Le lien
Très très bon roman que Ce lien entre nous du jeune auteur américain David Joy. Caroline du Nord, une histoire d'hommes. C'est un coin d'Amérique comme il y en a tant. Avec des bosseurs-chasseurs-buveurs. Pas des mauvais types. Des gars du crû. Darl braconne, comme tout le monde. Ca tourne mal, il tue accidentellement Sissy, vaguement attardé mental, qui lui-même trafique le ginseng, et qu'il avait pris pour un sanglier. Ca n'arrive pas qu'en Caroline du Nord. Il n'a pas beaucoup d'amis, Darl. En fait, que Calvin, qui va l'aider à cacher le corps. Car ça a beau être accidentel, Dwayne, 130 kg de dur, maître es armes à feu, frère aîné de Sissy, qui n'est sentimental qu'au sujet de son petit frère, n'en restera pas là.
Viril et brutal? Pas tant que ça. C'est que David Joy parvient à surprendre en étoffant les personnages de Dwayne, le vengeur, et de Calvin, l'ami. Dwayne est certes peu amène, mais il a sa cohérence, liée au pays, les Appalaches, plus précisément les Blue Ridge Mountains, où pas mal de gens vivent assez retirés et ont l'habitude de faire face, aux ours comme aux hommes. Un pays de chasse et de gâchettes, omniprésentes. Avec la participation de Dieu, lointain et que chacun utilise à son profit, non sans crainte, et des idées de culpabilité et de rédemption. Dans un étonnant entretien avec François Busnel, David Joy répond aux questions avec une arme toute proche, et s'en explique très bien. Il semble vivre dans des conditions proches du livre. Il dit ne manger que la viande qu'il abat lui-même. Je conseille vraiment ce document qui éclaire l'auteur et le livre.
L'ordre public est dans ces contrées plutôt assuré par les citoyens eux-mêmes. La loi du talion y règne en maître. Et les gens ne quittent guère leur environnement d'enfance. Pourtant des liens, oui. Des liens entre eux. Oh, pas une communauté, plutôt un archipel. Ces types là sont des îles reliées entre elles parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. Froid dans le dos. La logique est basique, tuer le mal par le mal. Peu importe que le meurtre soit accidentel. Et enterrer la victime, en douce, moins bien qu'un chien, pourrait être plus grave encore.