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30 août 2014

"Where have you been" Blues

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                                         Une novella, je ne savais pas ce que, c'était. Ainsi est présenté le recueil de Joseph O'Connor, Les âmes égarées (titre français médiocre pour Where have you been?, moins pompeux, plus sobre, que je traduirais bien par "Qu'est-ce que t'as foutu?), sept nouvelles + une novella, nommée Un garçon bien-aimé. Si j'ai bien compris une novella serait un court roman d'une centaine de pages avec des chapitres. Appelons ça comme on veut, on s'en fiche. Joseph O'Connor a déjà été abondamment chroniqué ici que ce soit romans, Muse, Redemption Falls, Inishowen ou nouvelles, Les bons chrétiens. Il fait partie de l'invincible armada des écrivains irlandais dont je découvre toujours de nouveaux matelots. J'extrairai de ce beau recueil, où Dublin tient une place importante,ce qui m'intéresse au plus haut point, deux nouvelles qui m'ont particulièrement emballé.

                                         Deux petits nuages, qu'O'Connor définit comme une réponse à une nouvelle de Joyce, Un petit nuage, dont je ne me souviens plus mais que je vais relire, est une formidable tranche de vie sur les retrouvailles à Dublin de deux quadras, le narrateur et Eddy, mainteanant soi-disant dans le show-biz, proche de Bono et pote avec Van Morrison, et dont les enfants s'appellent Kurt et Courtney, vous voyez le genre. Addict aux substances et divorcé menant une vie agitée Eddy se moque de son ami vivant à Londres. Sauf que rien n'est vrai (les enfants se nomment Luca et Emma) et qu'il vit tout à fait bourgeoisement avec son épouse enceinte d'un troisième, ce qui est finalement bien plus original mais quand le dit anticonformisme devient orthodoxie...J'ai vraiment beaucoup aimé la chute de cette nouvelle qui m'a pas mal touché.

                                         Orchard Street, à l'aube revient (c'est récurrent chez les auteurs de l'île verte) sur New York, première ville irlandaise, et la difficile insertion de ces émigrés de la fameuse famine dite des pommes de terre du XIXème Siècle. Très poignante avec la mort d'un bébé cette nouvelle symbolise très bien l'axe transatlantique, omniprésent dans cetet littérature dont je ne me lasse pas. On pense à Dickens, contemporain, car la misère à cette époque n'était pas géographiquement exclusive.

                                            La dite novella, Un garçon bien-aimé, raconte quelques années de la vie de Cian Hanahoe, divorce, déprime, du classique dans une ville de Dublin qui a beaucoup changé, avec une évocation de son père Colm d'une grande portée émotionnelle. O'Connor cite d'ailleurs Dickens, souvent incontournable bien qu' anglais. Dans cette ville moderne qu'est devenue la capitale irlandaise, entre "salons de coiffure à l'africaine et cybercafés polonais" le rock-blues de Rory Gallagher traîne toujours et à côté quelques substances gangréneuses, hélas, pas de la petite bière. Bien que la bière là-bas soit tout sauf petite.

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28 août 2014

Aval, amont, embâcles et noues

marne

                                         La Marne est souvent associée à l'Est et aux guerres, un peu au Front Populaire et au canotier dans sa version banlieue parisienne. Homme de l'Ouest mais que les destinations un peu extrêmes (L'arche des Kerguelen, La chambre noire de Longwood, sur Sainte Hélène) passionnent tout autant, Jean-Paul Kaufmann, qui a connu l'enfermement que l'on sait, a eu l'idée de remonter cette rivière intégralement; ce qui n'est pas si facile car la géographie de maintenant fait parfois diversion, carrefours, zones industrielles, ouvrages d'art. La Marne est en fait plus longue que la Seine qui est en quelque sorte sa supérieure hiérarchique directe, et qui la toise facilement, cette prétentieuse. Il en va des cours d'eau comme des hommes et des femmes, jalousies, querelles de voisinage, kleptomanie car l'une vole parfois le lit de l'autre. Le périple de Kauffmann est très intéressant, délivrant au fil de l'eau un amont curieux, fait de bric et de broc, une France sans prétention, je ne dirais pas une France profonde car l'épithète est souvent péjorative.

                                       Parti du banlieusard et tristounet confluent de Charenton Jean-Paul Kauffmann apprivoise le cours de la Marne  tout au long des étapes qui nous emmèneront au Plateau de Langres. Bien sûr la Grande Guerre est passée par là, bien sûr les coteaux champenois effervescents nous tiennent compagnie, Kauffmann est d'ailleurs un oenologue reconnu, mais c'est au détour de la cathédrale de Meaux*, d'une maison d'éclusier à la Simenon ou à l'évocation d'André Breton séjournant six mois à l'hôpital psychiatrique de Saint Dizier que j'ai vraiment apprécié cette longue promenade qui prend toute son ampleur dans une certaine austérité haut-marnaise, où l'ombre d'une grande croix de Lorraine s'observe là-haut sur la rive gauche, rappelant la grandeur du cher et vieux pays.

                                         Ce coin de France dessert la Manche, la Mer du Nord et la Méditerranée. En effet, y naissent la Seine, la Meuse et des affluents de la Saône, toute la France en quelque sorte. Plus émouvant qu'il n'y paraît ce voyage est aussi d'une belle eau (forcément) littéraire où notre vocabulaire s'enrichit considérablement avec les marnois et les brelles, respectIvement des radeaux et des bateaux plats, quinze jours pour livrer à Paris le bois du sud champenois, ou avec la distinction entre berges et rives (vous la connaissez, vous?).

                                         * "Non loin du tombeau de Bossuet, je me suis assis dans la nef près d’un pilier, débarrassé de mon sac posé sur la chaise voisine. L’église lumineuse sentait la pierre blanche, ce coquillé du calcaire et une odeur poudrée de vieux livre, aucunement moisie, quelque chose de blet ressemblant au parfum de vieilles pommes rangées sur un carrelage. Quel moment délicieux ! Les bruits de l’extérieur me parvenaient étouffés : touches de klaxon, percussions régulières d’une masse sur le bois, staccato d’un marteau-piqueur. Ce léger brouhaha contrastait avec l’intérieur où le moindre pas, le grincement d’une chaise, le battement de la porte capitonnée retentissait, amplifié par la réverbération. (…)

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                                         "L’odeur du marbre dans cette église. Même le marbre a une odeur. Il a beau être impénétrable, il exhale une curieuse sensation de givre, acide, dur, piquant. Il me faut débusquer ces effluves chaque fois que je découvre une ville, un village, un site. L’empreinte. La trace d’un parfum ou d’un monument."

26 août 2014

Le cinéma, mon vélo et moi /3/ Elégance pour un chant du cygne

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                                                                                    Pour une rentrée bloguesque, classe? Non? Un cinéma de séduction, Newman, Redford. Un cinéma qui n'excluait pas la gravité et comme un parfum de western agonisant, avec changement de selle. Une rentrée d'autant plus prometteuse qu'Asphodèle m'a fait un bien joli cadeau,ci-dessous. Merci de tout coeur.

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18 août 2014

En passant

2 août 2014

Les plumes...by Asphodèle: Par dérogation, deuxième partie

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                                                                                    Voici la réponse de Paul à Léonora dans le cadre épistolaire de cette écriture à deux avec Asphodèle. C'est un exercice très particulier que pour mon compte j'adore mais trouve très difficile. Par ailleurs ce blog prend un mois d'août sabbatique. Pas de nouvelle chronique ni critique avant début septembre. Bon août à tous et merci aux visiteurs, qu'ils soient réguliers ou occasionnels. Je vous laisse avec Paul.

 

              Les Hauts de Vermandois, le 31 juillet 1928

              Madame,ma Dame, chère Leonora

              Sachez, vous que je persiste à nommer mon amie, que votre dernière missive a presque touché son but, si du moins celui-ci était d'en appeler à ma conscience, mauvaise en l'occurrence. Et, ma belle amie, vous écrivez si bien, vous savez manifestement toucher le coeur des hommes, et le briser aussi, tout en vous en défendant. La botanique, Madame, vous est plus qu'à moi familière et comme vous avez le talent, l'arbre du Nouveau Monde effervescent ou les roses se fanant, d'embraser le lecteur. Qu'au moins cette assertion vous fasse plaisir, elle est sincère et d'autres suivront moins idylliques mais dont tout me porte à croire qu'elles ne vous laisseront ni indifférente ni même tout à fait chagrine. Me fourvoierais-je, chère auteure, à l'idée que mes brutalités supposées vous aiguillonneraient l'esprit, esprit déjà si enclin chez vous à la vivacité, la répartie et l'impertinence? De grace ne prenez pas ombrage, je n'ai pas l'intention de revendiquer la moindre part de ces éloges et dithyrambes dont le prestige le dispute à l'élégance. Mes amitiés à Monsieur Jean, arbitre des modes et des planches, qui vous estimant, ne peut évidemment faire fausse route.

              Mais j'abandonne là, Madame, la légèreté et le dandysme intellectuel, qui vous paraîtront bien anecdotiques à la connaissance de ma situation matérielle. Je maniais la litote, très chère, en évoquant des revers de fortune. C'est un homme aux abois qui vous le confie, la ruine de ma famille ouvre sous mes pieds un gouffre insondable au point que j'envisagerais une activité professionnelle, c'est vous dire... Quelle charge par ailleurs saurait me convenir car vous m'avez à juste titre passablement éreinté sur mon oisiveté? Votre lettre est cruelle mais ne manque pas de lucidité.

              Agathe de la Bretière ne m'inspire rien d'autre qu'une sympathie à peine paternelle que les sens peineront à combler, et pour cause, mais j'y viens. Vous avez bien perçu que mes entrées chez ces gens là étaient intéressées. Dame, je n'ai pas, moi, ni votre grandeur d'âme ni votre talent d'écriture et si je pratique un tant soit peu la prose il s'agit d'une prose que l'on dit ampoulée, insincère, parliez-vous de galimatias, dont les tournures parfois hardies masquent un creux vertigineux. On me l'a dit déjà.Vaniteux et superficiel, que m'auriez-vous trouvé, Madame, pour que je sois digne de votre intérêt, de vos faveurs dont vous auriez tort de croire que j'ai choisi l'oubli? Vous m'évoquez, Madame, cet Autrichien tapageur et fouineur, très à la mode, mais vous ne détestez pas la mode. Me serait-il d'aucun secours dans mon acrimonie, pire, mon désarroi. Car il me faut, Madame, en arriver à une confidence dramatique que ne cachent même plus mes parades et mes ronds de jambes.

 

sans-titre

 

                 Vous souvenez-vous, chère Léonora d'Ape Regina qui me désarçonna à Clairefontaine en octobre dernier? A la clinique du Haut Valois d'éminents spécialistes m'assurèrent que la fracture iliaque se consoliderait en huit semaines sans séquelles motrices ou orthopédiques. Certes mais la neurologie est d'un tout autre avis et vous percevrez vite, Léonora, que les fougues aimantes sont pour moi reléguées au passé, et que si j'ai semblé vous ignorer, voire vous manifester morgue ou mépris, c'est que si j'ose encore espérer vos bras nos accolades ne sauraient dorénavant être autre chose que fraternelles. Voilà, Madame, vous savez tout ou presque. Cette déficience ne justifie pas la désinvolture dont j'ai fait preuve à votre égard mais j'ai voulu, si j'ose dire la jouer canaille et persifler à seule fin de celer mon tourment.

                 Ce faisant, banqueroute familiale et déroute intime, j'ai estimé de mon devoir de me dévaloriser à vos yeux. Je l'ai fait volontairement, maladroitement. Les biens des La Bretière me sont vitaux et le pire serait à craindre si ces projets venaient à faillir. La donzelle n'a aucune idée de ce qui l'attend avec un tel mari. Peu fier de moi, mon amie, je n'aurais alors d'autre havre que votre maison de Saint Germain, d'autre moyens que ceux que vous voudrez bien mettre à ma disposition, conscient ô combien de la déception qui sera vôtre ,songeant que celui qui  fut votre amant est désormais un banni en attendant d'être un reclus. M'aiderez-vous, Madame, sachant maintenant mes défauts abhorrés? Et me sera-t-il permis, au soir pointant de ma vie, d'envisager une calme retraite auprès de vous... si mon union de circonstance s'avérait impossible.

                Celui pour qui notre rencontre fut un zénith et nos amours un firmament, cet homme qui vous révéla à vous-même, cet immodeste jadis comblé de vos bonnes grâces, cet homme qui perd pied, vous présente ses hommages éblouis. Songez-y...

 

                                                                              Votre amant,votre ami, votre frère

                                                                                            Paul

            

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