Peu de précipitation
Ce polar pourrait entrer dans le sous-genre psycho puisqu''il se situe entièrement dans un hôpital psychiatrique, lequel établissement a une histoire et ruisselle de souvenirs d'une époque pas si lointaine où la médecine des troubles du comportement était rien moins que diablement carcérale. Diablement est le mot juste car le centre porte le nom pas forcément jovial de Théophobe Le Diaoul, jadis Théophile Le Bellec, un ancien patient illuminé ou assombri, c'est selon, et que la Grande Guerre avait conduit dans ces murs tragiquement continuateurs de l'aliénation des tranchées. Cette idée sous-tend toute la suite de l'enquête menée par Eric Lanester, flic et psychologue, et son équipe dans cet univers où l'on a coutume de dire que la différence entre les soignants et les soignés ne saute pas toujours aux yeux.
En cette année centenaire la Grande Guerre est donc indirectement responsable une fois encore de morts violentes, celles d'un patient défenestré par son infirmier, puis le suicide de ce dernier. Le meurtre en ces lieux peut s'avérer essentiellement d'ordre chimique, antidépresseurs, psychotropes, gélules et pilules multicolores pouvant faire fonction de fameux objets contondants. Françoise Guérin, elle-même psychologue, décrit bien les arcanes et plus encore les archives si cruciales dans cet hôpital où l'on comprend trop vite l'importance de l'hérédité, des rivalités et des dynasties. Peu de professionnels collaborent vraiment aux interrogations de Lanester et de ses collègues, soigneusement stéréotypés, une râleuse, une extravertie portée sur la chose, un bleu maladroit. Pas trop d'aide du médecin-chef, pointilleux sur ses prérogatives. Par contre, Elisabeth Bassonville, elle, responsable de tout le passé historique du Centre Théophobe Le Diaoul, se prête si bien aux questions que ça en devient louche.
On s'achemine ainsi vers une vérité subodorée depuis bien longtemps. Dommage que l'on soit depuis pas mal de pages resté assis à la cafeteria, à rêvasser à ce qu'aurait pu être une incursion réussie dans ce milieu hostile à toute curiosité. Les enfants de la dernière pluie, tout au plus une petite ondée de l'autre côté du rideau, celui qui sépare tant bien que mal la norme de la différence, sachant que l'individu dit normal n'a pas bonne presse dans la critique littéraire jamais exempte de démagogie, mais tout ceci reste insuffisant.