The cove, titre original peut se traduire par la baie ou par le gars. Le gars en l'occurrence est un inconnu, hagard et muet, qui est retrouvé blessé après une chute dans un vallon perdu de Caroline, au coeur des Appalaches. Nous sommes dans les derniers mois de la Grande Guerre. Hank Shelton, de retour du front français où il a laissé une main et a soeur Laurel,une jolie fille hélas disgraciée par une tache de vin, recueillent ce Walter qui ne s'exprime que par la flûte dont il joue avec baucoup de sensibilté. On sait que dans ce contexte la germanophobie a été virulente aux Etats-Unis, surtout après l'entrée en guerre du pays, Steinbeck l'évoque dans A l'est d'Eden si j'ai bonne mémoire. Et les autochtones ne brillent pas par leur esprit éclairé.
En peu de jours Walter est apprécié de Hank qu'il aide aux travaux de la ferme, difficiles sur cette terre noire et sèche, et du vieux voisin Slidell, un brave type qui refuse de hurler avec les loups. Il est juste de dire qu'il est encore plus apprécié de Laurel, quand deux handicaps se conjuguent... Ron Rash décrit très bien les travaux et les jours de poussière et de boue, la fatigue qui plante son glaive, l'espoir naissant de Laurel en un nouveau destin. Et si le vallon n'était pas si maudit... Plus rare, il sait aussi nous faire partager la peur de la fin de la guerre là-bas si loin à l'Est. Car la guerre a ceci d'unique que sa fin programmée n'arrange pas tout le monde, et surtout qu'on a vu des paix toutes neuves guère plus engageantes que les conflits qui les ont précédées. Car quel bel exutoire que la guerre pour défouler l'homme dans ce qu'il a de plus homme, c'est à dire sa haine et sa bile envers les responsables idéaux, si ce n'est toi c'est donc ton frère, ici l'Allemand, là le Juif et autres...
En résumé Une terre d'ombre est un très bon roman d'un auteur que je n'avais encore jamais lu, souvent commenté sur les blogs, et qui incite à continuer sa découverte. Le mutique Walter est un personnage attachant et les défauts de l'Amérique ont ceci de pratique qu'ils permettent de ne pas trop se pencher sur les nôtres. Comme un exutoire, en quelque sorte.
À lire tes mots, je crois que cette escale me plairait. Ne serait-ce que pour connaître ce Walter qui ne s’exprime qu’à la flûte. Beaucoup aussi pour en savoir plus sur cette dernière phrase que j’aime beaucoup et qui exprime une réalité dont on s’aveugle trop souvent..
Nadine
J'aime les huis-clos.
J'aime aussi beaucoup la dernière phrase de ton billet, qui dit tellement de choses en peu de mots !
celestine
J'ai aimé ses précédents romans et j'ai réservé celui-ci à la bibliothèque ; je ne devrais pas tarder à l'avoir.
aifelle
"j'aime bien le rappel à Steinbeck : c'est vrai qu'il y a cela dans A l'est d'éden et les idées de tolérance sous toutes les formes
j'ai beaucoup aimé ce roman, je n'ai pas fait de billet car il y en a bcp déjà mais c'est l'occasion ici pour moi de dire que je partage totalement ton avis"
Dominique A sauts et à gambades
Merci Mesdames. J'ai été obligé de rééditer le message mais j'y tenais