Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOGART(LA COMTESSE)
Derniers commentaires
Pages
26 avril 2021

Milano, il viaggio

robecchi-chanson17349 

                                La Milan d'Alessandro Robecchi n'est pas la ville de la mode, même pas celle du foot. Et le si blanc Duomo, splendeur gothique, mon dernier voyage à ce jour, n'y est jamais cité. Ceci n'est pas une chanson d'amour, certes non, car les cadavres s'y ramassent à la pelle, les baffes et les pruneaux aussi. Mais la ballade milanaise, sorte de Bas-fonds Tour, parkings, banlieues, campements, squats, ne manque pas de charme. Le fonctionnement de cette enquête repose sur trois duos, pas tous des parangons de vertu, qui recherchent les mêmes méchants, très. 

                                Deux tueurs, qui font bien leur métier, pudiquement nommés le blond et l'associé, qu'on croirait sortis d'un film de Lautner. Deux gitans, j'allais dire qui font bien leur métier mais c'est un peu délicat. Et Carlo, producteur télé d'émissions de haute noblesse, ça s'appelle Crazy Love, vous voyez le genre, et son assistante Nadia. Ces trois tandems enquêtent en Lombardie sur plusieurs meurtres un peu compliqués. Bon, je vous la fais courte. Comme dans beaucoup de polars je n'ai pas tout compris des interactions entre les victimes et les assassins, parfois interchangeables. Des amis de Goebbels, un groupe rock nommé Zyklon B., etc...On s'en fiche comme de notre première escalope milanaise. Mais quelle chouette ambiance, presque parodique et surtout, surtout, souvent très drôle.

                                Dans un style assez cinématographique et rythmé, les dialogues pourraient être signé Michele Audiardo, et donnent tout leur sel à ce périple dans les arcanes, les entrailles plutôt de la capitale économique de l'Italie. Amateurs de Rome ou Naples, ce n'est pas pour vous et question couleur locale c'est nero su tutti i piani. A propos de Ceci n'est pas une chanson d'amour le Corriere della Sera cite Giorgio Scerbanenco, polariste italien que je révère, auteur entre autres de Les Milanais tuent le samedi ou A tous les rateliers. Pas faux même si Alessandro Robecchi  lorgne presque sur le pastiche. Bon, je vous laisse à quelques aphorismes. Presque poétiques parfois. Surtout si l'on trouve que Lüger et parabellum riment bien avec Glock 17 et Smith & Wesson. Rendez-vous à la trattoria, entre la friche industrielle et le squat 38. 

                                On dit qu'ici, entre Milano Centrale, le viale Brianza et la via Soperga, une fois, en 1924 après l'assassinat de Matteotti, un homme a trouvé une place pour se garer. 

                                Carlo écoute et mange lentement. Il ne se rapelle pas précisément quel jour Dieu créa les gambas, avant l'homme mais après les étoiles, il croit, il pense, oui, bref, il devait péter la forme.

                                Ils sortent de l'autoroute et tournent à gauche, vers l'aéroport Malpensa. Le grand aéroport de Milan qui se trouve à Varèse, celui qui aurait dû devenir le hub italien, puis une usine à salaires pour cadres, puis le dernier bastion de sécessionnistes maîtres chez eux, qui est à présent le terrain de pétanque le plus long du monde.

                                J'allais oublier Bob Dylan, victime collatérale, enfin le poster de Bob Dylan, dont Carlo est un admirateur et qui a pris une fameuse bastos à sa place dans son appartement. Bob passera tout le bouquin avec un joli trou entre les deux yeux. Ses chansons ponctuent ainsi Ceci n'est pas une chanson d'amour. Parfaitement incongrues dans le contexte, c'est évidemment délicieux. 

 

Publicité
23 avril 2021

Que tout change pour que rien ne change

Borgo   

                       Scènes de la vie quotidienne de Mimmo et Cristofaro, Palerme, Sicile, une Palerme contemporaine, pas celle de Don Corleone. Borgo Vecchio, le vieux bourg, quartier pauvre, c'est peu dire. Les deux enfants y traînent beaucoup, l'un battu par son père, l'autre se consumant pour Celeste, fille de Carmela. Celeste est souvent sur son balcon tandis que sa mère reçoit des hommes, c'est son métier qu'elle exerce consciencieusement sous le regard de la Vierge au manteau. Mais il y a un héros, Toto, un peu Robin des Bois d'une métropole sicilienne archaïque. Borgo Vecchio pourrait friser voire respirer le misérabilisme. C'est sans compter la verve et le punch de l'écriture de Giosuè Calaciura.

                     Car Borgo Vecchio est un roman délicieux, bref, c'est souvent une qualité, mais qui explore l'humanité palermitaine avec la tendresse d'un film néoréaliste (à cette référence ceux qui me lisent depuis longtemps savent que je fonds), l'humour en plus, un peu désespéré, l'humour. Souvent brutal, le propos de l'auteur ne s'embarrasse pas d'un exotisme rédempteur, ni de facilités descriptives. Mais qu'est-ce qu'on les aime ces figures d'un Mezzogiorno toujours englué dans une misère endémique et une délinquance précoce inextinguible. Carmela, la sainte putain, la petite Celeste, rêveuse et décidée. Mimmo, relativement privilégié et Cristofaro, dans cette chronique d'un martyre annoncé, et Nana, cheval de son état, à la fois déifié pour ses performances en course et maltraité comme une bête de somme. 

                       De belles et longues phrases, d'une grande poésie, traversent, fulgurantes, ce Borgo Vecchio, sorte de chorégraphie de rêves et de violence, parfois drôles, avec par exemple le curé, receleur au tabernacle, souvent émouvantes, je pense à l'ode au pain et aux scènes de marché. A ce beau ballet ne manque même pas la trajectoire fantastique d'une balle dans la cité sur les traces de Toto. Du grand baroque, de l'opéra, grandiose et pouilleux. Un déluge d'images, envoûtant, ce déluge étant à prendre au sens propre durant tout le troisième chapitre, impressionnante symphonie pour navires en folie et flux punitif sur le peuple des ruelles. 

                       Aux premières lumières du jour, on découvrit que la mer avait brisé toutes les digues et avait pénétré dans la ville par la porte du Quartier. Il régnait un calme de déluge universel. Ceux qui dormaient encore furent réveillés par les sirènes des bateaux qui ne trouvaient plus le port et s'enfonçaient versl'intérieur car ils voyaient encore de la mer à l'horizon alors que les instruments indiquaient la fin de la navigation.

                       La Sicile a ses grands, très grands romanciers. Le Lampedusa du Guépard, le Sciascia des pamphlets politiques,le Pirandello des Nouvelles Sicilennes, et aussi Brancati (Le bel Antonio), Vittorini, Camilleri et son commissaire Montalbano. De toute évidence Giosuè Calaciura, né en 1960 à Palerme, ne dépare pas. 

 

 

 

 

18 avril 2021

Hélas pour Arras

Masse

9782035961808-001-T 

                     C'est un roman sur la Révolution Française, genre qui fait flores depuis quelque temps. Et sûrement pas le plus intéressant. Il me semble d'après ce que j'ai lu chez Babelio que je ne suis pas le seul à n'avoir guère apprécié. Babelio, mon ami, tu n'y es pour rien s'il n'y a pas la moindre étoile au frontispice de 30, rue de Saintonge. Mais, si l'auteure pense qu'il suffit de bien se documenter sur la langue française en ces années révolutionnaires, je pense qu'elle se trompe. Sûr que Françoise Dag'Naud maîtrise bien le parler populaire, très rude et cru, de tous les voyous à cocarde qu'elle nous présente. Ca ne m'a pas amusé le moins du monde. 

                    Plus grave, l'intrigue, une aventure d'Axel de Sainte-Croix, fringant lieutenant a échappé de peu au couperet quotidien, juillet 94, enfin thermidor, la Grande Terreur, Robespierre ignore encore qu'il suivra Danton de quelques semaines. A Arras il se retrouev chargé d'une curieuse mission, retrouver son capitaine accusé de trahison. On espère encore un livre d'aventures virevoltant, certes sans élégance, mais avec fougue. Hélas, hélas pour la si belle ville d'Arras, c'est plutôt un ramassis d'invraisemblances qui nous envahit. Les clichés sont clichissimes. Les fourbes fourbissimes, le peuple vulgarissime, les gargotes infâmissimes. Une fille de salle s'avère une belle agente secrète, est-ce comme ça qu'on dit? Le parler de la Révolution, pittoresque sur deux pages, s'avère une très grosse ficelle qui m'a bien vite irrité la couenne.

                    Y paraît qu'pour deux sous la bagasse s'amatinait avec tout l'monde et s'arrangeait de tous les paroissiens du pays. On dit qu'elle les zaurait harpillés. Pis, elle aurait emmiasmé d'jeunes recrues de l'armée du Nord...

                    J'oubliais, la préface est signée d'Alain Dag'Naud. Elle est enthousiaste. 

                     

14 avril 2021

Transat au XVIIème

Masse

41MPjN9yqyL

                       Babelio (merci encore) m'a cette fois proposé un roman d'aventures mâtiné de polar qui nous entraîne sur l'Atlantique en 1665. Les passagères du Paragon nous offre une enquête en huis clos où l'ancien juge Howard et le comédien Garin tentent de percer le mystère d'un marin vidé de son sang dans la cale du navire. Le Paragon est un trois-mâts qui effectue des voyages réguliers entre Plymouth, à l'ouest de l'Angleterre, et la Virginie. Embarqués officieusement les deux hommes vont connaître une traversée agitée. Les matelots du voilier n'ont rien d'angélique,  les passagers rien de loups de mer. Cependant Howard résout l'énigme un peu vite à mon gré. Peu importe, cela ne nous mène qu'à la moitié de cette histoire. Débarquant à Jamestown, Virginie, les deux hommes, étrange attelage entre le magistrat et le bateleur, vont s'apercevoir que le monde colonial qui s'éveille a tout de la piraterie, comme l'univers marin qu'ils viennent d'affronter.

                       Trafiquants d'armes, massacreurs d'indiens, esclavagistes, rien ne manque...sauf le suspense. Si le côté voyage fonctionne pas mal l'enquête n'est vraiment pas menée de main de maître. Je ne suis pas sûr qu'elle intéresse vraiment Guillaume Dalaudier, et du coup, on traverse la deuxième partie dans une propriété familiale dont le maître s'avère un tyran local acoquiné avec une brochettes de marins malhonnêtes et de négociants véreux, tout cela n'est pas vraiment passionnant. Sans être catastrophique l'histoire, cousue de fil blanc, est de celles qu'on oublie vite. 

                        Le plus réussi est peut-être le duo d'enquêteurs lui-même, improbable tandem de l'ex-juge et du baladin, tous deux seuls pour des raisons différentes. Howard, le magistrat, homme mûr à la recherche de son épouse, et Garin, comédien tinérant auquel la peste a ravi femme et enfant, s'ils ne sont pas du même monde, forment une bonne équipe, qui pourrait être récurrente en cas de succès de librairie. Pour l'enquête ce n'est pas Conan Doyle, pour l'aventure ce n'est pas Dumas. Mais pourquoi pas?

10 avril 2021

Aube eurasienne

terre

                         Nos lectures communes, à Val La jument verte de Val et moi, nous font voyager. Ce fut au tour du Vietnam avec le beau livre de Duong Thu Huong Terre des oublis. Je ne crois pas avoir jamais lu d'auteur vietnamien. Duong Thu Huong (c'est une femme née en 1947) est une ancienne des jeunesses communistes pendant la guerre. Très critique à l'égard du parti elle a fini par en être exclue en 90, assignée à résidence. Elle vit maintenant en France.

                         Un trio: Mien, son second mari Hoan, et son premier mari, Bôn, porté disparu lors de la guerre du Vietnam, resurgi quatorze ans après. Mien, heureuse auprès de Hoan, riche commerçant et bon époux, père de leur jeune enfant, accepte la mort dans l'âme de retourner vivre auprès de Bôn. Hoan ne lui en veut pas vraiment et lui conserve tout son amour et continue de lui assurer une belle aisance matérielle. Tout le roman alterne entre ces trois personnages secoués par la vie, avec quelques personnages secondaires bien sentis, amis de l'un ou de l'autre, tous formidablement campés par l'auteure.  700 pages format poche passent ainsi très allégrément, ce qui m'a surpris. Narration éblouissante, dit la quatrième de couv., à juste titre.

                         Bôn, le vétéran communiste, rentré meurtri n'est pas loin d'être une épave. Mais reste un homme qu'on ne se résigne pas à condamner. Après tout n'est-il pas l'époux légitime de Mien? Presque misérable, usé, détruit, comme humilié, Duong Thu Huong lui conserve une certaine tendresse qu'elle nous fait très bien partager. Aussi bien Bôn que Mien ou Hoan s'expriment directement, c'est en italiques dans le texte et je trouve cela très bien. Ainsi de Bôn: J'ai raté le coche.Ce train ne reviendra plus jamais. Il n'y a plus que de l'herbe et des feuilles mortes dans la cour de la gare, il n'y a plus de voyageur attendant le train, il n'y a même plus de trace de ce train d'autrefois...Je me suis trompé. Le train de la vie n'offre qu'un seul voyage, il ne revient jamais dans une gare qu'il a quittée... Particulièrement bien décrite, la quête de Bôn égaré dans la jungle après la guerre, est saisissante, impressionnante. Le fantôme de son sergent...

                       Hoan, riche terrien, élégant et cultivé, voue un culte à son épouse Mien. Une certaine grandeur d'âme, ce qui n'est pas si fréquent en littérature en ce qui concerne les nantis (relativement). Ne pas se fier au côté apparemment lisse du personnage. Ses relations avec les prostituées humanisent considérablement Hoan et finiront par grandir son sentiment pour le statut des femmes. Car le Vietnam entier, lui non plus, n'est pas tendre avec elles. Duong Thu Huong nous fait partager le quotidien tout de labeur et de modestie de ces dames, tant aux champs qu'au foyer, souvent rudimentaire, la plupart du temps nourri d'un modeste mais omniprésent bol de riz gluant. 

                     Mien, épouse, mère de famille, jolie femme de bonne foi, sincèrement éprise de Hoan, et sincèrement triste de la déchéance de Bôn, fait preuve de pas mal d'autonomie, partagée entre deux devoirs, mais éveillée et comme préparant la société vietnamienne, archaïque et si patriarcale, à certains changements. Le livre est passionnant de bout en bout. Les descriptions de la jungle, des cultures, de l'heure du thé, des arbres, sont fabuleuses. Loin d'un exotisme bon marché, et réussissant aussi à éviter le pamphlet post-colonial, ce n'est pas le propos, Terre des oublis ne les risque pas, les oublis. 

                     La femme est un monde mystérieux, incompréhensible. Elle se désintéresse de la logique ordinaire et n'écoute que la voix de son coeur. C'est pourquoi l'homme n'arrivera jamais à sa hauteur... La femme est plus clairvoyante que l'homme sans doute justement grâce à ce fond obscur de son âme où l'intelligence s'arrête, où l'intuition érige ses antennes invisibles mais efficaces.

 

Publicité
BLOGART(LA COMTESSE)
Publicité
Archives
BLOGART(LA COMTESSE)
Newsletter
33 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 369 603
Publicité