Affres, hics en questions
Un titre bien banal pour un roman fort enlevé. Des enquêtrices qui s'assument, des femmes fortes, on sent bien l'intention de l'auteur, un tantinet militante, de revendiquer la pleine légitimité de la parité. Pas de surprise de ce côté mais un excellent voyage qui mêle assez habilement les services secrets, les rivalités policières, les boeufs-carottes, les hommes de l'ombre, face aux mouvements terroristes, en l'occurrence la piste syrienne semble avoir la côte ces temps-ci. Mais on pense évidemment à l'affaire dite Karachi et à certaines ventes d'armes.
Lola, flic en disponibilité et son amie Ingrid en rupture de Las Vegas se penchent, mais pas très officiellement, sur la mort mystérieuse du commissaire divisionnaire Mars en Côte-d'Ivoire, sur un chantier abandonné sous la pluie tropicale. Un avocat marron en taule semblerait être en possession de carnets compromettants. Un autre grand flic que tout accuse, et un monde parallèle d'ex-barbouzes ayant conservé un petit job, de mercenaires sans scrupules, un grand camé devenu serviteur zélé. On patauge dans la déliquescence, qui remonte très haut dans la sphère politique, mais on s'y trouve bien car la plume de Dominique Sylvain est alerte et conjugue fort bien rythme soutenu et humour percutant, les réparties entre Lola et son associé dans cette recherche, Berlin, fusant avec bonheur même pieds et poings liés.
Particulièrement réussie toute la partie africaine d'Ombres et soleil, où un patron de boîte de nuit et un conteur un peu griot renseignent Lola et Ingrid dans les gravats d'une résidence des beaux quartiers d'Abidjan. L'image d'un continent noir où la débrouillardise tient lieu de passeport et où la chanson Reine Pluie scande avec drôlerie les aléas de l'enquête au milieu des ingrédients naturels d'un bon thriller version Françafrique, trahison, violence, corruption, le tout venant de l'âme humaine tant à Treichville que dans l'Ile-de-France résidentielle. Remontent lentement les meurtriers souvenirs de la station Saint-Michel et d'un attentat à Damas. On s'y perd un peu,le labyrinthe parfois se complique de frénésie mais dans le monde du polar on sait bien que climat, ambiance et dialogues noient souvent l'intrigue la plupart du temps tarabiscotée pour des neurones moyens,je parle des miens. Qu'importe la façon pourvu qu'on ait la liesse. De toute façon Dominique Sylvain vous en parle mieux que moi.