10 avril 2016

Le cinéma, c'est aussi ça

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affiche

                                Dans un cadre associatif un public nombreux a vu le très beau et très plausible My skinny sister, film suédois de Sanna Lenken. L'anorexie et plus généralement les troubles de l'adolescence y sont cernés magistralement à travers le regard de Stella, douze ans, admirative de sa grande soeur Katia, patineuse prometteuse, mais qui verse dans le refus et le déni, et file un coton bien inquiétant. Sanna Lenken, 37 ans, a vécu elle-même des moments un peu similaires et sait ce qu'elle filme. Les parents, maladroits, quels parents ne le sont pas, c'est Stella qui finit par mieux appréhender la question. C'est beaucoup grâce à elle que l'espoir renaît. J'ai rarement vu une telle acuité concernant les relations entre deux soeurs.

                               Débat intéressant et concret mené par médecins et psychologues avec excellente réception du public, tant il est vrai que ces pathologies universelles concernent tout un chacun. On a pu ainsi mesurer le désarroi et la détresse de certaines familles. On en sort un peu moins ignorant même si c'est souvent dans ses propres murs qu'on est le moins "observateur".

                               L'homme qui répare les femmes, proposé par les animateurs de Ciné-philo, est un beau document belge sur le Congo, ex Zaïre, ex Congo Belge, actuellement République Démocratique du Congo, appellation non contrôlée. Denis Mukwege est le chirurgien qui soigne les innombrables filles et femmes violées et mutilées par les multiples milices qui sévissent dans le pays. Le viol, arme de guerre et de destruction sociale, est une grande tradition de l'humanité. Prix Sakharov, le Dr. Mukwege est peut-être moins le héros de ce film que les femmes congolaises qui le soutiennent et ont exigé son retour au pays, devenues de vraies activistes de la paix. Le film de Thierry Michel est évidemment un témoignage majeur. Mais comme sont décevants ces débats où très vite apparaissent des condamnations très convenues où les responsables sont tout trouvés et où on finit par presque exonérer les culpabilités individuelles. Sans parler de certaines récupérations qui me mettent toujours très mal à l'aise. Et de cela il est très difficile de débattre.

                              

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18 avril 2015

A la croisée des vents

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                                                      J'ai eu l'occasion de présenter ce film il y a quelques jours au multiplexe de notre ville. Un film qui nous vient d'Estonie, ce qui est déjà une rareté, mais surtout un film qui ne ressemble à aucun autre, exigeant, passionnant, déroutant et pourtant cohérent. Composé à 95% de plans fixes Crosswind narre la très peu médiatisée déportation des Baltes par l'Union Soviétique en 1941. Un noir et blanc oppressant mais de toute beauté happe le spectateur auquel il faut un peu de bonne volonté car sa situation est celle d'un otage, capté à son corps défendant, et qui subit le syndrome de Stockholm et entre peu à peu en empathie avec ses geôliers. C'est, je l'avoue, une façon un peu cavalière de présenter les choses mais des critiques ont parlé à propos de Crosswind d'une technique de gel cinématographique, une assertion pas du tout péjorative en l'occurrence.

                                                     Ce film a été bien reçu malgré son parti pris extrême et les spectateurs ont activement participé à une discussion sur le fond et plus encore sur la forme. C'était un pari que le Cinéquai 02 avait engagé , programmer cette oeuvre austère et difficile mais finalement très prenante. D'abord revenir un peu sur l'histoire souvent occultée de ce que le jeune metteur en scène Martti Helde nomme sans détour l'holocauste soviétique et l'exil forcé de si nombreux Baltes, et qui devait se prolonger au delà de la mort de Staline. Puis que ceux qui le souhaitent s'expriment sur la structure si unique de ce film. Ainsi de la caméra, seule à se mouvoir au long de Crosswind, serpentant, s'insinuant au plus près là d'un genou, là d'un visage ou d'une larme, là du grain du mauvais pain des reclus. Ainsi de la forme épistolaire du récit basé sur les lettres d'Erna jeune mère séparée de son mari, jamais envoyées, et qui ne saura sa mort que 47 ans plus tard, lors de l'éclatement de l'empire soviétique. Une longue glaciation qui perdura bien après la guerre, c'est ce que retrace sobrement et si intelligemment Crosswind/La croisée des vents, admirable premier opus d'un Estonien de 27 ans dont le projet fut initié alors qu'il n'en avait que 23.

                                                     Que dire aussi de l'impressionnante beauté de la bande son, quand bruissement des feuilles, chuchotements d'un modeste filet d'eau, voix off comme je n'en ai jamais entendue prennent une signification fabuleuse eu égard au côté statique des images, statiques mais jamais figées tendance Grévin, le risque majeur d'une telle entreprise. Afin de m'imprégner de cette histoire et d'étayer un peu mes propos j'ai vu Crosswind deux fois le même jour. Le film est d'une telle richesse que ce fut un plaisir redoublé. Le Septième Art s'égare si souvent qu'il faut rendre hommage à cette oeuvre originale et forte, jamais dénuée d'émotion.

"CROSSWIND - LA CROISEE DES VENTS" de Martti Helde

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14 mars 2015

Cinq jours cet hiver-là

Snow

                                Un peu un Festen aux sports d'hiver que cet excellent film suédois nommé Turist et dont le titre "français" est Snow therapy, sur un ton plus léger cependant. On sait depuis Bergman que le dynamitage familial en intérieur, fût-ce dans les grands espaces alpins, sied à merveille aux Scandinaves. Le couple suédois moderne, deux beaux enfants, aisé, ayant les moyens d'une résidence de luxe dans une station savoyarde. Tout va bien,donc ça ne peut que se gripper quelque part. Une avalanche qui fera plus de peur que de mal aura pourtant des conséquences sur la suite des vacances et plus encore.

                               Un doute s'insinue, c'est souvent ça le début d'un doute, il s'insinue comme un reptile, il sème le doute, le doute. Le père a-t-il eu comme premier réflexe sa propre sécurité lors de la panique due au séisme? Ou finalement la mère a-t-elle mal interprété un premier geste? Pourtant tout allait bien pour cette exemplaire famille d'un pays prospère. Tout bien pesé, tout n'allait peut-être pas si bien que ça. Ca me fait penser à chez moi, tiens, sauf que nulle avalanche n'est nécessaire à la survenue d'une crise. Ca tombe bien, la Picardie est rare en avalanches. En crises elle est dans la bonne moyenne. Et chez vous?

                              Par petites inquiétudes, par bouderies en montage alterné, par le fameux et horripillant mutisme des enfants (qui n'a connu ça?), par larmes d'une véracité parfois variable, le maître de cette charge parfois hilarante conduit son film habilement, beaucoup mieux que certains chauffeurs de car de montagne. Spécialité nordique, la déconnection de la cellule familiale pointe ainsi des fragilités depuis longtemps mondialisées.

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05 juillet 2008

To be or not to be,en finnois dans le texte

         Prochainement Hamlet goes business.Le monde d'Aki Kaurismaki est une entité à nulle autre pareille.Il faut laisser au vestiaire sa raison et son bon sens.Car le sens chez le Finlandais va en général dans le mauvais sens et la raison vacille, mais avec beaucoup d'astuce et de véhémence.Ainsi je n'ai jamais regretté mes voyages en Kaurismakie,ce pays inconnu,ce nonsense's land.Au loin s'en vont les nuages m'avait semblé plus intéressant que L'homme sans passé,étant plus sensible au côté lunaire qu'au côté ténébreux de cet univers mais tout cela est intimement mêlé la plupart du temps chez Kaurismaki.Je viens de voir pour la première fois deux films anciens,hommages à Shakespeare et au road-movie,ceci pour faire court.

    Hamlet goes busines(1987)  nous ressert les brumes d'Elseneur à la sauce des entrepreneurs d'Helsinki mais les histoires de famille sont très fidèles au grand Will.Et puis il y a quand même des choses essentielles: Klaus,devenu le beau-père d'Hamlet,envisage de brader scieries et chantiers navals pour se positionner sur le marché du canard en plastique.Si ça c'est pas surréaliste...Soyons sérieux en affaires.Les Atrides finlandais s'entretuent gentiment.Il y a quelque chose de pourri du côté de la Baltique. Rosencrantz et Guildenstern sont devenus tueurs à gage et Polonius le jeune finit la tête dans un récepteur de radio crachotant.Poisons,poisons,il en restera toujours quelque chose.Sur ce festival de citations je vous incite à cette relecture de la grande tragédie,qui ne craint pas le ridicule et nous met en joie sur le ton impayable de ce farceur de Kaurismaki.Et chez lui ces acteurs au pitoyable nom imprononçable sont toujours parfaitement choisis pour camper ces peu loquaces héros pourtant si attachants.

    

         Immense road-movie au scénario très travaillé et d'une rare cohérence voici Les Leningrad Cowboys rencontrent Moïse qui nous conte le retour du génial groupe de rock sibérien dont voici le périple.Mais vous pouvez déjà écouter leur musique si prenante.


Leningrad Cowboys-Rock'n'roll is here to

      Errant au Mexique (très belle introduction avec mariachis) les Leningrad Cowboys qui ont perdu leur manager,c'est à dire 85% de leurs facultés intellectuelles,décident de rentrer dans leur patrie. Passant par New York ils le retrouvent se faisant appeler Moïse,qui va leur faire réintégrer leur tendre Sibérie non sans avoir dérobé le nez de la Statue de la Liberté..On rencontre aussi Elie, autre prophète que l'on entendra chanter Kili watch,joué par André Wilms(Mr.Le Quesnoy,hallucinant).Brest,Amiens,Francfort,la République Tchèque,la Pologne,nos héros en santiags et bananes nous offrent le voyage le plus foutraque de ma carrière de cinéphile. Aki s'est foutu de nous,cette fois.On doit être un peu maso puisqu'on aime ça.

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08 décembre 2007

Cinéphile gériatrie

   

             Je n'avais vu que quelques images des Fraises sauvages,souvenir antédiluvien de noir et blanc avec un vieux monsieur sentencieux et une voiture noire sur les routes de Suède.Peu connaisseur de Bergman,bien qu'ayant dévoré Laterna Magica,livre superbe d'intelligence et d'imagination,autobio de Bergman et qui permet,je crois,de cerner un peu le personnage pour le moins complexe.J'entreprends donc tardivement mon propre voyage en Bergmanie(voir note sur Monica) un peu comme le professeur Isak Borg, interprété à la perfection par l'un des maîtres de Bergman,le metteur en scène Viktor Sjöström(1879-1960).

   On a beaucoup parlé de l'austérité des films de Bergman,souvent très justement,et de la mort comme l'un de  ses thèmes de prédilection.Le vieux savant prend sa voiture pour un road-movie qui pourrait bien être le dernier,en compagnie de sa bru qui ne lui voue pas vraiment un amour filial.Mais probablement était-ce difficile d'aimer cet homme sévère,drapé de ses certitudes,trahi par sa femme des décennies plus tôt,et dont le fils unique reste distant.Sa très vieille mère quasi-centenaire le reçoit sans aménité,lui,seul survivant de ses dix enfants.D'ailleurs un tribunal de mauvais rêves le déclare "coupable de culpabilité". Chemin faisant,assez lourd de symboles,une horloge sans aiguilles,un corbillard accidenté et un mort sans visage,Isak est assailli de fantasmes et de cauchemars et finit par s'interroger sur sa vie.Qu'est devenue Sara,son amour de jeunesse,qui cueillait des fraises sauvages non loin de la maison de vacances familiale?

     Plusieurs rencontres émaillent le périple dont celle d'une jolie blonde un tout petit peu effrontée et qui finira par l'appeler Papa Isak,apportant au film une touche de fantaisie très bienvenue et pleine de promesses.Les retrouvailles avec son fils ne se passent pas trop mal et sa vieille gouvernante n'hésite pas à le contredire.Au soir de sa vie Isak,l'un des plus beaux personnages de vieillard du cinéma,semble comprendre la futilité et la vanité des honneurs et s'endort,peut-être en paix.Dans ce que j'appelle les portraits de l'âge un seul autre vieil homme a su m'émouvoir autant,le merveilleux vieux fonctionnaire d'Umberto D. de Vittorio de Sica(voir Cinéma d'Italie).Pour conclure comme je l'ai déjà écrit souvent,laissez leur chance à ces films,dérangeants parfois,marquants toujours.Je ne me résignerai pas à ce que des créateurs comme Bergman ou Antonioni soient sans cesse marqués d'intellectualisme.Un peu court,cette appellation.

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02 novembre 2007

Un été 52

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   J'ai découvert ce vieux film de Bergman,cinéaste pour lequel j'ai un retard considérable,qui date de 53.A cette époque il a déjà beaucoup tourné et subi l'influence de ses grands ancêtres suédois Sjöstrom et Stiller,ainsi que celle plus ou moins marquée du Néoréalisme,qui baigne nettement le début de Monika.Parfois titré Un été avec Monika ou Monika et le désir ce film commence comme une bluette entre deux tous jeunes gens épris de liberté et peu enclins à l'aliénation du travail.Pour peu on se croirait en congés payés.Mais c'est oublier l'austérité et la désespérance qui hantent l'oeuvre du fils du pasteur.

    Harry et Monika sèchent le boulot et vont vivre un été d'amour au bord de l'eau,de l'eau scandinave avec une saison des baisers plutôt courte et le confort rudimentaire.Les lendemains se profilent vite et la sonate d'automne aura une toute autre tonalité.Un enfant leur arrive et Monika,femme-enfant,agressive rêveuse,ne semble pas mûre.Le prolétariat de Stockholm n'est pas celui de Rome et la solidarité est bien mince.Et surtout l'érotisme des bords de lacs suédois s'accomode mal des rigueurs de la maternité.Harriet Andersson sera l'une des actrices préférées de Bergman et celui-ci donnera bientôt les chefs-d'oeuvre que l'on croit connaître.

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