L'Ecrivraquier/24/Tentation
Petit caprice récurrent qui se termine là où en général ça commence.
Se taire
Se terrer
Plus bas que terre
Six pieds sous terre
Au terme
Un tertre
Un parterre
Oh s'taire
Austère
Austèriculture
Se refermer
Telle une huître
Austère idée
Idée Ite missa est.
Terre minuscule
Petit tas
Bleu pâle
Le Vallon des Lucioles ne m'a guère passionné. J'ai lu ce livre dans le cadre de Masse Critique de Babelio. Cette opération permet de découvrir des auteurs souvent ignorés. Cette fois la pioche est assez moyenne. D'après une histoire vraie le roman d'Isla Morley nous emmène au coeur des Appalaches, au Kentucky, à la rencontre d'une étrange famille à la peau teintée de bleu. Un journaliste et un photographe, dans le cadre du New Deal du président Roosevelt, sont en reportage en pleine forêt. Pleins de bonne volonté les deux hommes en arrivent à se quereller sur la façon de rapporter le sujet. C'est qu'entre temps le photographe est tombé amoureux de Jubilee, séduisante fille bleue.
Présentée comme un long flash-back qui nous ramène de 1972 à 1937 l'action est concentrée qur les quelques semaines que Havens et Massey passent au sein de la famille tenue à l'écart de la bourgade de Chance, un bled peu suspect de sympathie avec tout étranger ou tout "pas comme nous". L'histoire d'amour est évidemment presque impossible. Isla Morley évoque le rôle de la presse à double tranchant. Question: attirer l'attention sur ces gens ne risque-t-il pas de leur nuire davantage?
Les méchants racistes sont méchants et racistes. C'est souvent le cas dans les romans de la bien-pensance. Si vous cherchez une once d'originalité en littérature, Le Vallon des Lucioles est dispensable. Pour une lecture confortable qui ne risque pas d'interroger, pourquoi pas? Quelques passages surnagent, les relations de Jubilee avec les oiseaux, et puis...et puis...The last blue, titre en V.O. , est assez terne.
In the name of rock/Rhonda
Do You want to surf with me? Les Rhonda ne sont pas légion en France. Qu'importe? Il y a bien longtemps que cette rubrique régulière tient plus du fantasme, du rêve, du regret, de tout ce qui fait supplément, que de la chronique autobiauthentique. Les Garçons de la Plage, que j'ai assez longtemps cru indemnes des faiblesses inhérentes de ce monde, n'avaient pas grand chose des chérubins surfeurs. Les frères Wilson et consorts sont maintenant au pinacle avec l'album Pet Sounds, disséqué par les musicologues à l'égal d'un Sergeant Peppers. Enfin les survivants. Ceci est une autre histoire. Quant à moi, au pinacle, pas vraiment. Et vous? Allez, Help me, Rhonda. Ba ba ba ba Help me, Rhonda.
Iles mineures
Deuxième envoi de Babelio en ce qui concerne les toutes nouvelles éditions Les Avrils, un roman que je qualifierai néo-terroir. Plan-plan, le roman, et moins intéressant que le précédent, Les grandes occasions. Un jeune homme, un chantier naval artisanal, divorcé, une petite fille, la construction d'un pont gigantesque, l'île qui bientôt n'en sera plus une, une séduisante photographe. Les ingrédients sont là pour une gentille fiction régionale évidemment tendance verte, qui a la bonne idée de bannir toute radicailité démago, ce qui n'est déjà pas si mal.
Pour le reste, en ferry ou sur le futur pont, j'ai trouvé la météo marine assez insipide. Tant qu'il reste des îles se lit vite et s'oublie de même. Pourquoi pas? On peut trouver à son goût cette balade aux embruns mais aucun des personnages ne m'a semblé sortir du lot et s'imprimer quelque peu en moi. La jolie artiste parisienne et le ténébreux divorcé amateur de voile, les purs et durs (presque) prêts à dynamiter l'ouvrage d'art qu'il trouvent insupportable alors même que le référendum lui est favorable, le patron du petit chantier, veuf, vieillissant et en passe d'être insolvable, les copains braillards et prompts à trinquer. Tout cela m'a donné l'impression d'un téléfilm un peu archaïque, pas désagréable.
Mais le temps presse et si possible j'aimerais lire autre chose que du pas désagréable. De même que doucement je souhaite distribuer une partie de mes livres, je souhaite maintenant, comment dirait-on, l'essentiel. Oui, c'est ça l'essentiel. Tant qu'il reste des îles ne relève pas de cette catégorie. Cela dit, Martin Dumont, auteur et architecte naval, rend là un hommage sympathique aux îles et aux insulaires.
Le camion des confins (dédié au Bison)
Vraie réussite que cette lecture commune avec La jument verte de Val, du moins en ce qui me concerne. J'attends le verdict de ma collègue avec confiance. C'est bien d'un voyage qu'il s'agit mais la Patagonie n'est pas un bout du monde comme les autres. Chilienne ou argentine, personne ne sait plus très bien et ça n'a d'ailleurs aucune importance. La Patagonie a beau être comme une longue pomme de pin se perdant en Terre de Feu, Parker, le héros parvient remarquablement à y tourner en rond. Parker a un ami, un seul, son camion. On pense un peu au docu télé Les routes de l'impossible où d'improbables bahuts cahotent et s'encalminent sur des trajets de caillasses et d'éboulis, où la vie ne vaut pas un centavo et où les pièces de rechange arrivent à pied.
Parker finit par rencontrer l'âme soeur en la personne de Mayten, charmante foraine hélas, mariée à une brute itinérante bien que jouant aux échecs, certes avec ses propres règles. Mauvais joueur en plus. Mais sur les chemins, routes et pistes patagons, la poésie surgit au détour d'un rocher ou attendant une hypothétique décrue. Deux jumeaux boliviens évangélistes, des néo-nazis tatoués, blouson Deutschland über alles, dont l'un plutôt sympa dès qu'on a évité ses tessons de bouteille, un journaliste enquêtant, sûr que la rumeur sur les sous-marins allemands du Reich qui hantent encore les golfes pacifiques est fondée.
Et dans cet itinéraire labyrinthique, la pluie, le sel, le sable, et, last but not least, le vent. Le vent terrible, omniprésent, qui vous emporte là où vous ne voulez pas, mais ça n'a pas d'importance vu qu'on tourne en rond, le chargement, plus ou moins négociable, plus ou moins périssable, attendra. Je vous recommande particulièrement une gare fantôme, aux horaires à la Raymond Devos, mais où somnole cependant un chef de gare montrant la pancarte "trains supendus jusqu'à nouvel ordre". Et puis des villages qui vont et viennent, pas toujours où l'on croyait, hier à l'est, demain au nord-ouest, et après demain qui sait...
Plongez-vous dans le premier roman de l'Argentin Eduardo Fernando Varela, Patagonie route 203. Vous ne pouvez pas vous tromper, au deuxième jour vous tournez sur la droite, et vers 14h30 vous prenez la troisième sur la gauche. Ou la quatrième, je sais plus bien. Une fois revenu sur vos pas, vous n'êtes plus très loin. Plus très loin de ces lieux-dit aux noms idylliques, Colonia Desperacion, Indio Maligno, San Sepulcro, Vallemustio (Vallée Fanée). Allez, Felice viaggio. Je sais c'est de l'italien et on parle là-bas plutôt espagnol. Oui mais, seulement plutôt.
J'espère que Val n'a pas filé trop vite, tout droit. Ca m'inquiète un peu. On ne sait jamais, la Terre de Feu, le Cap Horn...J'ai des frissons, j'espère avoir des nouvelles. Par ailleurs j'ai pour la première fois participé au mois Amérique Latine d'Ingannmic et Goran.
Enfin je dédie particulièrement cette critique à mon cher ami Le Bison, dont je crois savoir le penchant pour la Patagonie. S'il n'a pas déjà lu ce livre il va lui falloir le faire au plus vite. S'il ne l'aime pas c'est ma tournée. Peu de chances, car, amoureux de ce continent sud-américain, même en chroniquant un livre norvégien il trouve le moyen d'y retourner. Hasta luego.