La poésie du jeudi, Edualc Eeguab d'après Dino Buzzati
Vacillant
Terreur de ce quartier laid de Turin
Il avait broyé des échines
Près d'une décennie
Maîtres et chiens de la basse ville
En frissonnaient si souvent
Ses morsures cuisaient toujours ça et là
Et les fuites apeurées
Rythmaient comme avant des journées
Jusqu'à ce petit matin de novembre
Froid piquant Piémont
Où le hideux molosse jaunâtre
Lui avait longtemps résisté
Finalement vaincue, la bête en rupture
Haletait dans quelque ruelle sombre
Mais le maître, cette fois blessé
Savait dorénavant
Sa chute prochaine
Et la fatale échéance
Vainqueur une fois encore
Pour combien de temps.
Avant le glas.
Ce texte doit tout à l'immense Dino Buzzati, adapté, modestement, d'une de ses nombreuses et fabuleuses nouvelles, l'une des plus inquiétantes, et il y en a beaucoup, d'inquiétantes. Il y a aussi beaucoup de chiens dans les nouvelles de Dino. Et donc de chiens inquiétants. Le tyran malade raconte l'histoire d'un chien qui fait régner l'ordre ou la terreur, c'est selon, jusqu'au jour où d'inquiétant, il devient inquiet. Et c'est plus grave. On retrouve évidemment la thématique de l'attente du jour, de l'attente de l'attaque des Tartares, proches, probablement. Et plus généralement toute la littérature de Buzzati, le temps assassin, les quotidiennes déceptions, la vacuité. Le pire étant toujours sûr chez Buzzati, on ne devrait donc même pas s'en émouvoir. Et pourtant... C'est parfois à rendre malade, comme le tyran. Oh Dino, pourquoi t'ai-je rencontré?