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31 mai 2012

Rome vile mallette

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        Au début des années 90 deux films sortent en Italie.Bien que très ancrés dans leur époque tous deux portent un titre évocateur,Le porteur de serviette,Le voleur de savonnettes.La référence n'est pas écrasante, plutôt amicale.Je viens de revoir le premier,réalisé par Daniele Luchetti.La Sacher de Nanni Moretti,cinéaste cinéphile ce qui n'est pas si fréquent,l'a produit.Silvio Orlando joue Luciano modeste prof de lettres,un peu nègre de romancier, embauché comme plume pour les discours d'un jeune ministre aux dents longues,Nanni Moretti.Univers doré,belles femmes,voitures rutilantes,facilités de paiement,comment Luciano va-t-il évoluer,lui plutôt bien-pensant, entendez par là à peu près à gauche tendance Chianti?

      Silvio Orlando le Napolitain a tourné plusieurs fois sous la direction de Nanni Moretti.Même génération, Luchetti, Orlando, Moretti ont réussi une très bonne comédie "politique",sans lourdeur démonstrative et aérée par l'humour. Exemple: Luciano le pur finira par apprécier de pouvoir dévoiler les sujets du bac à ses anciens élèves.Ce film date des années pré-Berlusconi et sa portée peut se voir somme toute universelle.Ca c'est ce qu'on lit dans beaucoup de critiques.D'accord mais je préfère y voir un héritage des comédies italiennes de l'âge d'or,sans la truculence plébéienne parfois un peu artificielle,mais tout cela mâtiné d'un zeste de Francesco Rosi qui rigolerait avec la présence d'un Moretti qui réussissait il y a vingt ans à nous faire sourire de son personnage pourri et néanmoins humain.Tour de force qui ne s'est jamais démenti depuis,à mon avis.


Il portaborse, 3

            Après le joli conte voltairien Domani,domani (88),Le porteur de serviette ,présenté à Cannes en 91,devint un succès populaire relativement important.Daniele Luchetti n'encombra guère pour ça les écrans et depuis vingt ans,tout au moins en France,on n'a guère vu que Mon frère est fils unique et La nostra vita.Quant à Maurizio Nichetti,auteur du Voleur de savonnettes sur lequel j'espère revenir il semble que son dernier film remonte à 2001.Pour l'un comme pour l'autre je suis de ceux qui le regrettent.Quant au film qui inspira au moins leurs titres,Le voleur de bicyclette,il trône au panthéon depuis plus de six décennies.

Il viaggio

     

 

 

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22 mai 2012

Gueux gais et gags

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         Ce Miracle à Milan est un délice,un bijou,un bonbon qu'on aimait saliver enfant.Primé à Cannes en 1951,il est à craindre qu'un film pétri de bons sentiments comme celui-ci ne triomphera plus jamais sur la Croisette.O tempora, o mores!L'un des maîtres historiques,moi je dis des gentlemen, du Néoréalisme s'en éloigne gentiment par la fable,le conte,la simplicité.Certains diront la naïveté.J'imagine déjà les adjectifs, passéiste, désuet, suranné,voire pire.Le cinéma se joue du temps,comme Michel-Ange ou Breughel,comme Bach et Stravinsky, comme Ronsard et Prévert.Le cinéma ne se divise pas.Il est parfois très médiocre,parfois génial.Il est toujours de son époque,donc du patrimoine.

             Le vieux complice de De Sica,Cesare Zavattini,avait écrit Toto le Bon.Un enfant trouvé par Lolotta dans un chou,touché par la grâce,fondait un bidonville plutôt sympa dans le Milan de l'après-guerre.Vittorio et Cesare avaient déjà collaboré pour Sciuscia,Ladri di bicicletta.Ces deux là s'entendaient comme larrons en foire. Davantage théoricien Zavattini est resté la caution morale du Néoréalisme.Alors que De Sica devenait une star du cinéma italien parfois au détriment de son oeuvre de metteur en scène.Joué par des non professionnels essentiellement Miracolo a Milano est presque une comédie musicale,Sympas,pauvres et gentils,si j'ose dire.La poésie des simples effleure à chaque scène et les promoteurs immobiliers eux-mêmes ont une certaine rondeur qui adoucit les angles.

         Sur ce terrain vague la vie bat son plein et tous y vont de leur astuce.Il y en a même une qui fait payer pour le coucher de soleil.Toto a bien sûr un talisman,en fait une colombe magique,beau symbole.Il abat des montagnes, Toto le héros.Il avait commencé par récompenser le voleur de son modeste havresac en lui offrant. De fil en aiguille c'est toute une communauté qui finit par faire la pluie et le beau temps,une pluie de pétrole en l'occurence qui enrichit tous ces "poverelle".L'argent ne fait pas... mais le joli ballet des balais empruntés aux éboueurs nous donne droit au paradis,je sais pas,mais au ciel,c'est certain.

200px-DeSica&Zavattini

      Zavattini et De Sica ont collaboré une vingtaine de fois.Plus intellectualisé et plus marqué Zavattini pensait que le cinéma n'était pas fait pour distraire les foules,mais pour les réveiller.Discours un tantinet idéologique mais le grand coeur de Vittorio et l'intelligence de Cesare ont souvent fait merveille.A eux deux ils font souvent penser à Chaplin.J'en connais beaucoup qui même à 2000 n'arrivent pas à sa semelle,certes très élimée.Cet article est proposé dans la superbe botte Il viaggio initiée par Nathalie de Chez Mark et Marcel.

http://youtu.be/_jJzLtUbVgI Gran Finale

Il viaggio

    

6 mai 2012

Par le sang des innocents

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          Le challenge de Nathalie Chez Mark et Marcel  est plutôt à vocation littéraire.Pourtant j'ai pensé que cet article pouvait trouver une petite place dans la botte d'Il viaggio.Il était assez difficile de voir Le Christ interdit, seul film de l'écrivain italien Curzio Malaparte.Je l'avais vu adolescent mais ne me souvenais que de quelques rares images,peu festives.Car il n'est pas léger léger ce film et Malaparte traîne encore un parfum sulfureux. L'ayant déjà évoqué (Chasse aux alpins)  je rappellerai  brièvement le chemin sinueux parcouru par Malaparte, engagé pour la France dans la Grande Guerre,fasciste puis antifasciste.Il aurait même rejoint le PCI sur son lit de mort.

     Présenté à Cannes en 1951 Le Christ interdit suscita des polémiques et entretint le trouble,il dure toujours, sur la personnalité de l'ambigu Kurt Suckert,Toscan de père allemand.Sadoul,le peu nuancé critique français très encarté du côté d'Oncle Jo,intitula sa chronique Le Christ interdit,film néofasciste de Curzio Malaparte.L'excellent Jean Gili,passionnant spécialiste du cinéma italien,cite dans le livret du DVD Edoardo Bruno : "Le film donne,avec une extrême clarté,une confirmation de la confusion,de la pingrerie morale et de la niaiserie de l'auteur".C'est vrai que cinq ans seulement après la guerre le film prêtait aux controverses.A ma connaissance il n'est pas resté dans le coeur des Italiens pourtant très attachés à leur cinéma,très peu lié au Néoréalisme et si loin de la comédie.Tentative d'explication, c'est un peu lourd,mais pas sans intérêt soixante ans après.

     Bruno (Raf Vallone),prisonnier de guerre,rentre au pays.Des difficultés de l'après-guerre j'ai déjà souvent disserté (Rossellini et le Néoréalisme,une fois de plus).Il a l'obsession de venger son frère,trahi et exécuté.Mais le silence règne,tout noir sous le soleil toscan et dans les vignes qui reprennent lentement le goût de vivre.Très lentement comme les villageois,à commencer par sa propre mère.Elle sait,sa cousine sait,son amie Nella sait.Mais à quoi bon revenir sur ce que l'on ne peut plus empêcher.

Il viaggio

        Tout cela a fortement décontenancé la critique italienne,l'oeil rivé vers l'Est.Déjà que Malaparte était pour le moins discuté,hors du sérail.Pire encore on n'aime guère le titre ni cette représentation de la foi dont on ne sait si elle est sincère ou hérétique.L'hallucinant personnage du tonnelier,joué avec son austérité coutumière par l'homme sans sourire Alain Cuny,ne détend pas l'atmosphère, figure christique plus encore que dostoïevskienne. On n'est pas très loin du bouc émissaire,cette théorie actuellement tellement dévoyée et démago.Très mal à l'aise aussi la très catholique Italie devant cette représentation,un défilé des objets de la Passion et des porteurs masqués. Irrévérence ou profondeur,personne ne le sait vraiment.On cherche un volontaire pour figurer le Christ (scène de Gino Cervi en prophète illuminé).On ne trouve qu'un chien.Le Christ interdit,je l'ai dit en préambule,est un film très pesant,de ceux qui vous laissent un goût de cendre,tout presque athée que l'on soit.

       Et puis il faut remonter au, début des années cinquante et je considère que ce Christ a été le fossoyeur du Néoréalisme tout en en empruntant les derniers oripeaux,version rurale,alors que c'était plutôt la cité qui concentrait les meilleurs éléments néoréalistes.Trop de psychologie tue la vraisemblance.Mais revoir ce film 45 ans  après une première vision procure une sensation indéfinissable.On a le droit de ne pas aimer le film de Curzio Malaparte.L'histoire du cinéma italien,une fois n'est pas coutume,l'a un peu vite écarté.Au nom d'une certaine morale?Allez savoir."Il est plus facile de pardonner que d'oublier",nous propose de méditer l'auteur complet (y compris la musique). 

   http://youtu.be/LqRDFPOhslE  Quelques minutes de Il Cristo proibito

13 février 2012

Molto rarissimo,parlo calcio (V.O)

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                     Le calcio,championnat italien de foootball,est une institution.Voilà une curiosité des années cinquante, probable inédit,un film de Mario Camerini(1895-1981),prolifique réalisateur qui oeuvra de la comédie "telefono bianco" au peplum (Ulysse-Kirk Douglas,c'est lui). Camerini consacra la fin de sa vie à la Cinémathèque de Milan. Les héros du dimanche serait maintenant considéré un peu comme un film choral.On suit lors d'un week-end le déplacement à Milan d'une équipe de foot plus modeste et qui attend son heure de gloire.N'attendez pas une étude sociologique sur les joueurs,les dirigeants ou les supporters mais une sympathique comédie ou de braves types prennent l'espace d'un après-midi leurs rêves de midinettes pour le haut du classement.N'est-elle pas belle cette affiche où Raf Vallone,la star du cinéma italien juste avant l'explosion Marcello,tête plongeante, déchaîne les passions.

         A propos il est là aussi ce cher Marcello,forcément,footballeur lui aussi. Et,tout jeunes,Franco Interlenghi et Paolo Stoppa,qu'on verra si souvent chez Fellini ou Visconti.C'est un film qui reflète bien son époque,ce sont souvent les films modestes qui éclairent le mieux l'histoire et l'esprit d'un pays.Cela ne fait pas de ces films des oeuvres importantes mais de vrais témoignages.Des héros du dimanche si on veut,mais surtout des gens simples aux prises avec leurs querelles d'amoureux,leur problèmes familiaux,leurs faiblesses et leur honnêteté. En 1952 le Néoréalisme,bien que maintenant rentré dans l'histoire,perce encore un peu dans ce cinéma du dimanche,comme les héros,sympathique et toujours plaisant à connaître pour qui aime l'Italie.Vous savez sûrement que je suis de ceux-là,plutôt deux fois qu'une.

 

9 février 2012

Affreux,propres et méchants

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                      Pas sérieux,le jury de Cannes 66 couronne ou co-couronne Ces messieurs dames de Pietro Germi.Quolibets et houris dans la salle forcément,une comédie,et à sketches.Si vous voulez mon avis il a rudement bien fait,sous la houlette,il est vrai, de Sophia Loren,car Ces messieurs dames est une charge étourdissante de précision et trépidante d'une humanité mesquine,prétentieuse,et pusillanime.Des gens comme vous et moi donc.

                  1. Dans une ville de Vénétie,nous sommes donc au Nord,un groupe d’amis qui constitue la bourgeoisie locale navigue entre sauteries et coucheries. Toni Gasparini confesse son impuissance à son médecin, lequel ne tarde pas à ébruiter le secret, avant de déchanter cruellement. 2. Plus loin, le comptable Bisigato séduit la serveuse du bar de la place, projetant de quitter sa femme, une mégère tyrannique. Mais ses amis, la cousine de sa femme et même la police lui mettent des bâtons dans les roues. 3. Lorsqu’arrive en ville une jeune fille aguichante venue faire son shopping, tous les amis se passent le mot pour profiter de son ingénuité. Quelques jours plus tard déboule le père, furieux, qui les menace de porter plainte pour détournement collectif de mineure.

                   On le sait ,le film à sketches était fort prisé en Italie et Fellini,Visconti,De Sica n'ont pas cru déchoir en y participant.Mais le film à épisodes signé d'un seul metteur en scène était bien plus rare.C'est oublier que Pietro Germi était l'un des plus féroces signataires de la comédie italienne,une vraie morsure dont paradoxalement les Italiens pourtant rudement brocardés étaient fous. Signore é Signori est de fait un régal.La pantalonnade y devient un art de vivre,la mauvaise foi y devient un panthéon,l'amitié un festival de flagorneries et de coups bas.Nous sommes en présence de monstres(souvent évoqués chez Dino Risi principalement,mais le monstre à l'italienne,en général un mâle arrogant, chauvin,piccolo borghese,sommeille en chacun de nous,ma si,ma si...).


Signore e Signori (Ces messieurs dames) . Pietro Germi 1965

       Médecin,pharmacien,commerçant,avocat,tous les mêmes,tous pourris,tous complices mais en fait si mesquins et si humains qu'on les adore.Et puis,on se dit qu'on vaut mieux qu'eux.Alors on se vautre un peu,un peu comme eux tout compte fait.Au pays de ces merles noirs triomphants on aurait bien tort de croire les femmes mieux servies.Fausses ingénues,harpies jalouses,grenouilles caritatives, ah,elles sont belles,les belle donne.Tout cela au son d'une musique génialement ringarde et sautillante.Et servi par les acteurs italiens au mieux de leur forme,pour une fois aucun des Cinq Colonels,Marcello,Vittorio,Ugo,Nino et Alberto,mais de très bons comédiens dont Gastone Moschin et mon préféré,Franco Fabrizzi,le plus somptueux faux derche de la péninsule.Essayez de me trouver Franco Fabrizzi franc du collier dans un film et je vous offre une pizza Via Veneto.Et pour le plaisir le très fin titre du film pour l'exploitation américaine.510ZLYTdNWL__AA300_

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24 janvier 2012

Un peu élimé aux manches

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              Magnifique adaptation de Nicolas Gogol,Le manteau passe très bien de la Russie à l'Italie.Réalisé en 52 par Alberto Lattuada,le film est une jolie réussite qui combine les derniers effluves du Néoréalisme,la comédie bouffonne,et un soupçon de critique politique et sociale.C'est à dire les trois axes essentiels du cinéma italien, mon cinéma de référence,qui ne cesse de m'enchanter au fil du temps.On sait que le fonctionnaire est un personnage universel de Gogol à Courteline.Carmine est un petit rond-de-cuir comme il en est tant dans l'Italie de mi-siècle.Besogneux,désargenté,un peu souffre-douleur du bureau, Carmine n'a guère chaud dans ce Nord neigeux où les naseaux d'un cheval de trait,encore très présent dans le pays,lui réchauffent les mains.Plus ou moins licencié suite à un catastrophique procès-verbal d'une réunion du conseil municipal,et nanti d'un trou au dos de son vieux pardessus Carmine râcle les fonds et décide de se faire confectionner un nouveau manteau.

       Ce nouveau vêtement va-t-il lui porter chance?Il semble que oui.Pas trop mal reçu aux voeux du maire et le mousseux aidant,voilà notre ami Carmine qui danse et virevolte,bouffon de ces bourgeois qu'on devine magouilleurs.Et son manteau,son cher manteau..Il a crû le perdre mais voilà que dans la nuit citadine un plus paumé que lui,sûrement,lui vole cette moitié de lui-même.A parti de là le récit verse dans le fantastique et j'avoue ne plus très bien me souvenir de la fin de la nouvelle de Gogol.Quoi qu'il en soit le film est une vraie réussite de ce cinéma proche,poplulaire et intelligent,dont les Italiens étaient si coutumiers.Renato Rascel est un acteur injustement oublié,lui même metteur en scène,et qui endosse avec l'allure adéquate la défroque de ce pauvre déclassé.Chaplin n'est pas loin,ai-je lu.Pas faux.


Le Manteau d'Alberto Lattuada : extrait 1

 

16 janvier 2012

Famille à la Mario

        Cette oeuvre peu connue,peut-être est-elle inédite en France,je l'ignore,est un des nombreux éléments de la comédie italienne.Pas un maillon majeur certes mais une distraction cinéphilique agréable et bon enfant. Surtout Pères et fils,du grand Mario qui fit souvent bien plus fort et bien plus drôle,permet de retrouver les acteurs italiens qui me (nous?) sont si chers.Vittorio de Sica,ce latin lover bellâtre d'avant-guerre devenu l'un des auteur les plus sensibles du Néoréalisme,ne se départ jamais de sa classe en tailleur séducteur sur le retour,aux prises avec sa fille "dévergondée",dévergondée à la mode des années cinquante.

        Plaisir encore de retrouver Marcello dont vous ne me verrez jamais écrire le moindre mal,avant La dolce vita et son entrée dans la légende.On peut me dire que ce film est tout à fait désuet et c'est sûrement vrai.Mais c'est une notion qui m'est assez étrangère.Il faut prendre les oeuvres pour ce qu'elle sont,produits d'une époque et c'est un débat plus que stérile.Ma fougue pour le cinéma italien ne me fait pas prendre Vintimille pour Verone mais Pères et fils,certes mineur,est une petite pierre,pas une pépite,dans la belle histoire du plus beau cinéma du monde,du moins en ses années d'or.Rappelons que,très malade, le génial Mario Monicelli,maître de la comédie italienne,le père de Brancaleone,des Camarades,de Mes chers amis,du Pigeon,le chroniqueur de La grande guerre a choisi la nuit fin 2010  à l'âge de 95 ans.

11 novembre 2011

Mention mieux que papable

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          Je ne rate jamais un film de Nanni Moretti.Il y en a plusieurs que j'ai vus trois ou quatre fois.C'est un cinéaste dont je me sens proche.Quelques semaines après sa sortie voici ma chronique de Habemus papam,l'un des dix films environ que j'aurais vus cette année,films récents,j'entends,puisque comme vous le savez pour le cinéma je suis plutôt "patrimoine".Nullement un pamphlet anti Vatican, l'homme Moretti est plus intelligent,c'eût été si facile.J'ai lu quelques critiques peu enthousiastes.Moi je trouve à Habemus papam un bel élan d'humanité. J'y ai vu une institution pas  si sûre d'elle-même,des hommes en proie au questionnement, guère de caricature,un vieillard paniqué, un psychologue,double morettien depuis quelques années,somme toute plausible.

   Moretti oublie rarement d'être drôle et tendre.Et son pape élu en cavale n'est pas si loin de Don Giulio,le jeune prêtre de La messe est finie,l'un des plus beaux opus de Nanni Moretti.Souvenez-vous,à la fin Giulio part en Patagonie,est-ce une fuite ou un salut?Et cette Place Saint Pierre suspendue.J'aime aussi dans Habemus papam cette sorte de constat,que Rome sera toujours une ville un peu autre,un peu différente,avec cette présence d'une entité nulle part aussi mêlée à la vie de la Gente di Roma(film de Scola).Bien sûr on sourit beaucoup au film et la coupe du monde de volley-ball imaginée par Moretti avec ces pourpres cardinalices smashant à qui mieux mieux est bien sympathique.

        Le Cardinal Melville,Michel Piccoli surpris,inquiet,affolé,vibrant,terriblement humain,ne se sent pas les épaules pontificales.Pérégrinations dans Rome,trouille bleue,regrets du théâtre,sa vocation première.Même si les encens du Vatican abritent bien des conventions scéniques et que les fourberies comme partout y cotoient les dignités. N'osant chausser les souliers de Saint Pierre, Melville dans ce fameux cri presque expressionniste nous transporte dans l'aventure humaine d'un homme dont la complexité n'empêche pas l'humilité.Et si le personnage du psy,très morettien on l'a dit,semble un tantinet plus attendu,l'amico Nanni,pas forcément grand acteur,y apporte néanmoins toute sa vérité.Et la vérité du cinéma de Moretti est d'une très belle cohérence depuis Je suis un autarcique.J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur la plupart de  ses films.

  Beaucoup de blogueurs ont écrit sur Habemus papam et notamment l'ami lusitanien ,toujours très pertinent,un homme qui poste moins,mais mieux.Obrigado D&D.http://25images.over-blog.com/article-habemus-papam-de-nanni-moretti-ou-le-vatican-fantome-88472723.html

29 juillet 2011

D'excellents morts

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    Le Sicilien Leonardo Sciascia a vu la plupart de  ses romans adaptés au cinéma.Certains ne sont d'ailleurs jamais sortis en France.Citons A chacun son dû (Ne pas oublier Palerme )Todo Modo,La mafia fait la loi.Les metteurs en scène en étaient Elio Petri,Damiano Damiani ou Francesco Rosi précisément pour Cadavres exquis,1975,d'après Le contexte.Rosi a fait l'objet d'une rétrospective à la Cinémathèque qui vient de se terminer.L'entretien avec Francesco Rosi,88 ans,est d'ailleurs visible pour un moment sans doute sur le site de la Cinémathèque. Monsieur Rosi y tient des propos passionnants et courageux.Bien sûr ce cinéma peut apparaître comme lointain.Mais outre que je n'accepte guère les notions de films ayant vieilli,c'est seulement le temps qui a passé et c'est tout à fait différent,les constats sociologiques, économiques ou politiques demeurent percutants.Les rapports très compliqués entre le pouvoir et la justice ne sont l'apanage ni des années 70,ni de l'Italie.

          Plusieurs très hauts magistrats sont assassinés.Théorie du complot, intimidations de la Pieuvre, simples délires d'un déséquilibré,l'inspecteur Rogas,Lino Ventura juste et seul,donne un supplément de vérité là où l'on attendait évidemment Gian Maria Volonte.Il bute sur des murs alors que tombent les cadavres,Charles Vanel dont le meurtre est particulièrement saisissant de mise en scène, Alain Cuny, Max von Sydow. Ecoutes,filatures,téléphones inquiétants.Nous sommes certes dans le classique de thriller politique.Mais des trouvailles nous titillent,humanisant ces messieurs plutôt glaciaux.Le vieux procureur Varga se délecte devant les momies du musée, parcheminé qu'il est lui-même.Le juge Rasto se lave les mains à tout propos avant de finir au lavabo.Ces notables étaient-ils aussi corrompus,jusqu'au ministre de la Justice?Rosi ne cherche jamais à convaincre et son cinéma n'a rien de simpliste?C'est sa grande force.

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    Et si son flic honnête,Lino Ventura retenu et sans grandes tirades démagogiques,dont on ignore tout de la vie privée,ce qui aussi muscle le film comme une métaphore,est condamné dès le début,on se passionne pour cette allégorie de l'impossible clarté du couple infernal entre le politique et le judiciaire,ce Janus aux deux visages qui est un peu en chacun de nous.Et qui surtout ne concerne pas que l'Italie bien que le cinéma de ce pays se soit depuis longtemps intéressé au sujet.Le Néoréalisme étant passé par là.

22 janvier 2011

Moretti:le dévoilement

    

           La décennie 1990-2000 a vu Nanni Moretti ne réaliser que deux longs métrages,en fait un dyptique Journal intime et Aprile.Rarement cinéma n'aura été aussi narcissique et universel cependant.Depuis Palombella rossa Moretti est devenu producteur,la Sacher Film,du nom de sa célèbre pâtisserie préférée.Les autres jeunes cinéastes, Mazzacurati, Luchetti, Calopresti, peuvent compter sur lui.Un peu moins la France qui distribuera tout ça chichement.1993, le film "manuscrit" Caro diario est en fait composé de trois parties de 30 minutes dans lesquelles Moretti s'implique corps et âme,même si ses films-rôles antérieurs,du Michele de Bianca au Don Giulio de La messe est finie n'ont en fait été qu'une très longue introspection, toujours en cours depuis 35 ans.En vespa est une superbe virée en scooter dans une Rome quasi déserte ou Moretti donne libre cours à son amour pour la ville,peut-être un clin d'oeil à Fellini et à la cinéphilie,ce gravissime virus qui nous vaut un hilarant règlement de comptes avec un critique et une balade sur les plages où vécut et mourut Pasolini.

     Dans Les îles Moretti retrouve un ami dans l'archipel des Eoliennes.Il trouve dans l'insularité et dans l'éloignement motif à se colleter à ses thèmes de prédilection,le rôle aliénant de la télé,l'éducation des enfants,le portrait d'une génération alors quadragénaire.Comme toujours chez lui une certaine gravité souriante irradie le film.C'est qu'il n'a jamais été dupe de la relative réussite de son cinéma,ni de l'engagement,ni de sa propre position,une sorte de leader en Italie,qu'il n'a surtout acquis que dans les années 2000.Journal intime est un hymne à l'écrit au moins autant qu'au cinéma.le générique silencieux et écrit,les têtes de chapitre,les ordonnances.Moretti a écrit tous ses films,souvent seul.Et comme l'écrit Alexandre Tylski,de la revue Cadrage,on peut considérer Journal intime comme un générique entier,rejoignant l'étymologie avec une sorte de genèse retrouvée au contact des volcans,en une Méditerranée où naviguerait toujours Ulysse,d'îles en îles justement.

  Ce chapitre sur les îles Salina,Stromboli,ramène aussi aux ancêtres,Rossellini bien sûr,mais aussi de façon très drôle et à travers les tyrannies téléphoniques des enfants à un certain manque de communication,celui d'Antonioni dont le film le plus célèbre, L'Avventura,se déroule lui aussi dans une île.

   La troisième partie de Journal intime est évidemment encore plus personnelle.Woody Allen à qui Moretti fut souvent comparé pointe un peu ses lunettes mais l'hypocondrie allénienne légendaire est battue en brèche par la réalité morettienne puisque Nanni a vraiment vécu les affres du cancer et les rebonds de spécialiste en spécialiste,ici nommés le premier dermatologue,le deuxième dermatologue,le troisième dermatologue,le prince (?) des dermatologues,le remplaçant du prince des dermatologues.C'est en se penchant sur lui-même,de façon épidermique,c'est le cas de le dire,que Moretti touche à son pays,intégralement,le radiographiant tout comme son propre corps dans le scanner.C'est bouleversant,caustique et hilarant.Peu,très peu de cinéastes en disent autant.

    Aprile en un sens va plus loin encore puisque Moretti endosse ici son engagement politique au même titre que son travail de cinéaste et finit par les mêler à sa propre existence et notamment à la naissance de son fils Pietro.Tant et si bien qu'on ne sait plus ce qui incombe à la fiction et au document et c'est en cela qu'Aprile est une grande réussite. Commencé avec la défaite de la gauche en 1994 et la première victoire de Berlusconi,devant la télé,avec sa mère,la vraie, le film embraie ensuite avec l'arrogance d'un journaliste français et cette impression de mouvement,cette impression de mise en marche,ce sentiment d'éveil qui constellent Aprile au long d'une balade à l'italienne sur ces deux ou trois ans de vie politique et privée.

               La désormais célèbre scène où Moretti jouant Moretti récite une surréaliste liste de publications qu'il achète afin d'en faire un mur,non,une couverture voire un linceul,se déguste toujours avec délectation.Cette démarche citoyenne,mais je déteste ce que l'on  a fait de ce mot,se mélange avec les interrogations sur le prénom de son enfant,partagées avec sa compagne,et entrecoupées d'appels téléphoniques souvent en lien avec le cinéma.Père et fils dans le miroir,ceci après le départ de Silvio et les cris de victoire de Nanni,pour la naissance de Pietro plus peut-être que pour le succès de la gauche,nous emmènent vers la fin du film,en vespa,cela va de soi.

            La conclusion d'Aprile,un brin traumatisante,joue du temps qui passe,qui a passé.Il est vraiment plus que temps de réaliser cette comédie musicale toujours remise au lendemain,sur la vie d'un pâtissier trotskiste incarné par Silvio (Orlando évidemment,pas l'autre).

16 décembre 2010

Grand autel

   

   Deuxième volet de ce que je considère comme un admirable dyptique (après Bianca) La messe est finie date de 1985.Don Giulio,jeune prêtre plutôt traditionnel,pas traditionnaliste pour autant,quitte sa paroisse du Sud pour une modeste banlieue romaine,bien éloignée du Vatican.Giulio a bien des traits communs avec Michele l'étudiant de Je suis un autarcique et Ecce bombo,le cinéaste de Sogni d'oro et surtout le professeur assassin de Bianca.Dostoievskien comme c'est pas permis Don Giulio,épris de pureté,est le frère du Michele de Bianca,presque un jumeau.Si Michele avait l'obsession d'une pureté,la rigueur idéologique (se rappeler notamment la première scène de Bianca où il met le feu pour désinfecter  la salle de bains) Giulio,lui,c'est institutionnellement qu'il est amené à s'occuper des problèmes d'autrui.Ce devoir de s'immiscer,le jeune prêtre s'y applique, avec toute sa rigidité,ses bases de moralité et d'absolu.Mais le chemin de Don Giulio n'est pas si éloigné de celui de Nazarin de Luis Bunuel,quoique sur un ton tout de même infiniment plus familier.Mais au contact,rude,de sa famille,de  ses fidèles,de ses amis de jeunesse qu'il a retrouvées à Rome,Giulio sera conduit,subrepticement grace à l'épatant scénario de Moretti et Sandro Petraglia,à accepter au moins partiellement les autres dans leur réalité.

   Quelle est-elle,cette réalité?Ses vieux amis de jeunesse ,l'un ayant flirté avec le terrorisme des années de plomb,un autre reclus et désocialisé,un troisième illuminé ne lui sont d'aucun secours.Son prédecesseur en cette pauvre paroisse,défroqué se pâme d'admiration devant son gamin.Sa famille se fêle avant de se fracturer, séparation,suicide,avortement.Tout cela est bien lourd pour le jeune prêtre en quête d'une éthique et d'une perfection qu'il va devoir apprendre à amender.Et l'enseignement de Don Giulio,cette utopie comportementale,sera bousculé par le récit qui s'charnera à détruire ses certitudes.

     On retrouve la chanson,la danse,le ballon,ces madeleines délicieuses qui ponctuent le cinéma de Nanni Moretti.Et l'on comprend que si Moretti n'est ni Michele Apicella,ni Don Giulio,il est un peu tous les autres personnages,chacun suivant son chemin malaisé,mécompris des autres et bien peu en paix avec lui-même.Non exempt d'une certaine brutalité,comme la vie,voir l'ahurissante "noyade" de Giulio,La messe est finie se termine avec le départ de Don Giulio por un pays où le vent rend fou,mais surtout avec ce sourire inoubliable du jeune prêtre dont l'impuissance va de pair avec l'espoir de l'aube malgré tout,et et avec la dernière danse dans l'église sur l'air de Ritornerai.Bouleversant oeuvre d'un cinéaste encore très jeune La messe est finie me touche comme il ya 25 ans.

http://www.youtube.com/watch?v=WUBZb0ynkqY  Andate in pace con Ritornerai

30 novembre 2010

Je vous salue Mario

            Mario Monicelli(1915-2010)

     Ciao Signore Mario Monicelli.Un fan comme moi du si grand cinéma italien ne peut que vous remercier pour Le pigeon,Les camarades,La grande guerre, les deux Brancaleone,les deux Mes chers amis,Un bourgeois tout petit petit.

Amici_miei

8 août 2010

Je suis un morettiste

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        Premier film de Nanni Moretti,en des conditions rudimentaires de super 8 et de budget famélique,Je suis un autarcique s'avère déjà passionnant tant le personnage,toujours très proche de Moretti lui-même,et ses acolytes savent nous ramener à leurs obsessions de fin seventies,et plus encore de début de la fin de leur jeunesse.Et ça c'est universel.Bien sûr tout ça est pas mal bricolé,ou mis en scène comme bricolé parfois,mais j'ai marché,j'ai suivi les premiers pas de Moretti avec ce film que je n'avais jamais vu.Michele Apicella et ses amis,peu laborieux,rêveurs de lendemains qui chantent,quelle idée,détracteurs du cinéma d'avant,comme tout le monde,n'est-ce pas la Nouvelle Vague,"donnent" dans le théâtre d'avant-garde.Ca vous pose un homme,ça.Ca vous pose surtout un groupe,mi TNP grande époque mi Pieds Nickelés.Ou 20% TNP 80% Pieds Nickelés.Il faut vous dire que j'adore les Pieds Nickelés,bien oubliés des bédéphiles à propos.J'ai noté une citation extraordinaire d'un critique théâtral dans le film;"Le cinéma meurt, seul le théâtre dessine encore des hyéroglyphes signifiants".Cette phrase est merveilleuse...

   Encore quelques hyéroglyphes signifiants dans cette chronique si vous l'acceptez.Peu de vie de famille dans Je suis un autarcique,cela ressemblerait à des histoires de fratries ou de mères siciliennes,de ce cinéma maudit sur lequel Nanni Moretti,homme que je tiens d'une haute intelligence,pas si fréquent au cinéma,a bien sûr changé d'avis.Dans les bonus on le  voit d'ailleurs se chamaillant avec Mario Monicelli.Comme si Nanni n'était pas à la fois le dynamiteur et le continuateur de ces généraux sublimes,Roberto, Vittorio, Luchino, Federico, Michelangelo mais aussi Mario, Luigi, Dino,Francesco, Pietro, Mauro, Valerio....Comme si l'oeuvre totale de Nanni Moretti ne s'inscrivait pas parfaitement dans l'immense cohérence du plus beau cinéma du monde.

   Moretti a un peu la main lourde sur ce théâtre contemporain.En cela il n'est pas si loin de cette comédie italienne.Il ne sera pas si loin non plus de Fellini dans Aprile,de Rosi dans Le caïman.Voir Je suis un autarcique plus de 30 ans après permet d'apprécier le cheminement de ce créateur assez peu prolixe,mais qui ne craint pas d'aborder le cinéma dans toute son envergure depuis la blague potache jusqu'au drame familial,et ce en toute italianité,ce qui ne peut que me séduire.Voir l'avis de Ed Nanni Moretti (coffret dvd : les premiers films)

2 août 2010

Sérieux ne pas s'abstenir

                      

                Roberto Rossellini a consacré toute la dernière partie de sa carrière à la télévision.Il avait une très haute idée de ce qu'aurait pu être ce nouveau mode de diffusion.La R.A.I fut très intéressée,l'O.R.T.F aussi d'ailleurs.Vu de maintenant on croit rêver.J'ai déjà parlé ici même de l'extraordinaire Prise de pouvoir par Louis XIV.Le coffret Carlotta regroupe quatre oeuvres exigeantes,difficilement exploitables au cinéma effectivement,durée,austérité,presque jansénisme,hauteur et an-émotion,pardon du néologisme.Néanmoins passionnant même si j'ai découvert ces films très progressivement.Sans entrer dans les détails dont certains m'ont probablement échappé je voudrais insister sur la grande rigueur artistique de ce témoignage unique en en livrant quelques sentiments.

    Une encyclopédie historique de Roberto Rossellini

                    L'âge de Cosme de Médicis (4 heures environ quand même) est une somme remarquable sur les débuts de la Renaissance,la république florentine,et l'humanisme (pas celui à deux balles dont on nous rebat les oreilles en 2010 à grand coups de coeur dits citoyens,pardon,je m'égare),non,celui de ces visionnaires artistes,architectes,ingénieurs,polyvalents absolus et parfois quelque peu despotes éclairés.Rossellini,pédagogue autoritaire,ne cherche aucun morceau de bravoure mais des tractations,des questionnements,au long d'un film qui parle beaucoup,qui n'est certainement pas un objet cinématographique.Mais comme cela donne des regrets que la démarche n'ait jamais été suivie.Je rêve à une salle de cinéma qui serait étiquetée Histoire et idées,comme on a Art et essai,par ailleurs terme partculièrement pompeux et que je récuse.

    Je ne m'étendrai pas davantage sur les trois autres films,mes compétences limitées ne m'y autorisent guère.Il s'agit De Blaise Pascal, d' Augustin d'Hippone et de Descartes.Le jeu pour la plupart de non professionnels donne un cachet un peu scolaire absolument revendiqué par Rossellini qui voulait expurger de toute facilité d'acteur le récit,tout à sa cohérence didactique.Il me semble avoir connu Roberto Rossellini plus proche des acteurs,ou surtout des actrices.A mon avis ceci explique cela.J'ai tout à fait conscience de l'inutilité d'un tel article mais je n'aurais pas aimé n'en point parler.

   Pour conclure je rappelle qu'aucun metteur en scène de cinéma au monde ne s'est autant questionné et remis en question que Rossellini.Je lui vois au, moins cinq périodes:les films peu hostiles au régime,oui,oui,les chefs d-oeuvre néoréalistes,les introspections bergmaniennes (Ingrid pas Ingmar quoique...)la parenthèse enchantée de François d'Assise,les films pour la télévision dont l'époustouflante Prise de pouvoir par Louis XIV déjà chroniqué ici.

 

18 juin 2010

Les jeunes années de Nanni

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        Ecce bombo n'est que le deuxième film de Nanni Moretti,1978.Et déjà s'affirme l'importance d'un cinéaste nouveau.Auteur complet,acteur,Moretti s'immerge à fond,de sa veine autobiographique qui constitue tout son cinéma.Les tribulations de ce groupe d'étudiants un peu tardifs,sur fond de sensibilité de gauche,mais toujours à l'italienne,infiniment plus fine qu'il n'y paraît et surtout que le cinéma français,m'ont parfois semblé assez proches des élucubrations des Vitelloni,Fellini 1953.Plus intellectualisé certes,plus cadré politiquement,mais avec le même amour des personnages.Michele a du mal à avec sa vie d'adulte,parfois infantile et souffrant un peu du syndrome de Tanguy.Vaguement dépressif et frustré il se comporte comme un tyran notamment envers ss soeur.Et puis surtout Michele-Nanni parle.Mais alors il parle...

    Avec quelques amis nantis d'une conscience politique un peu élastique il devise,il cause,il pérore,il la ramène.Et de refaire le monde,de groupes de paroles en radios libres.Nanni Moretti au long de sa filmo aura souvent parlé de lui,mais sans jamais devenir l'histrion que l'on aurait pu craindre.C'est que manifestement ce cinéaste manie l'intelligence du propos et la tendresse du regard,comme un sportif doué dans une piscine de water-polo.Ce sera plus marquant encore dans ses films ultérieurs,Palombella Rossa,Bianca,La messe est finie sur lesquels nous reviendrons.Dans ce beau coffret DVD Moretti,interrogé sur Ecce bombo, revient sur la genèse du film,l'autoconscience,spécialité morettienne relayant la conscience politique vacillante à juste titre,et ce n'en est que plus ambigu,plus intéressant.Son direct,retour à un certain classicisme sociétal (on est en présence d'une jeunesse bourgeoise et romaine),emploi de certains non-professionnels dont le propre père de Nanni Moretti,donnent à Ecce bombo une jolie brise d'authenticité.Moretti,pas toujours très disert,n'a tourné que dix films en 34 ans.Aucun n'est à négliger.L'ami Ed est d'accord:Nanni Moretti (coffret dvd : les premiers films)

4 juin 2010

Mon général

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     Assez boudé par l'intelligentsia à sa sortie Le Général Della Rovere,l'un des derniers films de Roberto Rossellini avant ses travaux pour la télévision,a gagné ses galons avec le recul.Jugé trop linéaire,d'une facture trop classique à sa sortie en 1960,année où d'autres Italiens devaient prendre le pouvoir(La dolce vita,L'Avventura),ce film habile et interprété magistralement conjugue l'émotion d'un parcours d'homme,escroc de comédie italienne en des temps de tragédie,et la cruauté de la guerre finissante,au moment où, hideuse,elle semble ne jamais vouloir rendre les armes

     Il ne convient pas à mon sens d'employer le grand mot de rédemption pour qualifier l'attitude courageuse de Bardone,endossant les habits du Général.C'est plus simple et plus humain.Bardone a tout bonnement un niveau d'abjection forcément limité.Escroc assez sympa (pléonasme) il prend tardivement conscience de l'inhumanité de cette guerre en même temps que de  sa propre veulerie.Sans grands effets de manche Vittorio de Sica trouve là l'un de ses meilleurs rôles,quand l'étonnement fait place à la stupeur et la stupeur à l'indignation.A cette époque tant Rossellini que De Sica tendent à devenir des hommes du passé.Rome ville ouverte et Le voleur de bicyclette sont des pièces de musée.Et les deux hommes se respectent sans probablement beaucoup s'aimer.Le Général Della Rovere ne sera pas un grand succès malgré le Lion d'Or de Venise 59.Sclérosés l'un comme l'autre par les honneurs et l'académisme,dit-on...

   Pour moi c'est un grand film sur l'homme dans la guerre,universel,pleutre et héroïque,passionnant rejeton de tous les paradoxes qui font un homme.Et des personnages médiocres ou malhonnêtes peuvent s'avérer grands.L'inverse hélas est plus vrai encore.Face à un colonel allemand complexe,Hannes Messemer qui campa souvent ces officiers,De Sica,tête à claque,finit par nous toucher profondément.Le mystificateur rencontre son destin,inattendu,sous la forme de graffitis de condamnés politiques.Dès lors plus d'arrogance,plus de faux semblant.Pas assez retors mais déjà annobli Bardone répondra à l'ultime appel "Della Rovere!".Quinze ans après la fin des hostilités Rossellini et De Sica ont bouclé la boucle. Le prêtre de Rome ville ouverte et le chômeur du Voleur de bicyclette,héros très ordinaires,peuvent dormir tranquilles:leurs pères de cinéma ont bien mérité du cinéma italien.

      

28 mai 2010

Le pognon de la vioque

 

             Le prolétariat vu par Comencini dans L'argent de la vieille n'est pas tout à fait affreux,sale et méchant.Le personnage joué par le génial Alberto Sordi conserve une lueur d'humanité qu'a perdue depuis longtemps Bette Davis,la richissime américaine en villégiature en Italie.Prodigieux cinéma de là-bas qui nous amène à nous pencher sur le scopone,jeu de carte à l'italienne qui oppose la vieille,son chauffeur chien battu,Joseph Cotten, et le couple Sordi le ferrailleur et Silvana Mangano.La tradition annuelle met en scène ces quatre roublards qui s'aiment bien malgré tout:il faut voir le couple italien s'habiller pour ces parties de bluff,dérisoires et grandioses dans leur lutte pour survivre,fauchés qu'ils sont en permanence.D'ailleurs ils jouent avec l'argent de la vieille,n'ayant pas le premier dollar,à peine la première lire.Pourtant la douairière est susceptible et ne s'en laisse pas compter et n'a de cesse que de plumer les modestes qui repartent raides comme avant.

       L'immense tendresse de Luigi Comencini pour ces quatre fantoches nourrit un film cruel mais délicieux ,délibérément et terriblement humain.Silvana Mangano,peut-être la seule "raisonnable" du lot,affublée du "tocardisssime" histrion,l'immortel Sordi,pare même cette fable tardive de la comédie italienne(1973) d'un joli épilogue amoureux.Enfin on se doute que Comencini immense peintre de l'enfance(Cuore,L'incompris,Un enfant de Calabre) n'oubliera pas d'enrichir le tableau de famille d'un joli rôle d'adolescente fragile mais décidée.

   

22 mai 2010

Matrimonialement vôtre

   Affiche : Mariage a l italienne

                                   Le ton de ce film de de Sica oscille de la comédie napolitaine à la gravité un tantinet mélodramatique.Bien sûr le cinéma plus tardif de Vittorio de Sica n'est pas exempt de lourdeur,à l'exception de l'ultime Jardin des Finzi-Contini.Cependant on aurait tort de négliger ces épousailles,l'une des nombreuses confrontations Marcello et Sofia.Mastroianni campe unn commerçant prospère et Sofia une prostituée finalement "annexée" par l'homme en une sorte de Mariage à l'italienne version off.Vingt années au "service" de l'homme en échange d'un traitement "correct":qu'a-t-elle donc à en vouloir davantage?Nous sommes en 1964 et les choses bougent en Italie,enfin un petit peu.C'est le changement à l'italienne...qui prend son temps.Il faudra un subterfuge digne d'une farce à l'italienne pour qu'enfin ce mariage prenne forme.N'oublions pas que c'est la version ciné d'une célèbre pièce napolitaine d'Eduardo de Filippo,auteur dont la truculence mâtinée de satire sociale n'est pas très reconnue en France.Le couple Mastroianni-Loren,déjà réuni par de Sica l'année précédente dans Hier,aujourd'hui et demain le sera encore dans Les fleurs du soleil.

   Ce DVD est très clairement présenté et remis en perspective par les critiques Alain Garel et Sabrina Piazzi.Triomphe populaire Mariage à l'italienne vit les critiques faire un peu la fine bouche.Pour eux le film lorgnait trop vers la comédie et le numéro,très réussi,d'acteurs.De Sica,c'est vrai,était moins partie prenante que dans ses débuts néoréalistes dans la construction du film,tout de même un peu phagocytée par le couple,sous la houlette,ne l'oublions pas de Carlo Ponti,Pygmalion de Sofia Loren.La même Sofia Loren est à mon avis infiniment plus convaincante ici,en prostituée toute jeune et plus encore en quasi domestique s'éveillant à une certaine conscience sociale qu'en paysanne de La Ciociara.

   Ne pas y chercher non plus le picaresque campanien qu'Eduardo de Filippo écrivait et jouait d'ailleurs en dialecte.Un peu affadi de ce  côté,un peu dynamité par ses acteurs,un peu figé par une origine théâtrale qui ne permet pas de respirer napolitain, Mariage, dans la série à l'italiennne est à mon sens moins intéressant que Divorce ou Meurtre.Mais ceux qui me connaissent un peu savent bien qu'ici film moyen à l'italienne vaut souvent beaucoup mieux que bon film à la française.Buona sera tutti!

18 avril 2010

Noir romain

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                             Ce maudit imbroglio (titre original) fut distribué en 1959 en France sous le vocable alors exotique de Meurtre à l'italienne. Pietro Germi n'a pas encore opté pour la franche comédie,fut-elle assez noire.Rome,admirablement rendue par la piazza et la cour d'entrée de l'immeuble,par les fontaines nocturnes où se garent d'encore assez rares voitures,est la vraie star de Meurtre à l'italienne,comme elle le sera chez Fellini ou Scola.Pietro Germi interprète lui-même le commissaire au chapeau inamovible,et son équipe allie l'humour et l'efficacité,à l'italienne bien sûr.J'ai pensé au grand auteur de polar Giorgio Scerbanenco qui aurait quitté Milan et le Nord pour Rome.En fait ce film est adapté de L'affreux pastis de la rue des Merles de Carlo Emilio Gadda,auteur d'essais plus que de polars.

                         Tous les amoureux de Rome comme moi se régaleront de cette faune mêlant bourgeois cossus,médecin véreux, commandatore et dottore friands de titres ronflants mais assez peu regardants.Le petit peuple n'est guère mieux traité par le féroce Signore Germi:receleurs,gigolo,prostituées.Certes ce n'est pas Affreux,sales et méchants mais Germi fait preuve d'une belle vitalité,assassine selon l'adage "Qui aime bien châtie bien".La bureaucratie policière ne s'embarrasse pas non plus de trop d'éthique mais le commissaire Ingravallo n'est pas un mauvais cheval.Meurtre à l'italienne est une plongée sans vergogne mais pleine de ressources,qui sinue habilement dans les méandres dignes du cours du Tibre.Franco Fabrizi est une fois de plus vaniteux,veule et vénal(quel grand  acteur c'était!) et Claudia Cardinale toute jeune peut encore jouer  une (à peu près) ingénue.

   Les tout derniers feux du Néoréalisme brillent encore un peu dans cette belle oeuvre où une ambiance Simenon serait tombée dans une trattoria au lieu du Café du Canal.Pietro Germi devait abandonner le métier d'acteur pour signer entre autres Divorce à l'italienne,Signore et Signori, Séduite et abandonnée. Invisibles hélas sont ses premiers films des années 45-50 pourtant tentants d'après les histoires du cinéma italien.Jean Gili,si brillant spécialiste,le contraire des pontifiants,présente cette édition Carlotta de Meurtre à l'italienne avec esprit et compétence.

16 avril 2010

Par le petit côté

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           Dédaignant les deux heures de file d'attente pour l'expo Yves Saint-Laurent bien que le soleil brille sur les Champs Elysées je me suis immiscé par la petite porte du Petit Palais pour voir une petite expo sympa avec un petit nombre de visiteurs(j'étais seul).Grand bien m'en a pris.Eloge du négatif nous emmène en Italie annnées 1850,recherchée par les photographes qui au début de cet art balbutiant veulent de la lumière.Un procédé technique que je suis incapable de vous décrire,le calotype,va permettre sur un support papier de transcrire un négatif  qui pourra multiplier la diffusion.Le daguerréotype venait de naître mais c'était une pièce unique.Les pionniers anglais,allemands,français vont ainsi faire le voyage en Italie,cette figure imposée du siècle,tout comme Liszt ou Stendhal.

   Si les maître étrangers s'adonnent aux jardins toscans,aux ruines romaines,aux palais vénitiens avec ferveur et bien de la patience les photographes italiens,qui vivent les soubresauts de l'unité ,deviennent à leur manière les ancêtres du Néoréalisme,immortalisant les paysans des Pouilles,les acteurs du Risorgimento,les rues agitées, tout ce qui fait que l'Italie rêvée des romantiques va basculer dans une modernité tourmentée.

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       Sur ce papier salé cette péninsule en négatif permettra aussi les retouches du ciel ou des nuages,à la gouache ou au crayon graphite,nimbant ainsi ces précieux témoignages d'une aura poétique que l'on retrouvera un siècle plus tard dans les ardentes premières armes des cinéastes du réel,du réel certes mais du réel italien.

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