de_leau_grand

                    John von Düffel est nageur de fond. Il est aussi romancier et poète. Je le découvre. Etonnant bouquin que De l'eau. Une famille allemande gère une papeterie au confluent de deux rivières, l'Orpe paisible et la Diemel plus tumultueuse. Plusieurs générations nous sont ainsi contées jusqu'aux années 80, en passsant par les deux guerres. Dont la deuxième voit l'entreprise dirigée par une femme et exploitée par des prisonniers français. Mais là n'est pas forcément l'important. De l'eau, à la lecture pas toujours si aisée, est une sorte d'antienne, une sorte d'hymne à l'eau, d'ode à cet élément si vital. Comme lire ce titre? Comme on veut. Vous pouvez la jouer interrogative, de l'eau? Est-ce l'eau de nos origines? Ou explicative, analytique? Est-ce l'eau essentielle de nos cellules? Ou l'eau meurtrière et méphitique qui emportera l'un des maîtres?

                   Je l'ai dit, lire De l'eau ne coule pas de source. La brasse y est parfois ardue, métaphore du cours de la vie. H2O est parfois complice enrichissante, une eau industrieuse, sérieuse et partenaire. Parfois à l'opposé elle est tout de colère et ne s'en laisse pas conter. Mais décrire ce roman c'est tenter de remonter un courant trop puissant. Sachez seulement que, fabriqué comme de la pâte à papier à partir de ces eaux limpides un jour et troubles un autre jour, ce livre possède une puissance attractive comme un tourbillon séduisant et fatal. Bien peu de dialogues, mais de riches phrases impressionnistes et parfois presque scientifiques. Une eau mage, un hommage, un bouquin comme on en lit peu. Cependant il m'est arrivé parfois de sécher sur la rive bien que le débit de l'eau soit globalement positif. C'est que John Von Düffel raconte cette épopée familiale, très loin de la sage saga du terroir, avec une écriture qui semble avoir puisé dans l’eau sa substantifique moëlle.