Potence
Tom Horn est un western tardif et rare d'un metteur en scène inconnu,William Wiard.C'est l'un des derniers rôles de Steve McQueen.C'est un film intéressant et que je qualifierai de crépusculaire bien que cet adjectif soit assez galvaudé de nos jours dès que l'ambiance est fin de règne,fin de siècle.Ce n'est pas toujours facile d'échapper aux clichés.Thomas McGuane,l'excellent écrivain "Montana", en est un des scénaristes comme du Missouri Breaks de Penn-Brando-Nicholson.Tom Horn,personnage authentique,est un vestige du passé américain comme McQueen à cette époque est un has been du cinéma.Mais comme le second endosse bien la défroque du premier.Ce chasseur de primes sur le retour fait écho au célèbre Josh Randall,série télé qui propulsa l'acteur au premier plan.
Tom Horn est embauché pour dissuader les voleurs de bétail.Il réussit plutôt bien mais la plupart des éleveurs finissent par le trouver encombrant.C'est au cours d'un procès bâclé que le pire se profile malgré la défense de quelques-uns.Les belles âmes voient dans Tom Horn,sa véritable histoire,titre complet très peu usité et que pour tout dire j'ignorais, un "vibrant plaidoyer contre la peine de mort" d'une téléramesque facture (à laquelle je souscris,rassurez-vous). Mais ce n'est pas mon impression tout à fait. J'y vois pour mon compte un des assez nombreux films-facteurs annonçant la fin du western,c'est vrai que Tom Horn n'a plus sa place malgré son idylle bien sous tous rapports avec l'institutrice.Nos beaux westerns ont vécu,parfois admirables, souvent brutaux, comme savait l'être cette époque à feu et à sang.Notre temps ne l'est certes pas,brutal,non?Pourtant que de coups de gueule humanistes et citoyens on peut lire partout.Sur le blog de la Comtesse aussi parfois.Ces coups de gueule ne sont pas toujours beaucoup moins hideux que ce qu'ils dénoncent.La démagogie ne touche pas que les éleveurs de l'Ouest.M'égaré-je dans cette chronique western?
Le ciel immense
Une troupe d'indiens à cheval hâle un bateau en remontant le Mississipi.Cette image au demeurant fort rare est l'une des beautés de ce beau film d'Howard Hawks,western élégiaque et rousseauiste connu sous le titre La captive aux yeux clairs,moins joli que The big sky,qui avait le mérite d'une cosmogonie au delà des modestes trappeurs aux prises avec la Compagnie des Peaux plus qu' avec les natifs.On lorgne un peu du côté de Fenimore Cooper mais sait-on encore qui était l'auteur du Dernier des Mohicans?Kirk Douglas trouve là l'un de ses très bons rôles,bondissant et plein d'humour,touché par la grâce de la jeune captive.Rivalité mais amitié,bivouacs à l'accordéon,rénégats sur la rive face au petit voilier sur le grand fleuve,rapides très rapides (?),et une certaine douceur de vivre.
C'est que La captive aux yeux clairs est un peu l'antithèse de La prisonnière du désert.Par contre on peut évidemment y trouver un soupçon d'angélisme,une sorte de long fleuve presque tranquille comme une amitié idéfectible qui est très éloignée de la relative brutalité fordienne de La prisonnière...Il y a pourtant dans les deux films un mariage mixte,traité il est vrai d'une façon radicalement différente.Cela n'est que de peu d'importance quand on a la chance d'avoir là deux si beaux westerns dont le classicisme est indémodable.Et choisit-on entre Ford et Hawks?
Greg et Dick débutent
Gregory Peck sont encore très jeunes en 48 mais William A.Wellman,souvent cité ici,est un vieux routier.Ajoutons l'excellent romancier William Riley Burnett(La grande évasion,Le petit César, Quand la ville dort) et nous obtenons ce classique du gang qui se désunit à cause d'une femme (et d'une mine).
En fait je pense que dans Yellow Sky,qui est le nom de la ville fantôme,et qui fut distribué sous les deux vocables de La ville abandonnée et de Nevada le personnage qui a le plus intéressé Wellman est la fille du vieux prospecteur,jouée avec nuance par Anne Baxter.En 48 nous n'avons pas encore vu Dietrich dans L'ange des maudits ni Crawford dans Johnny Guitar.Ainsi Anne Baxter apparaît comme l'une des toutes premières femmes de western à endosser un rôle différent de la mère et épouse dévouée corps et âme,de la prostituée,ou de la servante.C'est probablement pour cela que Wellman l'a envisagée plutôt d'allure androgyne dans toute la première partie.En face d'elle les six bandits vont ainsi passer de l'envie à la crainte et à l'admiration pour certains.
Face au patron Gregory Peck elle va peu à peu révéler quelque chose comme un érotisme un peu rude mais très efficace.Richard Widmark dont le rôle est peu chargé de sympathie,ce qui sera souvent son lot, joue remarquablement un homme diminué par la maladie,ascète et névrosé,obsédé par l'or,in-humain si j'ose dire.J'ai toujours pensé que Widmark aurait pu jouer Aguirre,ce recordman du monde de l'ambition tourmentée et obsessionnelle.La bande,comme tout groupe westernien recèle aussi un jeune blanc-bec vite énamouré et un bon vivant plutôt brave type qui chante des ballades.C'est que le western est un genre particulièrement codé, surtout à l'époque.Pourtant Wellman a prouvé tout au long de sa carrière en dents de scie son goût pour l'indépendance.Ceci explique sûrement cela.Ce DVD propose justement un portrait de Wild Bill(son surnom) et un entretien avec Tavernier,pas si convaincant que d'habitude.
Nick's movie
Les indomptables ou comment Nicholas Ray voit s'éloigner le mythe westernien ...Western contemporain, peut-on d'ailleurs qualifier The lusty men de western, l'action se déroulant dans les années cinquante,le film fait partie à mon avis de toute une série de film qui de La horde sauvage à Impitoyable,et chacun de manière très différente ont contribué à magnifier et à solder l'Histoire. Version abatardie de la grande migration le circuit des rodéos est la toile sur laquelle Nicholas Ray fonde son récit.De cette façon on pourrait croire que survit l'Ouest légendaire mais ces feux de l'aréne ne durent jamais. vraiment longtemps pour ces hommes désargentés qui espèrent la fortune en caracolant à s'en rompre les os.La thématique de l'ascension sociale n'est pas éloignée de celle e la boxe dont on vient de parler;
Les héros en sont cassés comme bien des personnages de Nicholas Ray.Fatigué et les yeux las comme il semble l'avoir toujours été le grand Bob,ancienne vedette du circuit,tente de se ranger du grand cirque souvent dérisoire,lui-même cheval de retour.Nul mieux que Mitchum pour arpenter les sables,mentor d'Arthur Kennedy,un peu son rival aux yeux de Susan Hayward.Par procuration le jeune cowboy connaîtra les blessures et l'Ouest,une fois de plus sera enterré,au milieu de tous ces hommes cherchant simplement une étoile un peu moins terne.Dans le fond le cinéma américain raconte toujours la même histoire,une histoire d'hommes,de femmes,de dirty job et et de mauvais whisky.Avec Nicholas Ray c'est même très bien raconté.Très proche finalement des gars de la route,des hobos,de Bertha Boxcar et des pantins courageux d'On achève bien les chevaux.Infiniment noble,je n'en démordrai pas.
La colline inspirée
Cette rubrique a déjà rendu hommage à Gary Cooper,Ceux de Cordura,Une aventure de Buffalo Bill,Le jardin du diable,L'homme de l'Ouest.Dans La colline des potences,titre français d'après le livre de Dorothy Johnson,Gary Cooper trouve l'un de ses derniers rôles,dirigé par Delmer Daves par ailleurs auteur de classiques comme La flèche brisée,La dernière caravane,3h10 pour Yuma.C'est un beau rôle,assez complexe,de médecin pas désintéressé,psychologiquement désarçonné.Maria Schell,la grande vedette allemande de l'époque apporte une touche de fraîcheur dans ce rude pays de chercheurs d'or où l'on trouve aussi George C.Scott,déjà délirant dans son personnage de prophète intégriste.La justice expéditive est aussi l'un des thèmes de La colline des potences même si la pendaison y est finalement évitée de justesse.
Voulant expier une faute originelle Cooper se comporte comme un tyran domestique vis à vis de la femme et du jeune voleur qu'il a sauvé.Ses principes de rigueur morale n'empêcheront pas la haine et la violence qu'il aura en partie déclenchées.Curieusement le rôle secondaire de l'évangéliste fou renvoie comme un miroir déformant l'image d'un héros fatigué,Gary Cooper lui-même,symbole d'une Amérique jadis forte mais empêtrée dans ses multiples contradictions.Le happy end traditionnel affaiblit cependant considérablement ce beau western de fin de règne.
L'objet du western
Cet objet c'est la fameuse étoile du sheriff,ici Anthony Perkins,tout jeune promu malhabile qui aura besoin du mentor Henry Fonda dans ce beau western noir et blanc 57,signé Anthony Mann et ridiculement titré en France Du sang dans le désert alors que de désert point dans ce décor.Rappelons ici que Mann n'est pas seulement l'homme qui dirigea si bien James Stewart dans l'espace de l'ouest lors d'une pentalogie unique (Winchester 73,Les affameurs,L'appât,L'homme de la plaine,Je suis un aventurier). Chasseur de primes vieillissant Fonda attend sa prime dans la petite ville,pourvue d'un tout jeune marshall,inexpérimenté et qui trouvera dans l'aventurier une figure paternelle,thème archi-classique du western.
Anthony Perkins,jeune lui aussi,semble mal à l'aise mais cela colle finalement bien au personnage de bleu qui doit apprendre le dur métier de représentant de la loi dans une bourgade de l'Ouest.Des scènes très réussies comme la longue introduction où le chasseur de primes ramène un cadavre à cheval,en silence et dont seule la main dépasse.Figure obligée de l'Ouest nous croisons aussi un bon docteur,âgé mais pas alcoolique,chose rare,et qui entre triomphant dans sa ville le jour de son anniversaire,triomphant mais...mort dans sa calèche,assassiné pour avoir exercé son dur labeur.Intéressante approche aussi du lynchage,cette gangrène de le la conquête, universelle hélas qui ne va pas aussi loin que dans L'étrange incident,film de Wellman de 1943,le meilleur sur le thème.Hautement moral cela va sans dire Du sang dans le désert bénéficie d'une fin un peu trop bien-pensante à mon gré.J'ai toujours un penchant pour le solitaire qui part dans le couchant avant the end,plus que pour celui qui "s'encombre" tardivement d'une femme et de son jeune fils pour reconstruire.Mais ce pessimisme n'engage que moi.
Westerns au Cinéma Palace
La salle s'appelait le Palace comme quelques centaines d'autres en France,toute fin des années cinquante, ambiance Eddy Mitchell,ce cinéphile de quartier(de noblesse).Je revendique d'ailleurs le satut de cinéphile tendance Eddy Mitchell,qui a commencé par Alan Ladd et Glenn Ford avant de se diriger vers Fellini,Welles,Eisenstein et tutti quanti...Je suis et serai toujours un intégriste de la pluralité,pas seulement en cinéma.Il n'y avait cinéma dans ma petite ville que vendredi,samedi,et dimanche. C'était l'âge d'or du western,ce genre majeur et unique qui devait dépérir et se dessécher,malgré les diverses renaissances annoncées qui tiendront plus d'utime viatique que de nouveau départ.Des deux films ici chroniqués je me souviens des affiches dans le hall et dans la rue,rue où je passais dès le jeudi pour connaître le prochain programme, développant un syndrome François Truffaut qui m'emmènerait plus tard vers Rossellini ou Kurosawa.Je vous parle d'un temps sans Internet et sans boîte vocale annonçant les programmes d'un ton un peu désincarné.
La vallée de la poudre(58),alias The sheepman,met en scène des quadrupèdes peu en cour dans les westerns.Les éleveurs de bovins voyaient d'un très mauvais oeil ces nouveaux venus,les accusant des pires défauts.Glenn Ford débarque avec ses moutons dans la vallée,mise en coupe comme il se doit par une vieille connaissance et si la comédie affleure au début du film les choses se gâteront bien vite.Pas de surprises mais de belles couleurs,le charme de Shirley MacLaine toute jeune et un règlement de comptes dans Main Street,rituel inamovible à cette époque pour que le bon triomphe du méchant.Glenn Ford a toujours insufflé à ses rôle de cowboys une bonne dose d'humour.
L'or du Hollandais (The badlanders,58) est d'après le générique un réadaptation dans le cadre de l'Ouest de Quand la ville dort(The asphalt jungle),le roman de William Riley Burnett,auteur dont j'ai plusieurs fois parlé ici.Je n'ai guère reconnu l'intrigue et de toute façon le film de Delmer Daves est très inférieur au thriller de Huston.Pourtant les aventures d'Alan Ladd et Ernest Borgnine,sortant du bagne et fomentant comme tout détenu frais libéré le dernier bon coup se laissent voir avec plaisir.J'ai particulièrement aimé les scènes dans la mine et la bonhommie des héros,dans une histoire qui lorgne un peu vite vers le happy end de service.Film mineur de Daves par rapport aux Passagers de la nuit,La flèche brisée,La dernière caravane ou 3h10 pour Yuma,sans les fulgurances et la noirceur de Quand la ville dort,L'or du Hollandais est un placement tranquille qui nous ramène gentiment au Cinéma Palace.
Minéral mais magistral et musical
Le jardin du diable (54) a les caractéristiques d'un western classique:duo de géants(Cooper/Widmark), poignée d'hommes nantie d'une mission et peu à peu décimée,cadre âpre et somptueux,ici des falaises vertigineuses,frontière du Mexique.Mais il y a dans ce film de Henry Hathaway un personnage de femme très intéressant,joué par Susan Hayward,actrice remarquable méconnue en France.On sait que la femme est souvent la grande sacrifiée du western.Rien de tel ici car Lea, manipulatrice et autoritaire ne s'en laisse pas compter.
Gary Cooper si grand dans Vera Cruz ou Le train sifflera trois fois est ici un aventurier fatigué et fait preuve de sobriété face à Widmark,toujours sec et nerveux,mais bien moins teigne que dans certains films.Le film surprend car il n'y a en fait jamais d'affrontement entre Cooper et Widmark. Les Apaches ne sont vus que de loin,rendant ainsi leur présence inquiétante.Surtout Hathaway a un sens de l'espace extraordinaire et sait utiliser le roc,la poussière et la verticalité pour en faire un poème de couleurs.Le grand Bernard Herrmann signe la partition à laquelle je trouve des similitudes avec celle de La mort aux trousses. Rappelez vous le générique du film d'Hitchcock, particulièrement vertical.Il émane de ce film un parfum de lassitude de ce Grand Ouest,si souvent décevant aux aventuriers.
Du bon vieux cinéma(enfin,surtout vieux)
Entrez,entrez dans la fête foraine,le barnum du Septième Art,le grand cirque d'Hollywood.Vous y verrez Une aventure de Buffalo Bill,titre français un brin racoleur de The plainsman(1936) pour un film où le massacreur de bisons n'a que le troisième rôle.Vous y verrez le grand Gary Cooper,Wild Bill Hickock sympa et Jean Arthur,Calamity Jane vaguement suffragette mais fleur bleue.Vous y verrez la conquête de l'Ouest et de braves officiers qui ne se posent pas de questions.Vous y verrez des indiens comme il faut ou comme il fallait,méchants ou morts,enfin méchants puis morts.Vous vous associerez au culte de l'arme à feu comme on les aime,visant vite,bien,et rouge. Vous y verrez aussi que DeMille n'est pas un manchot de la mise en scène et que les chevauchées vont bon train, nanties d'un confortable budget.A propos je vous épargne le jeu de mots qui tue,Cecil Billet DeMille.Tiens je ne vous l'ai pas épargné.
Bien sûr les années ont passé et DeMille,peu gâté par la critique,n'est plus que le directeur d'un grandiose bric-à-brac westerno-biblo-conservo-archaïco-militaro-antédiluvien.Au delà du gentil mordant de cette note il faut convenir que les films de DeMille ne manquent pas de souffle.C'est cela aussi le cinéma,une attraction foraine. Méliès l'avait bien dit.Je recommande de ne pas l'oublier totalement.Reste qu'on peut préférer Gary dans le magnifique Rebelle de King Vidor,ou vieillissant gunman dans Vera-Cruz.
L'attractif traquenard tracassant de Track of the cat
Pratiquement inédit,on se demande bien pourquoi,Track of the cat((54) est un northwestern.J'appelle northwestern un western neigeux.Ils sont plus rares que les autres mais on compte quelques réussites fabuleuses que le blanc des cimes et les blizzards ont magnifiés dans le froid et la solitude.Voir Jeremiah Johnson,La dernière chasse,John McCabe.Dans Track of the cat,adapté du très fin auteur de romans de l'Ouest Walter Van Tilburg Clark les ingrédients sont réunis pour une histoire tragique,une histoire de famille doublée d'une quête.
Dans la famille Bridges propriètaire d'un ranch Curt(Robert Mitchum)est le patron et ses frères Arthur et Harold doivent s'effacer.Mais l'irruption d'une panthère noire peut-être,maléfique sûrement va changer la donne.Les trois frères vont la poursuivre à tour de rôle.A noter que ce fauve n'apparaît jamais dans le film ce qui le mythifie davantage encore.On ne peut pas ne pas penser à la nature hostile du grand maître des lettres américaines Melville et à Moby Dick.La forêt est très cinégénique et William A.Wellman,cet auteur resté dans l'ombre sait jouer des couleurs et de l'espace(le manteau rouge de Mitchum par exemple).La partition musicale est un peu envahissante conférant un côté oratorio,funèbre évidemment qui aurait pu être atténué.
Mais le tableau de famille est tout aussi réussi que cette chasse à la fois spirituelle et bien réelle.C'est que la famille Bridges pourrait être parente de Tennesse Williams,un Tennessee qui aurait quitté New Orleans pour le Nord-Ouest.Le vieux père est alcoolique,la soeur frustrée et la mère,très veuve sicilienne de noir vêtue avant même d'être veuve.Wellman campe des plans superbes: l'enterrement d'Arthur,le brasier final et les incantations de Joe Sam le viel indien car là-dessous bien sûr se cachent d'immémoriaux secrets et légendes.Vous savez bien que dans l'Ouest on imprime la légende... William Wellman est aussi l'auteur d'autres bons films dont L'étrange incident,du même Van Tilburg Clark et un honnête Buffalo Bill.Voir Une corde,un colt Pour le snowestern voir Blanche neige et les vilains