Hydrogen Jukebox
Opéra de chambre de Philip Glass
Livret d'Allen Ginsberg
Première partie/Chant 1
Eblouissement bleu de l'Eclair
Extrait de Le Cheval de Fer
L’éblouissement bleu de l’éclair sature les plaines de l’Oklahoma,
le train roule vers l’Est
jette une ombre jaune sur l’herbe
Il y a vingt ans
m’approchant du Texas
je vis
une nappe d’éclairs
couvrir les quatre coins du Ciel
Hauts Silos à Fourrage dans brouillard gris-pluie,
damier de lumière au-dessus du ciel-toit
mêmes éclairs électriques au Sud
suivent ce train
Apocalypse prophétisée —
Chute de l’Amérique
signalée des Cieux —
Quatre-vingt-dix-neuf soldats en uniformes payés par le Gouvernement
pour Croire —
quatre-vingt-dix-neuf soldats fuyant la conscription pour un Job dans l‘Armée,
quatre-vingt-dix-neuf soldats rasés de près
et nulle part où aller sauf où on les envoie,
quatre-vingt-dix-neuf soldats qui voient l’éclair —
il y a mille ans
Dix mille Chinois marchant dans la plaine
tous soudain lèvent la tête vers le Ciel pour regarder la Lune.
Un vieil homme attrapant des lucioles sur son porche la nuit
regarde le Berger traverser la Voie Lactée
pour rencontrer la Tisserande…
Comment faire la guerre à cela ?
Comment faire la guerre à cela ?
Trop tard, trop tard
le cheval de fer fonce vers la guerre,
trop tard pour se lamenter
trop tard pour les avertissements —
me voici de nouveau étranger seul dans mon pays.
Allen Ginsberg (1926-1997)
On ne dira jamais assez comme La poésie du jeudi nous ouvre les yeux et nous balade dans le temps et l'espace, parfois dans notre propre image, libres et disponibles, du plus classique au plus novateur, du plus serein au plus trouble. J'ai choisi cette semaine l'une des têtes d'affiche du mouvement beatnik, Allen Ginsberg. Guidé par le hasard comme fréquemment je suis tombé sur ces lignes extraites de l'opéra de chambre Hydrogen Jukebox (1990). Pour ce livret Philip Glass le grand compositeur et Ginsberg ont recyclé des Collected Poems qu'il avait écrits dans les annnées cinquante et des textes contemporains de la création, fortement critiques (Première Guerre du Golfe).
Je ne suis pas un grand connaisseur de la Beat Generation, par ailleurs très souvent confondue en France avec le mouvement hippie et je n'en savoure pas tous les délires et les obsessions. Mais j'y trouve parfois des éclairs (titre du texte), des fulgurances, des zébrures qui me plaisent bien, me ramenant à une mythologie de l'Ouest, western, jazz, blues, rock, road, film noir, qui n'ont pas peu contribué à ma formation. Serez-vous, sur cet extrait un peu de mon avis?
Je le fais souvent mais j'y tiens. Merci à Asphodèle sans qui ces jeudis seraient un peu plus sans surprise ni fantaisie.