La poésie du jeudi, Edualc Eeguab
Ces deux textes ont été écrits il y a plus de dix ans. Je vous les livre avec ma présentation de l'époque. A ce jour je crois qu'ils sont encore cinq. Je pense souvent à eux peut-être parce que je suis d'un pays de cimetières tout blancs et tout propres entre Somme et Chemin des Dames.Je n'ai pas envie d'en dire plus mais j'ai écrit ces quelques lignes pour eux.
Autour de Péronne
Notre pays n’est à l’honneur
Que lorsque novembre pointe sa douleur
Notre pays n’est guère
Qu’anniversaire des pleurs d’une mère.
La plaine est ainsi constellée
De ces rectilignes faisceaux
Portant croix blanches immaculées
Enserrées sous bien des drapeaux
J’aime à saluer ces lointains amis
Ces cousins si proches à la fois
Couchés sur ce plateau picard
Presque ignoré.
Ce siècle avait quinze ans
Les quatre cavaliers allaient emporter
Dans ce délirium funeste
Les illusions de ces pauvres humains
Mon pays fut l’un des théâtres
De cette fin d’un monde
Nos monuments sur ces terres ingrates
Ne sont qu’alignements
Souvent d’un blanc si propre
Comme pour éloigner les souillures
La boue sans patrie de ces collines,de ces halliers
Les villages fantômes
Veillent sur ces milliers d’hommes
Reconnus ou devinés.
Ici les noms ne sont pas tous de chez nous
Mais ma liberté et la tienne
Toi ma si chère amie
Souvenons-nous
Qu’elles leur doivent la vie,clairement
A Williamson l’Australien
Et Babacar de Casamance
La chapelle bleue du souvenir
Demeure,modeste repli de longue mémoire.
Ils n’avaient que vingt ans,sans bien comprendre
Que la terre de Somme,froide et calme
Serait leur linceul
Sans même un griot
Ou sans revoir leur cher Pacifique
Insondable folie des hommes
Qui devait arracher si loin
A leur soleil,à leurs forêts profondes
Ces garçons morts aux bourgeons
Sans même être exemplaires.
Rage.
Dieu,comme tu sais faire mal aux hommes!
Le poilu
Si là-bas sur le plateau assassin des Dames
Ailleurs en Picardie,n’importe où
En un quelconque Orient
Mais surtout dans la forêt
De ma pâle jeunesse,de mes vingt ans fougueux
A la naissance meurtrière et verte
D’une clairière pourtant vouée à aimer
Comme la nôtre...
Si la-bas et en ce temps j’avais écrit
Ces simples et si belles paroles
D’une vie qui s’exhale à son aube rougie
Aurais-je dépeint les arbres automnaux
Sous les mitrailles de l’enfer
Ou la boue des inhumains
Au coeur de la nature jadis hospitalière?
Aurais-je su,même maladroit évoquer l’indicible
Et traquer ces secondes comme des heures
Afin que ma mémoire dépose
Témoin dérisoire et magnifique
Brodant de tardives arabesques au seuil du néant?
Oui ce me semble j’aurais trouvé
Pour toi les mots des lettres les plus forts
Et les ayant sculptés je t’aurais donné
La meilleure part de moi,le souffle de ma vie
Et tu aurais aimé,c’est sûr
Chaque lettre de chaque mot
Arrachée au destin rapace et délirant
J’aurais été ton poème entr’ouvert sur la nuit
Le sort aurait peut-être adouci ma misère
En laissant à ma main une ombre de talent
Pour que je te pénètre à t’en désespérer
Au reste de tes jours et je serais mort prince
Heureux de ta rencontre.
Pour toujours enfin je serais rimbaldien
Aux semelles légères à courir avec toi
A Florence et Venise
Aux dunes et aux ergs de Mauritanie.
Ces orages d’acier m’auraient condamné
A rester cet ardent cavalier
Frère des troubadours
Ami des guitaristes et jongleur de mots
Toi,tu aurais aimé,tu aurais gardé
Bien longtemps,bien toujours
Superbe actrice,ces monologues
Enfin j’aurais été l’auteur
Des verbes de réalité
Que ta bouche meurtrie aurait incantés
De tes multiples profondeurs
Celles que je connaissais bien avant
Que de rejoindre le bataillon des perdus.
Et sur ces crêtes qui t’impressionnent
J’aurais laissé parmi tant d’autres
L’empreinte de mes doigts crispés
Sur ces rocs comme sur ton corps
Sous l’infini silence des oiseaux
Oui,Amour,tu aurais aimé
Quand après mon départ
Une vie aurait doucement pris son vol
Dans ton ventre habité.
Si j’avais été un soldat
Rebelle ou résigné,cela importe peu
Si j’étais tombé en ces lieux un peu tiens
Je sais que jamais je ne t’aurais déçue.
Je me souviens(emprunt à Georges Perec version Perock)
Sur une idée de Georges Perec remise à l'honneur par Cuné.Cela remonte à 18 mois mais exceptionnellement j'ai eu envie de proposer à nouveau ce petit billet,réveillé par un commentaire tout récent.Et puis pourquoi ne pas le dire,j'aime bien ces lignes qui n'ont rien d'original mais qui sont viscéralement si miennes,plus qu'aucun autre article...
Je me souviens de la pochette vinyl d'Aftermath des Stones mon premier album de bachelier,mon premier album tout court.Mais de cela la Comtesse a déjà parlé.
Je me souviens de mon cahier-hit-parade,50 titres mensuels,où figura un jour The sounds of silence que j'attribuais à Simon et Edgar Funkel.
Je me souviens que quand Salut les copains a disparu des ondes,Pierre Lattes a voulu faire vivre Périphérik sur ces mêmes ondes,sans succès malgré l'indicatif de Chicago Transit Authority(reprise de I'm a man du Spencer Davis Group)
Je mesouviens qu'un titre sur deux nommait San Francisco:California dreaming,Let's go to San Francisco,San Franciscan nights,San Francisco.
Je me souviens que tous les groupes anglais tentaient l'aventure californienne un peu comme les cinéastes d'Allemagne et d'Europe Centrale quittaient l'Europe entre 33 et 40.
Je me souviens que ce n'était pas pour les mêmes causes.
Je me souviens qu'Alan Price avait quitté les Animals et que ça m'embêtait.
Je me souviens qu'en terminale la seule fille un peu rock n'est restée qu'une semaine en m'empruntant 3 super 45 tours.
Je me souviens d'avoir réussi à n'être ni étudiant ni travailleur pendant 5 mois ce qui m'a laissé le loisir d'acheter le premier A whiter shade of pale au moins 6 heures avant les copains.
Je me souviens d'un couple préhistorique chantant I got you babe.
Je me souviens d'avoir couru pour ne pas rater le dernier train après Hendrix à l'Olympia.
Je me souviens du Quartier Latin où passait Monterey Pop.
Je me souviens d'avoir inventé Got to take par les Bloo-Bloos pour coincer les frimeurs prétendant connaître le rock mieux que moi.Quelle insolence!
Je me souviens avoir cru un court moment à l'anticonformisme de la Côte Ouest avant de comprendre que si l'on est des millions à être anticonformistes...vous me suivez?
Je me souviens que se profilaient mes 20 ans et ça me faisait pleurer.Ca le fait toujours d'ailleurs.
Je me souviens des Monkees,groupe fabriqué déjà et,un comble,pas si mal.
Je me souviens des premières errances de Wim Wenders et d'une redécouverte de l'Allemagne avec Amon Düul et Kraftwerk.
Je me souviens de Suzanne et Leonard et je me souviens que vous êtes au courant pour Suzanne et moi.
Je me souviens que Martine aimait Bach mais pas Blood,Sweat and Tears.
Je me souviens avoir fredonné les Kinks en montant la garde.
Je me souviens de chansons sans intérêt mais délicieuses dont celle-ci à laquelle vous n'échapperez pas.
Allez!Clic! http://youtu.be/gxLAzuGtPpI
Je me souviens qu'avec des choses comme L.A.Woman ou In the court of the Crimson King cela devenait vraiment sérieux.
Je me souviens des Mods et des Rockers,des Who et des Small Faces,de Manfred Mann très bon et de ce groupe bubble-gum dont je crois toujours être le seul Français à pouvoir citer le nom par coeur(Dave Dee,Dozy,Beaky,Mick and Tich).
Je me souviens de Nino Ferrer qui chantait trois chansons en première partie d'Hugues Aufray.
Je me souviens d'avoir promis de ne pas ennuyer les plus jeunes avec le bon vieux temps.
Je ne me souviens pas d'avoir tenu une promesse quelconque.
La Comtesse
Le soleil plutôt discret égayait à peine les délicieuses petites artères proches de la fontaine Saint Michel, dans ce quartier latin qu’arpentaient encore quelques touristes en mal de pittoresque. Les librairies, nombreuses, goûtaient une pause relative juste avant l’assaut des hordes d’étudiants venus là pour changer le monde. Le docteur Jérôme Di Drogo n’était plus à l’université depuis presque vingt ans mais flânait volontiers dans ces ruelles chargées d’histoire et aussi de ses petites histoires à lui,de ces souvenirs délicieux et amers qu’un homme aime, je crois, à trimballer là, dans un petit coin de tête. Rue Saint André desArts le vieux studio d’art et d’essai le trouva en avance de trente minutes sur son rendez-vous. Son épouse,pas complaisante pour autant, n’avait émis aucune objection à cette incartade et pourtant c’était bien une créature de rêve qui attendait le docteur cet après-midi. Et pas pour un très moyen cinq à sept, non, pour une très longue éclaircie obscure. En effet ce jour l’élue de son coeur n’était rien moins qu’Ava Gardner à laquelle le Studio Hautefeuille dédiait une rétrospective et trois films dans la foulée. Mme. Di Drogo connaissait la cinéphilie pathologique, voire obsessionnelle de son mari:un mardi sur deux il délaissait son cabinet chargé pour sacrifier au culte d’Hollywood et de quelques icônes précieuses du Septième Art. Savez-vous que les cinéphiles constituent une secte, dangereuse pour celui qui s’est trouvé coincé lors d’un dîner entre un fanatique des premiers Bergman, d’un noir et blanc dépressif et un aficionado de la mythologie de l’Ouest dans les westerns de John Ford(période intermédiaire).
A la première pluie, démuni d’imperméable et rageant d’avoir oublié son trenchcoat tout neuf, copie de celui d’Humphrey Bogart dans le Faucon Maltais, il gagna le lieu de perdition et attendit dans le hall en admirant les photos sur les murs fatigués. Il avait perdu depuis peu l’habitude de les voler mais les regardait toujours langoureusement. Un quart d’heure encore, assez pour s’imbiber de l’ambiance années cinquante indispensable à une parfaite évaluation des éléments baroques du film noir américain.
Trois perles de l’histoire du cinéma étaient proposées à sa boulimie: Les Tueurs, Pandora et la Comtesse aux pieds nus. Il salua gentiment la caissière qui le connaissait bien et lui délivra sourire et tickets, passeports pour la félicité. Jubilant à l’idée de revoir la beauté d’Ava Gardner, il n’eut aucune attention pour la jeune femme parvenue au guichet peu après. Le dernier écran de pub venait de vanter les mérites d’une célèbre bière danoise et déjà le jour revenait dans la salle un peu désuète mais si charmante,tapissée d’affiches classiques, Citizen Kane, Le Dictateur, La Règle du Jeu. Fidèle de cette chapelle il reconnut une poignée de cinémanes sacrifiant aussi au rite de la Comtesse: un signe muet qui n’était pas sans rappeler les messages ésotériques échangés par les premiers chrétiens dans les catacombes de la Rome impériale.
Trois minutes à peine avant les retrouvailles avec la star et le choc: Jérôme ne vacilla pas, ancré aux bras du fauteuil et pourtant deux rangées devant lui,alors que les projecteurs de la Fox balayaient l’écran, était assise Ava Gardner. Sidéré, il allait passer une après-midi catastrophique au moins sur le plan cinéphilique: il ne put savourer les finesses du scénario de la Comtesse. Il avait déjà vu le film six fois.Mais en lui quelque chose chavirait.Embué son esprit peina à sortir des limbes où l’avait noyé la vision de grâce,mais d’une grâce un peu démoniaque. Enfin comme après un dîner-débat trop chargé son cerveau accepta de décliner un regain d’activité.-Pétrifiant, une telle ressemblance est proprement fantastique,songea-t-il. Mais je rêve,c’est impossible,et puis personne ne se retourne,je suis le seul à l’avoir reconnue. Qu’est-ce que je dis? Non,pas reconnue, je ne l’ai pas reconnue, non, j’ai seulement remarqué une femme qui me rappelle un peu Ava Gardner, pas mal même. En fait elle est loin d’avoir la même allure, elle est élégante, sans plus; une coquette qui affectionne le rétro. Enfantillages, je vais trop au cinéma. Résolu il s’immisça dans l’écheveau complexe des amants de la belle danseuse espagnole, cette si belle comtesse venue de la rue. La femme éternelle, celle que tout homme craint et espère et qui inonde d'un malheur fou producteur, matador ou aristocrate. Maria Vargas, imprévue quoique vue et revue,ferait toujours fantasmer le spectateur, un peu triste,un peu naïf.
Très vite cependant il abandonna la vraie pour la fausse ou était-ce le contraire?La présence l’envahit à nouveau et se révéla coriace et délicieuse, tortueuse à son esprit. -Ce chapeau , elle avait le même dans Show Boat, j’en jurerais. Show Boat,1949ou 51-Maintenant il la distinguait un peu mieux dans le subtil halo de la sallle obscure. Son image en devenait presque irréelle, princière, infernale peut-être, ce mouvement de tête, imperceptible, ces épaules caressées du regard,ce...Jérôme se surprit voyeur, à rêver plus qu’à scruter les chaussures de l’apparition, éveillant un sentiment plus fort encore qu’il jugea mystique, comme l’amour du Prince Tasso pour l’aventurière andalouse. Moins mystiques: les cervicalgies de ses vertèbres enflammées à force de rotations excessives vers ce damné fauteuil. Ava était légèrement de côté et le regardait,ses jambes croisées évoquaient la scène de Marchands d’Illusions, une rareté qu’il n’avait jamais vue dont il conservait pieusement deux clichés dans un vieux Mon Film.
Sur la toile le drame allait se nouer et Maria Vargas ne vivrait pas longtemps.Fasciné par le personnage bien réel surgi dans sa vie comme d’un fondu au noir, Jérôme craignit que The end ne sonne aussi le glas de cet étonnement; aussi se sentait-il plutôt inquiet et pris de panique quand défila rapidement le casting finaL.
Il ne se leva pas de peur de rompre le charme. Il n’eut guère le loisir pourtant de se remettre. Déjà la jeune femme quittait son siège. A sa hauteur elle l’avait regardé,un regard très court et décidé, feu et glace, qui l’avait figé et aussitôt remis en selle sur les pas d’Ava Maria Pandora. Elle avait à présent quitté le hall et dans la rue croisait les piétons, pressés ou distraits. Il crut l’avoir perdue mais repéra son chapeau disparaissant à l’angle de la rue Danton. A quatre heures le soleil partait et un air frisquet et stimulant lui rafraîchit l’esprit. Sur les talons de l’apparition il s’entendit soliloquer. -Quel imbécile! Tu agis comme un adolescent ne le ferait même pas.Cesse ce manège tout de suite,tu vas manquer Les Tueurs et ça c’est plus grave que d’avoir gâché les trois quarts de la Comtesse aux pieds nus. Pense à la communication dont tu t’es chargé pour le week-end des amis du thriller. Ils t’attendent.
Elle était entrée à la brasserie de l’Odéon. Alors ses résolutions filèrent et il l’observa un instant, la détaillant depuis le boulevard.-Grotesque.Prenant conscience du ridicule il poussa lui aussi la porte de l’établissement. Un garçon fatigué marmonna bonjour. Jérôme s’assit non loin d’elle pendant que le serveur, d’un regain d’énergie, essuyait la table et enregistrait mentalement un panaché.
Une chope et un ensemble thé citron, après vingt secondes de vie commune rejoignirent leurs amateurs respectifs. Jérôme, sonné, ne pouvait s’empêcher de regarder sous cape la mystérieuse cliente. Comment était-ce possible? Une telle énergie émanait de la belle, quelque chose semblait se répandre en un halo surréaliste dans le café. Le plus curieux est qu’il était le seul à vivre cet instant idéal et troublant. Ce trouble, cette qualité tellement cinématographique, ne toucherait donc que lui. Il se posa même la question “N’ai-je pas traversé l’écran? C’est le syndrome de la Rose pourpre du Caire, ce délice de Woody Allen où le jeune premier vient prendre la petite serveuse dans ses bras. La petite serveuse,c’st Mia Farrow quand même.”
Il allait l’aborder, Ava elle-même, sans aucun doute. Oui,il allait l’aborder, superbe, c’était écrit, comme dans les plus beaux scénarios. Sortant à peine de ce coma Jérôme héla le serveur et paya bien vite. Pas assez vite pourtant. Pris au dépourvu il abandonna ses cent francs, royalement, comme dans un polar pressé car il venait d’apercevoir la chaise vide. Brutale comme la foudre elle venait de disparaître.Mais non,tout allait bien,s’étant rué dehors il la vit marcher devant lui, parmi d’autres. Comme si elle l’avait enfin remarqué elle se retourna et ses yeux...Jérôme crut perdre l’équilibre.
Aimanté, il l’escorta à distance une dizaine de minutes. Il avait abdiqué toute velléité de réalisme et nageait à présent en une sorte de fascination non dénuée de crainte. S’y mêlait un parfum de mystère, de ceux qu’on ne connaît qu’à l’adolescence. Rue Soufflot, sur le point de la rejoindre il fut surpris de la voir entrer vivement dans un immeuble cossu. Elle prit à peine le temps de se retourner et s’engouffra dans la cage d’escalier. Immédiatement il l’entendit sonner et être accueillie dans un appartement du premier. De l’entresol resté ouvert il pouvait percevoir des bribes de conversation et une voix de femme plutôt virile: ”Enfin, Ava, vous voilà.Vous êtes l’avant-dernière. Le casting est complet. Nous allons parler chiffres. Ils sont médiocres.Vousn’êtes pas des call-girls ordinaires.Vos gains ne doivent pas l’être non plus”.
L’amoureux de la Comtesse aux pieds nus n’en apprit pas davantage. Marilyn Monroe montait les marches, pressée et inquiète, vêtue, du moins crut-il le déceler de la robe qui froufroutait dans Sept ans de réflexion. L’amoureux de la Comtesse, ahuri et un peu dégrisé se jeta dans le premier café. Deux Triple sec sur le comptoir en réclamèrent un troisième.Un peu chaud, montre en main, en ne traînant pas trop il avait encore le temps de voir Pandora et la légende du Hollandais Volant.Ava Gardner y était radieuse, troublante, irréelle,Ava Gardner...
Réflexions sur le temps qui passe(Oh Mary)
Oh Mary si tu savais
Tout le mal que ça me fait
Oh Mary j'avais quinze ans à peine
Ta blondeur,ta voix et tes amis
Je leur dois tant,Mary,oh Mary
Tu sembles souffrir,ma grande
Que sont devenues les fleurs
Et bien plus de 500 miles
Nous séparent jour et nuit
Souffle le vent comme dirait l'ami Bob
Et les collines,là-bas,par delà Frisco
Nous ont oubliés.
http://www.youtube.com/watch?v=BJXFJW3AIKA
http://www.youtube.com/watch?v=cLe9pJSRas0 (Quelques années,quelques fleurs,quelques miles plus tard)
Tribute to Peter Yarrow,Paul Stookey,and Mary Travers.Special thanks to Pete Seeger.All friends of mine.
Blues
Une nuit d’été chaude et collante
Dans un bar cafardeux entouré de perdus
Le dernier ami aura pris le dernier train
Et les femmes depuis longtemps
Rendu mon coeur désert
Ce soir-là je crois que j’écrirai mon livre.
Un vieux pianiste las aux yeux gonflés
D’une ballade presque oubliée
Déchirera mon âme
Les rayons du passé brûlants comme la mort
Me feront comme des cicatrices
C’est là que,la tête heurtant les murs
Je deviendrai poète.
Et d’avoir tant roulé par les banlieues
Suintant l’infâme et l’ordinaire
Où les furtives rencontres sans un regard
N’échangent que du feu,silhouettes fantômes
Sans le souffle de vie
Je serai fatigué et j’écrirai mon blues.
Les mots viendront simplement
Ca parlera de filles dans l’autocar
Qui nous quittent tous un jour
De chiens sous la pluie pleurant une caresse
De petits matins aigres,de mauvais cafés
Attisant les vieilles peines.
D’alcools solitaires et d’ivresses moroses
De compagnons d’un soir,fugitifs,réticents
Aux vaines confidences
Du mal d’aimer enfin,de la belle jeunesse
Des petites bassesses enfouies
De désaccords majeurs,d’une musique qui brise
Un coeur déjà fêlé
Ailleurs
Un peintre s’est perdu loin de ses canaux
Et de ses chapelles favorites
Il ne voit plus des arbres les rameaux
Et ses yeux loin de ses rites
Ont égaré sa lumière
Qu’est-il sans ses chers étangs
Sans les amicaux repères
Que sa tendre palette frôle comme un doux vent?
L’artiste erre espérant l’éclaircie
Qui lui rendrait sa flamme abandonnée
Mais la ville est si triste et noircie
Qu’il lui vient de sombres pensées
Loin de son royaume-couleur
La cécité le guette,cette peste
Assassine de l’orfèvre,du sculpteur.
Pourtant il va revivre et son geste
Déjà s’affirme,ses doigts s’affranchissent
Tendres habiles retrouvent les traits
D’une femme dont il ourle la cuisse
La nimbant d’or et de jais
De même à la pointe d’un cil il trace
De sa candeur,de sa noblesse
Le regard de l’aimée,sa grâce
Et l’amour qui tous deux les caresse.
Incunable
A mes amis blogueurs je voudrais dire que là on change de catégorie.Oubliez tout ce que j'ai pu lire, voir, écouter, écrire ou chroniquer ici même.Nous atteignons avec cette rareté littéraire des rivages insoupçonnés où le génie le dispute à la grâce.Ce pavé de 40 pages est un recueil de poésies d'une telle qualité que Baudelaire est renvoyé à ses traductions d'Edgar Poe,Rimbaud à la pêche en Meuse,et Verlaine à sa chère fée verte.Même mon cher Nerval se serait pendu Rue de la Vieille Poterne parce que,féru de fantastamagorie et d'occultisme,il aurait eu la primeur du Spectateur triste et n'aurait pu supporter de n'avoir écrit que Les filles du feu,Chimères,Aurélia et autres billevesées.
Ce livre à nul autre semblable nous emmène sur les rives du Septième Art en évitant les écueils de la banalité et les brisants du cliché.Une oeuvre dantesque que l'on ne risque pas d'oublier tant la richesse en est multiple.Composée d'au moins... quatorze ou peut-être même quinze odes au rêve,à la beauté et à la nostalgie cette perle méconnue est ce que j'ai lu de plus mémorable et j'aimerais contribuer modestement à faire connaître un si grand écrivain.
Bien sûr toute médaille a son revers et vous vous doutez que ce panthéon n'est par sa rareté incandescente pas accessible à tous.Les quelques exemplaires subsistant se négocient aux environs de 1250 euros bien que l'auteur ait,sous toutes réserves,déclaré préférer être payé en dollars de Brunéi. Excentricité d'un génie certainement, caprice de celui qui fut un jeune auteur ignoré.A propos que sait on de cet écrivain?Peu de choses en vérité.Discret comme J.D.Salinger on pense qu'il vouerait un culte à un acteur américain tabacomane et alcoolique ayant notamment interprété deux célèbres privés.Mais peut-être tout cela n'est-il que pures supputations et rumeurs infondées.Il semble cependant acquis qu'il n'est plus très jeune,mais toujours ignoré et qu'on n'est pas forcé d'être sûr qu'il entre dans la catégorie des auteurs.
Vous ayant probablement mis l'eau(ou le gin)à la bouche je vous engage à rogner sur vos achats de livres, disques, etc... pour être en mesure de vous procurer cet incunable. Le capital étant énorme je peux essayer,ayant une idée du personnage,de vous faire parvenir ce superbe ouvrage,futur fleuron de votre bibliothèque,pour la modique somme de ... trois timbres-poste ordinaires.Il vous suffit de m'écrire un courriel et de me donner votre adresse.L'illustre et cher Maître acceptera éventuellement de les dédicacer.Je crois qu'il a un peu d'humour.
La goutte d'eau
La goutte d'eau
Il a plu sur les pentes du Velay
De l’ondée ou des trombes une perle isolée
Dégringolant du ciel,clair joyau
Verticale et bénie
Devient gouttelette promise à l’homme
Pour son mieux-être
La tendre goutte d’eau au seuil de l’horizon
Semble hésiter certes peu de temps
Mais j’aime son indécision
J’ai goût à m’en bercer car mon coeur
A pu quelquefois ressembler
A ce hasard humide,à ce roseau balançant
Au gré des moindres brises.
La goutte d’eau vacille
Le sol ouvre les bras et la petite dame
Va-t-elle au sud-est choisir de cheminer
En Rhône et chanter les gitans
L’accent qui traîne et le delta
Puis se conduire esquif en Méditerranée
En ce milieu du monde
Pour y rejoindre les ports antiques
Le sillage d’Ulysse
Le Phare des Sanguinaires
Vaillante elle trace,sirène
L’abordage barbaresque,les princes siciliens
Elle devient Vieux Monde
Et se nimbe de notre histoire
D’île en île,des verres vénitiens
Jusques Alexandrie.
A moins que,caprice de femme
Elle n’en vienne à choisir l’autre versant
Mon Occident
Elle jardine,Renaissance en Val de Loire
Une corne de brume attise sa fringale
Des envies de Cap Horn ou de conquistadors
Brigantines ou misaines
Le noir parfum s’exhalant des steamers
L’accompagne,oiseau du grand ouest
Vers ces pays que l’on a dit nouveaux
De Nouvelle France ou Orleans
La goutte d’eau choisit-elle
D’être océane ou phénicienne?
Partage des eaux..
Comme elle,dis-moi
Qu’as-tu fait de ton talent?
Et vogue le navire
Et vogue le navire
J'avais un ami par delà les Alpes
Il aimait,jeune à dessiner
Déjà sur les plages adriatiques
Il crayonnait,il savourait les dames plantureuses
Et les enfants courant après un ballon
Federico
Il aurait dû être lui aussi
Enfant de la balle
Il a fait de sa vie un cirque,trublion poétique
Y avait un sombre hercule sur la place
Y avait un funambule qui riait toujours
On l'appelait "il Matto"
Une pauvrette de la campagne
Federico aima Gelsomina
Leur chemin comme tous les chemins
Les mena jusqu'à Rome
Alors mon ami Federico plus jamais ne cessa
De célébrer son Italie comme la Cité des Femmes
Et la louve allaitant les jumeaux
Déjà Mamma Roma.
Marcello c'était son ami,presque un alter ego
Marcello...vous l'avez aimé
Nous l'avons tant aimé
Séducteur latin,errant et témoignant
Fêtard dans la nuit des vasques romaines
La douceur de vivre,ces années loin pourtant
Et la monnaie dans la fontaine de Trévi
L'ami de Rimini aimait le peuple
Intronisé bouffon et puis salué roi
Il avait su donner voix à la lune
Et Ginger et Fred,vieillissants
Pathétiques et heureux
Amarcord,j'aime à revoir
Ce navire surréaliste
Et le rhinocéros surnageant
Dans son monde à lui les histrions
Les clowns blancs et les filles au trapèze
Lanterne magique
Savaient narguer les puissants
Federico si noble et populaire
Et son Casanova grandiose de dérision
Aux amours bercées d'oiseaux mécaniques
Glacé comme une putain vénitienne
Joues d'albâtre des vieilles emperlées
La lagune visqueuse,moisie
Italianissima
Successeur des Césars,le vieux gamin joueur
Prince de Cinécitta
A voyagé toute sa péninsule
Des studios de télé jusques au Colisée
Des défilés à la mode vaticane
A la mode courtisane
Rêves de pellicule
Sentant la sciure du cirque
Et scandés de trompette ou de piano bastringue
Ciao Maestro
Et tous tes saltimbanques
A toi je voue ces quelques lignes
Par delà les décors quand le faux
Nous illusionne,mon bon marchand d'étoiles
"Ti amo Gelsomina"
La cruauté
La cruauté
Comme c’est simple une affiche
Un enfant loin au Cambodge
Au Liberia,un champ de mines
La cruauté c’est quand un gosse
Ne bondit plus qu’avec les yeux
La cruauté c’est un jardin,son monument
Dans un village,le vôtre
Quelques dizaines de noms
Parfois le même plusieurs fois
C’est Verdun et c’est l’oubli
La cruauté parfois il y a longtemps
La cruauté c’est ce poète
Au froid de sa mansarde,oiseau d’hiver
Qui a compris qu’il ne serait
Ni Baudelaire ni Nerval
Et dont le sang s’épuise
C’est Vincent dans sa déraison
Qui dans ce champ d’Ile de France
Cesse enfin d’être l’incompris
Le fusil dans les tournesols
La cruauté c’est ce banc public
Et cette vieille que les pigeons
Entourent seuls au février des villes
La cruauté c’est quand l’alcool tient lieu de frère
Et qu’il n’y a plus de fils aimant
Enfant flétrie,au corps objet
Que l’indicible a rendue mutique
La cruauté parfois est à la porte
Les silences des années tendres
Amnésiées,comme presque mortes
La cruauté c’est ce courrier
Ce messager qui nous confirme
La cruauté c’est un appel
Peut-être à l’aube d’un dimanche
D’une jeunesse aux fossés
La cruauté vit dans les camps
Qui se jouent de géographie
On meurt en tous points cardinaux
Et partout l’homme se découvre
La cruauté est sibérienne ou andine
La cruauté parfois peut être mienne
La cruauté c’est tout petit
Quand tes pas dans le soir s’éloignent
La nuit encore qui nous échappe
La cruauté c’est toi et moi
A l’âpre instant des séparés
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