Cavalier qui surgit hors de la nuit
Belle réédition du premier roman de Robert Penn Warren. Bien oublié aujurd'hui, le seul écrivain Prix Pulitzer à la fois roman et poésie a publié Le cavalier de la nuit en 1939. Je m'attendais à un livre fascinant mais je suis en partie déçu. Tout début du siècle dernier, les planteurs de tabac du sud des Etats-Unis, Kentucky principalement, doivent survivre face à la puissance des grandes compagnies. L'agriculture a de tout temps et en tout lieu connu des problèmes de cet ordre. En fait, avec ce premier livre, Penn Warren, l'un des grands du Sud (Faulkner, Caldwell, Ernest Gaines, mais aussi Flannery O'Connor, Margaret Mitchell, Carson McCullers), entame sa longue exploration d'une société américaine qui n'est plus celle de la conquête, mais celle des affaires.
Mr. Munn, Penn Warren l'appellera toujours Mr. Munn, sauf lors des dialogues, est un jeune avocat plutôt idéaliste, mais on sait le danger que représentent parfois les idéalistes. Ce sera d'ailleurs le thème du roman le plus connu de l'auteur, All the king's men, Les fous du roi ou Tous les hommes du roi, selon l'édition. Dans le but d'améliorer la condition des petits producteurs il participe à une organisation secrète qui commence à détruire des entrepôts et des champs. Ayant choisi le camp des Cavaliers de la Nuit, Percy Munn en deviendra l'un des meneurs. Et les exactions des Cavaliers n'auront rien à envier au Klan, auquel on pense forcément en voyant la couverture de l'édition 10-18. Les scènes d'action et de représailles sont d'ailleurs fort bien rendues.
Le cavalier de la nuit conte la sinistre progression du mal à partir d'une idée généreuse. Un grand classique du dérapage, universel. Plusieurs personnages s'embarquent dans cette histoire risquée, plus ou moins en proie au doute. Mr. Munn étant la clef principale et Penn Warren ne nous prive pas de ses interrogations, dilemmes, pas plus que des failles de sa vie privée. J'ai parfois trouvé cela un peu bavard mais ce n'est que mon opinion. Vers la fin du roman l'écrivain nous entraîne par contre dans une très belle digression sur l'un de ceux qui aideront Mr. Munn dans sa fuite, comme un résumé de l'histoire de l'Amérique, un Go West en condensé, passionnant.
Vers la fin de la période du séchage, le nombre des incendies augmenta dans la région. Peu avant les élections, des gens paisibles et raisonnables se livrèrent à de violentes et fréquentes bagarres. En chaire, on récita des prières pour le rétablissement de l'ordre, et parfois pour que fût corrigée l'injustice qui avait causé les désordres et poussé le frère à lever la main sur son frère.