Et merci à Celestine pour le lien vidéo. Celestine, c'est un peu ma Fedora à moi, loin, trop loin et si proche.
L'histoire compte quelques réussites sur le thème du cinéma dans le cinéma. On cite souvent à raison La nuit américaine, Les ensorcelés, Boulevard du Crépuscule, 8 1/2. On oublie Fedora,l'un des derniers films de Billy Wilder. Je viens seulement de le voir, 36 ans après sa sortie. Plus ou moins adapté d'une histoire de Thomas Tryon, ancien acteur chez Preminger notamment, Fedora est une fable cruelle sur le miroir d'Hollywood et le désenchantement. Sur une île grecque toute de bleu et de blanc la noirceur du Septième Art prend toute son amplitude comme une mouette dans le ciel de Corfou. Le film commence par les funérailles de Fedora. Flashback, deux semaines à peine plus tôt. Maintenant retirée, Fedora, la star jadis adulée, ne se soigne plus guère qu'aux substances, cadrée par une comtesse polonaise mystérieuse, un médecin douteux et sa gouvernante. Barry Detweiler, producteur-scénariste indépendant mais fauché (William Holden, grand acteur maintenant ignoré) essaie de la convaincre de revenir sur les plateaux pour une nouvelle version d'Anna Karenine. Seule certitude, Dorian Gray au féminin, Fedora ne semble pas avoir physiquement changé.
Mais dans sa Villa Calypso, bunker insulaire gardé par des molosses, Fedora, fragile ou manipulée, vit pratiquement comme voilée. On ne peut pas ne pas penser à Garbo (qui,au passage, joua deux fois l'héroïne de Tolstoï). Comme Norma dans Boulevard... du même Billy Wilder, Fedora est prisonnière de cette maison. Comme dans Boulevard... des acteurs jouent leur propre rôle (DeMille, Keaton jadis, Fonda, York aujourd'hui). Comme dans Boulevard... c'est William Holden qui à 28 ans de distance, involontairement, dénoue la tragédie. On a donc beau jeu de considérer Fedora, et ça les cinéphiles adorent le faire, comme le testament de Wilder et une ultime variation sur la décrépitude de Hollywood. Pas faux mais je pense que l'on peut transcender le mythe cinéma et y voir une parabole bien sombre du vieillissement.
La question serait plutôt à mon sens. Le film Fedora peut-il émouvoir? La construction peut en paraître artificielle et agaçante, la nostalgie forcée et pour tout dire mélodramatique comme un vieux film muet. Pourtant j'ai aimé Fedora, le film, invisible depuis 35 ans, car j'ai accepté la règle du jeu et les conventions du genre. Ce qui n'empêche pas l'ironie vacharde du vieux Billy Wilder, intacte bien que son aura de metteur en scène ait pâli à Hollywood, malgré les réussites tardives Avanti ou La vie privée de Sherlock Holmes, films d'ailleurs boudés par l'Amérique. De toute façon Wilder est toujours resté trop européen, trop critique. A travers le personnage du producteur démodé, c’est Wilder lui-même qui peste contre "ces nouveaux réalisateurs barbus" dans lesquels on reconnaît aisément les Lucas, Spielberg, Scorsese et Coppola qui incarnent alors le nouvel Hollywood.
Pour l'interprétation, si Holden est tout à fait à sa place, Marthe Keller, trop jeune et pas assez énigmatique, n'est pas l'icône espérée. L'ex grande star allemande Hildegard Knef, elle-même retirée du cinéma à l'époque, peut faire plaisir au cinéphile, comme un clin d'oeil entre initiés. A tout cela le public restera étranger et Fedora le film comme Fedora l'actrice demeurera comme une parente lointaine et absente depuis si longtemps qu'on ne sait plus bien si ce n'était pas du domaine du rêve... Fedora, à voir comme une apparition, à entrevoir comme une légende, à célébrer comme un culte.
Bande-annonce : Fedora - VOST
Et merci à Celestine pour le lien vidéo. Celestine, c'est un peu ma Fedora à moi, loin, trop loin et si proche.