La poésie du jeudi, Pierre-François Lacenaire
Lacenaire, je le connais depuis si longtemps. Enfin par le biais du merveilleux Les enfants du paradis, de Carné et Prévert Alors j'ai voulu le lire au moins une fois ce gandin poète assassin. Et là, vive le net, j'ai trouvé quelques vers dont cette truculente pétition. Qui lui va comme un gant, du moins si on l'imagine comme Marcel Herrand dans ce rôle. Lacenaire, le vrai, (1803-1836, guillotiné) aurait inspiré Dostoievski pour Crime et châtiment mais il est aussi évoqué par Stendhal, Balzac, Gautier, Baudelaire et Lautréamont. Excusez du peu. Allez je vous laisse en bonne compagnie.
Pétition d'un voleur à un roi voisin
Sire, de grâce, écoutez-moi :
Sire, je reviens des galères...
Je suis voleur, vous êtes roi,
Agissons ensemble en bons frères.
Les gens de bien me font horreur,
J'ai le coeur dur et l'âme vile,
Je suis sans pitié, sans honneur :
Ah ! faites-moi sergent de ville.
Bon ! je me vois déjà sergent :
Mais, sire, c'est bien peu, je pense.
L'appétit me vient en mangeant :
Allons, sire, un peu d'indulgence.
Je suis hargneux comme un roquet,
D'un vieux singe j'ai la malice ;
En France, je vaudrais Gisquet :
Faites-moi préfet de police.
Grands dieux ! que je suis bon préfet !
Toute prison est trop petite.
Ce métier pourtant n'est pas fait,
Je le sens bien, pour mon mérite.
Je sais dévorer un budget,
Je sais embrouiller un registre ;
Je signerai : " Votre sujet ",
Ah ! sire, faites-moi ministre.
Sire, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère !
Je compte sur votre bonté ;
Car ma demande est téméraire.
Je suis hypocrite et vilain,
Ma douceur n'est qu'une grimace ;
J'ai fait... se pendre mon cousin :
Sire, cédez-moi votre place.
Pierre-François Lacenaire