Masse critique

Kramer

                                Babelio m'a souvent fait lire des bouquins qu'à première vue je n'aurais pas choisis. Parfois c'est vraiment génial, parfois au contraire. Autopsie d'un père de Pascale Kramer est un assez bon crû. Mais comme ce roman est le contraire de chaleureux. Et comme il sonne juste, hélas. Gabriel, intellectuel proche de la soixantaine, a pris la défense de deux jeunes hommes qui ont massacré un Comorien sans papiers. Ania, sa fille, qui vient juste de le revoir après des années, apprend qu'il vient de se suicider. Accompagnée de Théo son fils sourd-muet, sept ans,  elle fait la connaissance de Clara, la dernière épouse de son père, aux Epinettes, la maison de famille. Le roman ne porte que sur ces quelques jours où le mort habite la demeure, et sur les obsèques.

                               J'avais très peur d'un regard moralisateur et bien démago vu le parti pris de Gabriel mais c'est loin d'être le fil conducteur du livre. Ce n'en est pas même le thème principal. Comment s'est délité le lien entre le père et la fille, bien avant le sordide? La faute à qui? On n'en saura pas tout mais simplement que le divorce Gabriel-Ania ne datait pas d'hier. Pascale Kramer revient par flashes sur le passé et l'enfance d'Ania, la disparition de sa mère et l'absence de ce père, ou plutôt son indifférence envers cette enfant peu brillante, dans laquelle lui, journaliste très en cour dans les milieux de gauche, ne se reconnaissait pas. Bien peu d'amour au long de cette Autopsie d'un père, et peu de personnages que l'on se prend à aimer. Du moins fut-ce mon cas. Il reste bien sûr le couple de voisins, qui éleva presque Ania, couple qui vécut lui-même la tragédie de la perte d'un enfant. Jean-Louis et Jacqueline, je me suis pris d'affection pour eux, un sentiment discret comme leur vie. Et le petit Théo, cet enfant du silence, parfois muré parfois vif, que le père, un Serbe un peu intermittent , aime à sa manière un peu intermittente elle aussi.

                             Court roman de 173 pages, Autopsie d'un père est un livre profond, qui remue sans bouleverser tant l'empathie n'a pas été voulue par Pascale Kramer. C'est donc un roman que je qualifierai de dur, de gris. Ce n'en est pas moins un bon roman qui évite le mélo et les leçons. C'est déjà ça. Merci à Babelio pour sa confiance.