Vanité, été, indianité
Les gens de Ciné-philo nous proposaient ce mois-ci un film suisse, La vanité. Ce film, assez court, est une fable sur la fin de vie et évoque l'assistance au suicide, où la Suisse fait figure de pionnier. Nullement mélodramatique, jouant un petit air absurde limite burlesque, La vanité estainsi nommé à cause du tableau dans la chambre du motel où David Miller, en phase terminale, vient en finir avec la vie. Mais ça ne se passera pas comme ça. Espe, une Espagnole de son âge, censée être son aide, et le jeune prostitué slave de la chambre d'à côté, vont peut-être donner à sa vie, ou à ce qui lui en demeure, une autre direction.
C'est un joli film dont je n'irai pas jusqu'à dire qu'il nous fait voir la vie en rose. Dont je ne dirai pas non plus qu'il traite vraiment d'une forme d'euthanasie, ce que certains participants ont cru déceler. Mais c'est le propre des débats de... débattre. J'y ai vu une sorte de fantaisie, permettant de faire de ce David Miller, architecte vieillissant arrogant et acariâtre, quelqu'un de... disons quelqu'un de mieux.
Le film de la Lituanienne Alanté Kavaïté est une histoire jouant à plein de la sensorialité, de la sensualité, du mouvement à l'occasion d'un été balte (Summer, titre choisi pour l'exploitation en France). A tort perçu parfois comme une Vie d'Adèle nordique, Summer est essentiellement un joli frémissement sylvo-aquatique tant les arbres et l'eau y sont symboliques d'une liberté, notamment sexuelle, qu'on a parfaitement le droit de trouver appliqué et ennuyeux. Souvent plus intéressante est la proximité d'un passé soviétique pour ces lacs septentrionaux, avec le côté métallique des passerelles et des usines, ainsi qu'avec l'architecture si souriante (?) des immeubles staliniens. Reste de ce Summer un bon bol d'air et de jeunesse, un espoir un peu vain parfois, surtout à travers ce que j'ai ressenti comme un isolement de Sangaïlé, une héroïne de 18 ans, vis à vis de parents forcément peu compréhensifs. Tout cela m'a paru un peu trop attendu. Le public a semblé curieux de ce film exotique en quelque sorte. L'exotisme n'est pas fait que de ti punch sous les cocotiers. Pas besoin d'en nordire davantage.
Une réserve indienne aux Etas-Unis ne passe pas pour l'endroit le plus jovial qui soit et l'espoir n'y coule pas tant que l'alcool. Les chansons que mes frères m'ont apprises est un film d'une jeune sino-américaine, Chloe Zhao. Estampillé Sundance, c'est un film sensible et assez authentique, tourné avec les les Oglalas de Pine Ridge, Dakota Sud. Cette réserve, d'après quelques recherches, est l'une des plus miséreuses et déprimées de tout le pays. Johnny vient de terminer sa High School et souhaite quitter Pine Ridge et son cortège chômage alcool trafic violence prison pour L.A. avec sa petite amie. Son père (père aussi de 24 autres enfants avec neuf femmes, pour un peuple qui vénère ses ancêtres c'est fou le nombre d'enfants qui ne connaissent pratiquement pas leur père) vient de mourir. Johnny aime beaucoup sa petite soeur Jashaun, douze ans. Difficile de partir. Difficile de rester.
C'est là toute la trame de ce film modeste et un peu déprimant dans sa réalité. La plupart des protagonistes y jouent sous leur propre nom, et quasiment leur propre rôle. L'espace traditionnel du western a fait place à une résignation cafardeuse malgré les pow-wow frisant le pathétique et les belles phrases légendaires, loyal comme le cheval du brave, libre comme le vent, résonnent maintenant à vide en cette contrée aride, ces badlands prison à ciel ouvert. Johnny a en mains son avenir (pas sûr). Et quel sera celui de Jashaun? Vieil adage que j'aime bien: un peuple qui s'adapte est fichu, un peuple qui ne s'adapte pas est fichu.