Bzzz bref mais troublant
Ce satané Bison de Le Ranch sans Nom a fini par me convaincre de nipponiser un peu plus. Alors,soucieux de ne pas abuser ni du sake ni du sumo j'ai lu les 75 pages des Abeilles de Yoko Ogawa et ce fut un nectar.J'en ai fait mon miel. Voilà la beauté du texte court dans toute son épure,sans effets ni scories. "Les tulipes du massif oscillaient.Les ailes des abeilles étaient mouillées." Une ligne et demie,vers la fin du livre,et je la trouve superbe en sa simplicité. Puisque de Japon il est question on pense au crayon d'Utamaro, quelques traits dans un coin d'une grande feuille,et qui en disent tant. L'héroïne de ce beau et discret récit rencontre un directeur de résidence d'étudiants,sans étudiants pour y résider. L'homme, très gravement handicapé, prend une place dans sa vie,sa vie un peu en stand-by, son mari en lointaine Suède pour son métier. De petits mystères sur la disparition du dernier pensionnaire,l'habileté manuelle ou plutôt pédestre du personnage, une curieuse tache au plafond,et surtout le bruit des abeilles dans le jardin sous la brise, un étonnant mélange qui distille bientôt une inquiétude,comme si sous le calme le pire était à venir. Pas sûr du tout. Hum hum,possible cependant.
Drôle d'endroit que la blogosphère avec ces étranges rencontres. C'est au Bison que je dois cette perle du Soleil Levant. Oui,ce même Bison dans sa grande prairie, amateur de bière,de Southern-rock, très chatouilleux sur Chet Baker, très noirpolarophile,tout ça mais pas seulement. Sous sa pelisse on trouve aussi une belle plume qui court sur la littérature japonaise. Il faut, comme le peintre du Quai des Brumes, voir les choses qui sont derrière les choses.
Sobre ode et sycomore
Je botanise toujours à ma manière de citadin et je musarde par la même occasion en musique.Cela me donne l'opportunité de revenir au Luxembourg de mes études paramédicales. Le sycomore y est superbe et on y voit toujours des étudiants qui rêvent qu'ils on fini leurs études et des professeurs qui rêvent qu'ils les commencent. J'ai une vénération pour le Lux,j'y déambulais à une allure de sénateur, j'y lisais déjà Hammett,pas encore Buzzati.Parfois j'obliquais vers les cinémas,Odéon,Saint Michel, Monsieur le Prince au lieu de la rue d'Assas,le ciné valait mieux que la kiné,bien que l'étymologie ait réuni depuis longtemps deux des pôles de ma vie.J'avais abandonné la guitare mais je la retrouverais à peine quarante ans plus tard.De toute façon je ne jouerai ni ne chanterai jamais comme Bill Callahan.Alors à quoi bon,à quoi bon tout ça?
Là il y a un gars qui touche au coeur,ça n'est même pas un souvenir qui m'encombre joliment,c'est une chanson que j'ai découverte ce matin. Bill Callahan est accompagné au violon,au tambour,à la guimbarde. J'veux pas en faire trop,j'arrête là,écoutez...
Des années difficiles,toute une vie difficile
Ce mois-ci l'Italie m'a fait défaut sur le plan littéraire.Ni le laborieux polar Renaissance de Giulio Leoni La conjuration du troisème ciel où Dante mène l'enquête,ni les écrits d'Anna Maria Ortese datant de 1953,La mer ne baigne pas Naples,ensemble de deux nouvelles et trois reportages sur le quart monde napolitain après guerre,ne m'ont convaincu. Fort heureusement le cinéma veillait, avec deux films méconnus.
L'histoire du cinéma d'Italie passe par Luigi Zampa.Or, aucun livre et très peu d'articles, très peu de DVD à se mettre sous la dent.En fait je découvre mon premier film de lui, datant de 1947. Le film s'appelle Les années difficiles et revient sur le parcours d'Aldo Piscitello,un fonctionnaire municipal moyen qui sera plus ou moins forcé d'adhérer aux Faisceaux à seule fin de garder son modeste emploi. Adapté d'un roman du Sicilien Vitaliano Brancati (auteur du Bel Antonio) nommé Le vieux avec ses bottes, le film s'inscrit dans le registre, malgré tout pas trop alourdi par le thème,d'une certaine comédie discrète qui n'en fait pas des tonnes,avec des dignitaires fascistes que les auteurs semblent avoir voulu relativement point trop méchants.Point trop méchants mais certes opportunistes car Les années difficiles s'avère un chef d'oeuvre dans la description du fréquent syndrome de fin de guerre,syndrome dit du "retournage de veste". L'écrivain Brancati avait, lui aussi, en ses jeunes années, frémi pour le Duce au point d'écrire une pièce à sa gloire.Faut bien que jeunesse se passe. Ce film,une rareté, prouve si besoin était que le cinéma italien ne se limitait pas aux géniaux,c'est pas moi qui dirai le contraire,Ross., Fell., De Sic., Visc. ou Anton.Géniaux mais parfois encombrants. Le cinéma italien a souvent dans son histoire eu la faculté rare d'être vraiment en phase avec un peuple, une époque, un pays. Croyez-moi ce ne fut pas le cas en France à quelques exceptions près. Mais ceux qui me lisent savent qu'au moins sur le plan Septième Art mon coeur bat la romaine. Ne me demandez pas l'objectivité.
Pour Dino Risi (Le fanfaron, Les monstres, Parfum de femme), en 1961, Alberto Sordi est absolument génial et incarne à lui seul toute une Italie post-fasciste avec ses contradictions. Pourtant Une vie difficile ne sortit en France que dans les années 70, mais là je fais peut-être erreur. C'est un des meilleurs films de Risi, analyste plus fin qu'il ne l'a été écrit souvent de cette société italienne de l'après guerre.Sordi est l'interprète le plus italianissime parmi les cinq colonels (Gassman,Tognazzi, Manfredi, Mastroianni), somptueux dans la petite bourgeoisie,souvent pleutre et fayot, parfois grandiose d'humanité, tellement vrai ici dans le rôle d'un journaliste fauché,résistant puis courageux pourfendeur des trop nombreux "aménagements". Mais voilà, la vita c'é la vita et on est amené à changer parfois. Comme dans le film de Zampa on peut retourner un peu sa veste et ses idées.Quoi de plus humain. Quinze années de la vie de l'Italie sous l'oeil taquin et finaud de Dino Risi,à la fin d'un film comme ça on en sait un peu plus sur ce pays dont j'attends au moins une statue équestre à mon effigie sur la Piazza della Signoria de Florence depuis que je l'encense.
Travaillant actuellement sur Cinécitta j'ai apprécié aussi dans Una vita difficile l'incursion dans les studios quand Sordi tente de vendre les droits de son roman. On y croise dans leur propre rôle Gassman, Silviana Mangano et Alessandro Blasetti, encore un cinéaste sur lequel j'ai envie de me pencher.Ciao amici miei é supratutto Nathalie da Chez Mark et Marcel per l'ultima volta.
Nous sommes tous des spadassins
Très beau roman,sombre et brusque d'un auteur français que je découvre. Les spadassins est une grande réussite du roman sur fond historique qui conjugue le regard sur la brutalité d'une époque,les Guerres de Religion, et le récit d'aventures et de combats refusant totalement,et à ce point là c'est rare,le picaresque qui enjolive parfois un peu trop ce type de littérature.Jean-Baptiste Evette confie la narration de cette histoire à Antonio Zampini,bretteur italien assez lettré pour devenir l'homme de confiance et le chroniqueur de Guillame Du Prat,baron de Vitteaux en cette fin de XVIème Siècle. Le royaume de France est à feu et à sang et s'ils s'engagent du côté du roi et du parti catholique ce n'est certes pas par conviction papiste.La seule fougue qui stimule Vitteaux,c'est le goût de la bagarre,très en vogue à l'époque où le fratricide était un art majeur dont l'exemple venait de très haut.
Car de religion ou de foi point n'est question dans ce qui ressemble parfois au journal de bord d'une bande de brutes rappelant certains univers de westerns, plutôt à l'italienne,ou fin de mythologie.Très loin d'Alexandre Dumas où l'on a du chevaleresque,du preux, Evette nous présente ses combattants,courageux certes mais n'hésitant pas à tirer sur un fuyard ou à trucider au coin de la rue,rue bien peu avenante en ces années de Saint Barthélémy.Car si la Saint Bart est la star incontestée de ces années obscures on assiste à une multitude de sympathiques petits massacres sans importance,où l'on trucide le parpaillot,même pas gaiement d'ailleurs.Certes le huguenot n'est pas en reste quant à brûler et dévaster.
Zampini,qu'il ne faut pas trop sanctifier parce qu'il sait lire et écrire,est en fait fasciné par le baron de Vitteaux,que rien n'arrête,et que rien n'intéresse hors les lames et à la rigueur,les aventures sans lendemain.Des lendemains il n'y en aura pas pour tout le monde,même pas pour les grands,Coligny, Guise, Charles IX ou Henri III. Mais Vitteaux semble protégé par un quelconque talisman alors que ses proches rejoignent le paradis ou l'enfer, romain ou protestant.J'ai aimé ce livre aussi pour son vocabulaire très riche. D'ailleurs pour défendre la langue française je suis prêt moi-même à tirer de l'émerillon ou du fauconneau,voire du basilic,coiffé d'un morion. La guerre a parfois de bien jolis mots. On pense un peu à La Reine Margot mais on est aux antipodes de ce brave Alexandre.Alors on pense à l'autre Reine Margot, celle de Patrice Chéreau. Pour la brutalité et l'effet "soudard" on a un peu de ça,c'est vrai.Mais débarrassé des intimes obsessions du metteur en scène. Si vous ne craignez pas de chevaucher et ferrailler, claquant des dents, affamé et crotté, foncez dans les sillage des Spadassins. Eux au moins ne vous donneront pas de leçon de morale.
Citation m'était contée (2)
Jenny a vécu un drôle de drame sur le quai des brumes.Mais le jour se lève,les visiteurs du soir et le enfants du paradis ont fermé les portes de la nuit.
En fait ce n'est pas une citation mais un moyen mnémotechnique dont j'ai eu l'occasion de me servir et que je trouve plutôt joli. Nul doute que ça vous dira quelque chose. C'est tout pour aujourd'hui. Etonnant,non?
American teaser
Chez Noctembule http://22h05ruedesdames.wordpress.com/ le mois d'octobre sera américain. Très intéressé je vous proposerai dès le 1er octobre le meilleur livre que j'aie lu depuis,depuis,depuis... très très longtemps. Le billet s'appelle On ira tous aux parasites.
Et pour fin octobre en Lecture commune avec La jument verte de Val le livre de Sylvia Plath La cloche de détresse.Si cela vous tente...
Géographie: Montgomery, Alabama
Montgomery,capitale de l'Alabama est une ville importante. Pas seulement parce que Nat King Cole y naquit en 1919 bien que la vie sans Nat King Cole eût certes été moins belle. Pas seulement parce que Hank Williams y donna son ultime concert à 30 ans avant de mourir dans un taxi. Surtout parce que le 1er décembre 1955, dans un autobus de la ville, Rosa Parks refusa de céder son siège à un Blanc. Il y a des jours comme ça...Bien de l'eau a coulé et la chanson de John Prine, Angel from Montgomery, est ancienne maintenant. Sur de récentes vidéos de John on entend à peine sa voix.Alors j'ai rajouté la plus belle chanson sur l'âge et le temps, le Hello in there de ce même John Prine.Old friends de Simon et Garfunkel et Father and son de Cat Stevens me font pleurer presque autant, médailles d'argent et de bronze catégorie larmes. Et puis,avec le temps,voulez-vous que je vous dise? Ca s'arrange pas.
http://youtu.be/eXqFFfVpnhQ Angel from Montgomery John Prine
http://youtu.be/RfwGkplB_sY Hello in there John Prine (dédiée à Celestine)
L'irréparable...
...ou presque,je l'ai commis hier lors d'une manipulation informatique plus qu'hasardeuse qui effaça TOUT.Vous comprendrez ma discrétion pendant un certain temps qui,je l'espère, ne sera pas trop interminable.A bientôt.
Table d'hôte
La table a souvent servi de décor,de (s)cène en littérature et au théâtre.Le souper, Le dîner de cons, Le festin de Babette,etc... L'auteur néerlandais Herman Koch nous la sert style film danois Festen.Deux frères dînent avec leurs épouses respectives dans un grand restaurant d'Amsterdam.L'un des deux est le possible futur premier ministre. Mais un cadavre va s'inviter à leur table,leurs enfants,un fils chacun,ont commis ensemble un acte ignoble et la rencontre a été initiée pour éventuellement faire front commun. Mais pas tout de suite,dînons d'abord dans cet établissement prestigieux où les deux couples, bien sous tous rapports,s'installent avec ce qu'il faut d'ostentation. Apéritif et mondanités,universellement connus à tous les étages de la planète, enfin sauf chez ceux qui se demandent ni ce ni quand ils vont manger,mais seulement s'ils vont manger.
Les fleurets sont d'abord mouchetés selon l'expression consacrée. On se gausse du maître d'hôtel, un soupçon de mépris peut-être. Ces gens là ne nous emballent pas,dirait-on. Et puis sonnent les portables de ces gens très occupés, de bonne compagnie.L'un des deux couples a même adopté un jeune Africain, Faso. Serge et Babette et Paul et Claire devisent cinéma, Woody Allen se prête particulièrement bien à ce type de papotage bobo, bonne conscience du cinéphile depuis quatre décennies, à peu près sûr que la moindre sous-préfecture européenne propose le film. Je suis personnellement très proche du cinéma de Woody Allen,j'aurais fort bien pu dîner avec eux.
Puis les questions se précisent et c'est à petites doses que le lecteur apprend l'innommable, à savoir l'horreur commise par les cousins, et le plus qu'innomable que j'appellerai l'ignominommable, à savoir que tout le monde est plus ou moins au courant et que ça n'a pas déclenché chez les parents autre chose que quelques soucis domestiques somme toute casables dans un petit coin de mémoire,tout petit le coin. Prise de conscience tardive? Pas sûr. Herman Koch s'abstient de tout parti pris dans ce dilemme,comme tout cela est froid.Glaçant. Au long des chapitres, Apéritifs, Entrée, Le plat, etc.. on peut trouver à ce Dîner intéressant des vertus émétisantes.
L'avis de Dominique de Nuages et vent Hermann Koch Le Dîner
Le marin dans le placard
Nous retrouvons la curieuse famille irlando-germanique de Sang Impur Une enfance à Berlin,non,à Dublin et c'est un vrai bonheur tant Hugo Hamilton est un auteur irlandais que sa double culture rend très original. Car le contexte irlandais commence à nous être pas mal connu à force de lectures sur la verte Erin. Avec Le marin de Dublin (et une fois de plus le titre français n'est pas bon du tout,puisque l'original fait référence à la photo d'un grand-père marin dans la penderie, The sailor in the wardrobe), on se rappelle ou on découvre si on n'a pas lu Sang impur,ce qui n'est pas grave,que le père interdit la langue anglaise à la maison,que la mère est venue d'Allemagne après la guerre,et que les jeunes Hamilton sont parfois appelés nazis par leurs condisciples scolaires.
Point de salut hors du gaélique pour le père, et de rudes souvenirs pour la mère,tout cela forme un couple,des parents, vaille que vaille,et qui élèvent leurs enfants entre tendresse et coups de trique,sur une côte est-irlandaise où le jeune Hugo,très tôt,traîne et bosse entre casiers à homards et calfatage goudronneux. Pas de drame véritable dans Le marin de Dublin, mais une très belle ambiance tanguant du cocasse au brutal, qui,en douceur, met le doigt sur la neutrissime neutralité du pays pendant la guerre,qui au pire finit par transformer la haine de l'Angleterre en sympathie pour le Reich.
Il serait injuste de ramener ce beau roman à cet antagonisme. Cest aussi une histoire d'adolescence, Hamilton est né en 53.Un gamin de quinze ans qui n'a pas le droit d'écouter les Beatles,son père préférant Elisabeth Schwartzkopf. Et les gifles volent assez bas. Très belles émotions aussi du côté du port quand les jeunes apprennent à se faire une poignée de livres irlandaises dans l'odeur de mazout et d'écailles,ce qui est incommode olfactivement parlant pour attirer les filles de la ville ou les premières touristes étrangères. Et puis on revient sur les souvenirs de la mère en son pays natal avec la visite d'un cousin qui ne supporte plus sa germanité à cause de l'attitude supposée de son propre père durant la guerre. Du coup ce cousin Stefan a la curieuse idée de débarquer à Dublin ... pour y disparaître ensuite, quelque part vers l'Ouest,vers Aran,comme pour s'y purifier.
Attention,je parle en connaissance de cause,l'Irlande ça fait du bien aux bronches, ça fait de la belle musique ,ça régénérerait bien un brin mais pour se purifier vraiment faut autre chose. Lisez Hugo Hamilton, aimez-le, son accent irlandais diffère un peu d'autres écrivains, tout aussi passionnants. Un Irlandais qui parfois, sait prendre un peu de recul pour resituer Erin quelque part au coeur de l'Europe. Quel pays pour avoir tant d'écrivains au mètre carré.