Les barzoïs de La Havane
La lecture commune avec La jument verte de Val c'est toujours un grand plaisir. C'est un très beau roman que L'homme qui aimait les chiens. Il m'a demandé attention, patience et temps. Mais il apporte sur les idéologies du siècle passé un éclairage d'une grande profondeur. Je n'ai pu le lire que pas à pas et j'ignore à cette heure ce qu'en dira ma copilote régulière Val.📚😊 Faire connaissance avec cet homme, celui qui aimait les chiens, cest s'embarquer pour 802 pages et plonger dans le monde des années trente dans toute sa complexité. Mais ils sont plusieurs dans ce roman à aimer les chiens à commencer par ce mystérieux inconnu promenant deux slendides barzoïs sur une plage de La Havane. Je ne suis pas sûr qu'ils soient si nombreux à aimer les hommes. Ivan, écrivain en panne, recueille les confidences de cet homme malade, affaibli, qui aurait connu Ramon Mercader/ Jacques Mornard/ Frank Jacson/ Ramon Pavlovitch Lopez. Pas de panique, il s'agit du même homme, qui assassina Trotsky, réfugié à Mexico, le 21 août 1940.
Trotsky n'est jamais désigné autrement que Lev Davidovitch, probablement Leonardo Padura a voulu appuyer sur la double appartenance de l'homme politique, juif et russe. Mais tout est compliqué dès le départ dans l'horrifique histoire de la Russie du XXème siècle. L'auteur cubain, assez au fait des tyrannies, dissident de l'éternel régime castriste, explore les trois vies, deux réelles et la fiction Ivan Cardenas avec la précision d'un entomologiste. Curieux insectes que ces trois personnages en quête de leur propre vérité.
L'homme qui aimait les chiens passionne, mais en mode transsibérien (pas d'allusion autre que la longueur du voyage). On finit par saisir, certes partiellement, les infinis méandres du stalinisme dans toute sa grandeur, mais aussi les rivalités entre les différentes factions des républicains espagnols auxquels appartient Ramon Mercader. Un livre bouillonnant, à mille lieues des insipides leçons moralisantes qui font florès. Personne n'en sort grandi, grand ou petit, un nom dans l'Histoire ou pas. Pour Staline, Mercader, Trotsky lui-même, on le sait maintenant depuis assez longtemps. La célèbre Pasionaria non plus, loin de là, et le No pasaran souvent repris par bien des défilés a connu des heures sombres. Quant aux "immenses" Diego Rivera et Frida Kahlo, qui un temps hébergèrent Trotsky...bof.
Rien n'est simple à l'évidence. Mais le roman de Padura, si bien construit, nous conduit intelligemment à un peu moins d'ignorance. Cette ignorance parfois abyssale dans notre siècle, le XXIème qui semble n'avoir rien a ppris. J'encourage vivement à prendre le temps de faire connaissance avec Ivan Cardenas, notre guide, sensible et fragile, des plages cubaines aux geôles soviétiques, en passant par les jeux si troubles des différents services secrets et les haines tenaces qui menèrent au fatal piolet de Mexico.