux sur lesquels les mensonges humains n'offrent plus aucune sédation.Je le sais,je n'ai pas la naïveté de m'illusionner.Et c'est Jules qui m'a fait appeler,balayant ses ultimes doutes.Mais as-tu jamais douté,Jules mon ami?Leur appartement m'a rarement semblé si éloigné.Pourtant ni eux ni moi n'avons quitté la ville.Nous modulions nos sorties urbaines,d'un commun accord,tacite mais efficace,pour éviter de reformer le fastueux trio de nos vingt-cinq ans.
Le souvenir,ce diablotin facétieux nous guettait à chaque instant.Pas un bistrot où ne retentisse encore le rire de Catherine.Pas une ruelle où nous n'ayons jadis couru,à boire le vin frais de nos heures chaudes,à fredonner quelque air de caboulot. Plusieurs années que je ne l'ai vue,Catherine,et,haletant et la brume à mon regard,c'est une débauche d'images comme un film nouvelle vague.Elles m'assaillent, mêlant à ce maelstrom cette angoisse,crescendo d'inquiétude,comme un fragment d'une enfance orpheline.Je crois que je vais tomber.Enfin la rue Antoine Doinel,et,presque au bout,dans la pureté d'un halo sous la lune,la grande maison,où les douleurs la vrillent,Catherine,Catherine notre angélique,en partance. Epuisé,vieilli en un soir,il m'attend. Jules m'attend.Je me jette dans ses bras."C'est fini,Jim".
N.B. Ceux qui décéleraient ci-dessus l'influence de H-P. R. et de F.T. auraient bien raison.Ces gens-là m'ont un peu bouleversé. Merci à eux.
Le petit monsieur dans le bus
Pierre Assouline revient,dans ce qui reste un roman,sur la figure de Georges Pâques.Georges Pâques, haut fonctionnaire de la IVe République, dont on apprend un été 1963, qu’il est une taupe… « On lui aurait donné le Bon Dieu sans confession » s’exclame Georges Pompidou, atterré.Ce petit monsieur croisé dans le bus par Pierre Assouline des années après est bien l'espion le plus étonnant de l'après-guerre.On connait les belles biographies de l'auteur,des références, Simenon, Hergé, des sujet à zone d'ombre,de ceux dont les vies recélent le plus de questions probablement.Mais ici c'est plus sur les mobiles que s'interroge l'auteur. Qu'est-ce qui a pu amener cet homme,par ailleurs catholique pratiquant,à travailler pour l'URSS vingt ans durant,depuis la fin de la guerre.
Naît-on espion?L'argent, l'idéologie, le sexe n'ont pas été pour Pâques le moteur de ce qu'il faut bien appeler la trahison. Assouline se livre à une passionnante enquête sur ce personnage,à des années-lumières de l'agent secret de cinéma et de roman.A-t-il pour cela résolu le mystère?Pas tout à fait à mon sens.Nous faisons la connaissance,vingt ou trente ans après,de certains de ses honorables correspondants soviétiques.Le livre avance par à-coups et nous laisse souvent dans un certain flou qui convient parfaitement à son sujet et à cet univers où nous claquent au visages,comment ne pas les citer,ces deux maîtres es brouillard, Graham Greene et John le Carré.Une question d'orgueil,c'est bien d'orgueil qu'il s'agit d'après Pierre Assouline.Georges Pâques, opaque,croit probablement à sa place dans la conduite des affaires du monde.Par antiaméricanisme,presque uniquement semble-t-il,lequel est chez Pâques élevé au rang de vertu cardinale,dixit Pierre Assouline.
Beaucoup de non-dits,c'est normal dans une affaire d'espionnage,au moins des pas vraiment dits,des devinés.Informateur du KGB,ce Philby à la française,par ailleurs d'une vaste culture et d'une grande foi chrétienne,demeure une énigme bien après la lecture du bon roman,car c'en est un,de Pierre Assouline.La vérité sur l'affaire Georges Pâques conserve ses ellipses et se rendez-vous mystérieux,son ambiance anglo-saxonne qu'on a longtemps crue avoir le monopole de la fiction d'espionnage.Croyez-moi,je suis très loin d'avoir tout cerné de notre agent,mais j'en ai aimé la traque/trame littéraire.