Les fleurs du mâle
J'aime le cinéma de Jim Jarmusch.Sans avoir l'air d'y toucher et sans tourner énormément il a su depuis vingt ans faire entendre sa petite musique filmique très personnelle.Dead man et Ghost Dog sont deux films très aboutis,aux images fortes,où les influences de différents cinémas transpirent(western,films de samouraï).Broken flowers est lui aussi un bijou de ciné-pêle-mêle frôlant le surréalisme et le road-movie,narrant le très improbable voyage d'un Don Juan d'aspect lunaire joué par le fabuleux "Droopy" Bill Murray,cet acteur à minima qui d'un regard nous fait fondre de compassion et nous tordre de rire.Bill est tout cela à la fois,clown blanc à la tristesse chevillée devant sa télé,solitaire conquérant mais qui comme Don Juan a dû être à chaque rencontre,donc à chaque rupture(car pour moi rencontre et rupture sont synonymes,ce n'est qu'une question de temps) se retrouver encore un peu plus pâle,un peu plus triste,un peu plus absent.Il y a dans les personnages joués par Murray un je ne sais quoi d'un mime du Boulevard du Crime qui n'aurait pas déparé Les enfants du paradis.
Le cinéma de Jarmusch joue beaucoup sur l'absence avec des héros qui ne sont pas tout à fait là.Ils sont un peu ailleurs et le spectateur s'est éloigné lui aussi pour broder sa propre logique sur les thèmes égrenés par Jim Jarmusch. Ici la sempiternelle quête du père à la recherche d'un fils,fils pas très probable lui non plus évidemment.Jim Jarmusch n'impose jamais rien.Ce n'est pas un tonitruant et si vous voulez des certitudes passez votre chemin.Ici vous n'aurez même pas des probabilités,seulement des hypothèses au long de la route comme dans Mystery train ou Down by law,plus anciens mais déjà très incertains. Quelle qualité que l'incertitude qui baigne Broken flowers.Et comme toujours Jarmusch a soigneusement choisi ses musiques.