La poésie du jeudi, Ivar Aasen
Le poète que je vous présente ce jour restera le premier de cette rubrique...par ordre alphabétique à défaut d'être le plus connu. Comme je lorgne en ce moment vers le Nord, un petit voyage se dessinant doucement, voici le Norvégien Ivar Aasen. Ce linguiste-écrivain-poète, qui a un petit air ibseno-strindbergo-bergmanien rigolo sur son timbre commémoratif, a codifié vers 1840 la langue norvégienne par opposition au danois officiellement parlé à l'époque. Il semble que la situation linguistique de la Norvège soit assez compliquée surtout sur le plan écrit entre le nynorsk (néo-norvégien), et le bokmal. Et encore je vous fais cadeau des trémas placés à droite et gauche. Je parle un tout petit mieux le nynorsk que le bokmal (Menteur!). Voici Manque, ni en l'un ni en l'autre. La poésie, ça peut aussi être drôle... Après ce moment burlesque ceux d'entre vous qui ne se seront pas jetés dans la Baltique pourront en témoigner.
Manque
Je le sais, il est un trésor,
que je puis bien posséder ;
cela ne nuirait à personne,
si je dépensais ce trésor.
Le trouverais-je, tout serait bien :
je serais riche, heureux aussi.
Mais je ne sais pas pourquoi,
il ne sera jamais trouvé.
Je le sais, il est une ville,
peut-être même près d’ici,
sûrement j’y serais heureux
oubliant toutes mes angoisses.
Arriverais-je là, j’aurais
tout ce qui me manque le plus.
Mais là est bien tout le malheur :
jamais ne trouverai la ville.
Je le sais bien, il est un cœur
qui a la même aspiration,
même désir, indignation
même souvenir et espoir.
Le trouverais-je, tout serait juste,
et la vie passerait légère.
Mais c’est le pire à rappeler :
jamais je ne le trouverai.
Ivar Aasen (19813-1896)