12 novembre 2015

La poésie du jeudi, Edualc Eeguab

 Poésie du jeudi

                                   Ces deux textes ont été écrits il y a plus de dix ans. Je vous les livre avec ma présentation de l'époque. A ce jour je crois qu'ils sont encore cinq. Je pense souvent à eux peut-être parce que je suis d'un pays de cimetières tout blancs et tout propres entre Somme et Chemin des Dames.Je n'ai pas envie d'en dire plus mais j'ai écrit ces quelques lignes pour eux.

Autour de Péronne

Notre pays n’est à l’honneur

Que lorsque novembre pointe sa douleur

Notre pays n’est guère

Qu’anniversaire des pleurs d’une mère.

La plaine est ainsi constellée

De ces rectilignes faisceaux

Portant croix blanches immaculées

Enserrées sous bien des drapeaux

J’aime à saluer ces lointains amis

Ces cousins si proches à la fois

Couchés sur ce plateau picard

Presque ignoré.

Ce siècle avait quinze ans

Les quatre cavaliers allaient emporter

Dans ce délirium funeste

Les illusions de ces pauvres humains

Mon pays fut l’un des théâtres

De cette fin d’un monde

Nos monuments sur ces terres ingrates

Ne sont qu’alignements

Souvent d’un blanc si propre

Comme pour éloigner les souillures

La boue sans patrie de ces collines,de ces halliers

Les villages fantômes

Veillent sur ces milliers d’hommes

Reconnus ou devinés.

Ici les noms ne sont pas tous de chez nous

Mais ma liberté et la tienne

Toi ma si chère amie

Souvenons-nous

Qu’elles leur doivent la vie,clairement

A Williamson l’Australien

Et Babacar de Casamance

La chapelle bleue du souvenir

Demeure,modeste repli de longue mémoire.

Ils n’avaient que vingt ans,sans bien comprendre

Que la terre de Somme,froide et calme

Serait leur linceul

Sans même un griot

Ou sans revoir leur cher Pacifique

Insondable folie des hommes

Qui devait arracher si loin

A leur soleil,à leurs forêts profondes

Ces garçons morts aux bourgeons

Sans même être exemplaires.

Rage.

Dieu,comme tu sais faire mal aux hommes!

 

Le poilu

Si là-bas sur le plateau assassin des Dames

Ailleurs en Picardie,n’importe où

En un quelconque Orient

Mais surtout dans la forêt

De ma pâle jeunesse,de mes vingt ans fougueux

A la naissance meurtrière et verte

D’une clairière pourtant vouée à aimer

Comme la nôtre...

Si la-bas et en ce temps j’avais écrit

Ces simples et si belles paroles

D’une vie qui s’exhale à son aube rougie

Aurais-je dépeint les arbres automnaux

Sous les mitrailles de l’enfer

Ou la boue des inhumains

Au coeur de la nature jadis hospitalière?

Aurais-je su,même maladroit évoquer l’indicible

Et traquer ces secondes comme des heures

Afin que ma mémoire dépose

Témoin dérisoire et magnifique

Brodant de tardives arabesques au seuil du néant?

Oui ce me semble j’aurais trouvé

Pour toi les mots des lettres les plus forts

 Et les ayant sculptés je t’aurais donné

La meilleure part de moi,le souffle de ma vie

Et tu aurais aimé,c’est sûr

Chaque lettre de chaque mot

Arrachée au destin rapace et délirant

J’aurais été ton poème entr’ouvert sur la nuit

Le sort aurait peut-être adouci ma misère

En laissant à ma main une ombre de talent

Pour que je te pénètre à t’en désespérer

Au reste de tes jours et je serais mort prince

Heureux de ta rencontre.

Pour toujours enfin je serais rimbaldien

Aux semelles légères à courir avec toi

A Florence et Venise

Aux dunes et aux ergs de Mauritanie.

Ces orages d’acier m’auraient condamné

A rester cet ardent cavalier

Frère des troubadours

Ami des guitaristes et jongleur de mots

Toi,tu aurais aimé,tu aurais gardé

Bien longtemps,bien toujours

Superbe actrice,ces monologues

 Enfin j’aurais été l’auteur

Des verbes de réalité

Que ta bouche meurtrie aurait incantés

De tes multiples profondeurs

Celles que je connaissais bien avant

Que de rejoindre le bataillon des perdus.

Et sur ces crêtes qui t’impressionnent

J’aurais laissé parmi tant d’autres

L’empreinte de mes doigts crispés

Sur ces rocs comme sur ton corps

Sous l’infini silence des oiseaux

Oui,Amour,tu aurais aimé

Quand après mon départ

Une vie aurait doucement pris son vol

Dans ton ventre habité.

Si j’avais été un soldat

Rebelle ou résigné,cela importe peu

Si j’étais tombé en ces lieux un peu tiens

Je sais que jamais je ne t’aurais déçue.

Posté par EEGUAB à 06:13 - - Commentaires [11] - Permalien [#]
Tags : , ,


06 septembre 2008

Je me souviens(emprunt à Georges Perec version Perock)

 

Sur une idée de Georges Perec remise à l'honneur par Cuné.Cela remonte à 18 mois mais exceptionnellement j'ai eu envie de proposer à nouveau ce petit billet,réveillé par un commentaire tout récent.Et puis pourquoi ne pas le dire,j'aime bien ces lignes qui n'ont rien d'original mais qui sont viscéralement si miennes,plus qu'aucun autre article...

Je me  souviens de la pochette vinyl d'Aftermath des Stones mon premier album de bachelier,mon premier album tout court.Mais de cela la Comtesse a déjà parlé.

Je me souviens de mon cahier-hit-parade,50 titres mensuels,où figura un jour The sounds of silence que j'attribuais à Simon et Edgar Funkel.

Je me souviens que quand Salut les copains a disparu des ondes,Pierre Lattes a voulu faire vivre Périphérik sur ces mêmes ondes,sans succès malgré l'indicatif de Chicago Transit Authority(reprise de I'm a man du Spencer Davis Group)

Je mesouviens qu'un titre sur deux nommait San Francisco:California dreaming,Let's go to San Francisco,San Franciscan nights,San Francisco.

Je me souviens que tous les groupes anglais tentaient l'aventure californienne un peu comme les cinéastes d'Allemagne et d'Europe Centrale quittaient l'Europe entre 33 et 40.

Je me souviens que ce n'était pas pour les mêmes causes.

Je me souviens qu'Alan Price avait quitté les Animals et que ça m'embêtait.

Je me souviens qu'en terminale la seule fille un peu rock n'est restée qu'une semaine en m'empruntant 3 super 45 tours.

Je me souviens d'avoir réussi à n'être ni étudiant ni travailleur pendant 5 mois ce qui m'a laissé le loisir d'acheter le premier A whiter shade of pale au moins 6 heures avant les copains.

Je me souviens d'un couple préhistorique chantant I got you babe.

Je me souviens d'avoir couru pour ne pas rater le dernier train après Hendrix à l'Olympia.

Je me souviens du Quartier Latin où passait Monterey Pop.

Je me souviens d'avoir inventé Got to take par les Bloo-Bloos pour coincer les frimeurs prétendant connaître le rock mieux que moi.Quelle insolence!

Je me souviens avoir cru un court moment à l'anticonformisme de la Côte Ouest avant de comprendre que si l'on est des millions à être anticonformistes...vous me suivez?

Je me souviens que se profilaient mes 20 ans et ça me faisait pleurer.Ca le fait toujours d'ailleurs.

Je me souviens des Monkees,groupe fabriqué déjà et,un comble,pas si mal.

Je me souviens des premières errances de Wim Wenders et d'une redécouverte de l'Allemagne avec Amon Düul et Kraftwerk.

Je me souviens de Suzanne et Leonard et je me souviens que vous êtes au courant pour Suzanne et moi.

Je me souviens que Martine aimait Bach mais pas Blood,Sweat and Tears.

Je me souviens avoir fredonné les Kinks en montant la garde.

Je me souviens de chansons sans intérêt mais délicieuses dont celle-ci à laquelle vous n'échapperez pas.

Allez!Clic! http://youtu.be/gxLAzuGtPpI

Je me souviens qu'avec des choses comme L.A.Woman ou In the court of the Crimson King cela devenait vraiment sérieux.

Je me souviens des Mods et des Rockers,des Who et des Small Faces,de Manfred Mann très bon et de ce groupe bubble-gum dont je crois toujours être le seul Français à pouvoir citer le nom par coeur(Dave Dee,Dozy,Beaky,Mick and Tich).

Je me souviens de Nino Ferrer qui chantait trois chansons en première partie d'Hugues Aufray.

Je me souviens d'avoir promis de ne pas ennuyer les plus jeunes avec le bon vieux temps.

Je ne me souviens pas d'avoir tenu une promesse quelconque.

Posté par EEGUAB à 15:45 - - Commentaires [8] - Permalien [#]
Tags : , , ,

20 septembre 2007

La Comtesse

       

    Le soleil plutôt discret égayait à peine les délicieuses petites artères proches de la fontaine Saint Michel, dans ce quartier latin qu’arpentaient encore quelques touristes en mal de pittoresque. Les librairies, nombreuses, goûtaient une pause relative juste avant l’assaut des hordes d’étudiants venus là pour changer le monde.  Le docteur Jérôme Di Drogo n’était plus à l’université depuis presque vingt ans mais flânait volontiers dans ces ruelles chargées d’histoire et aussi de ses petites histoires à lui,de ces souvenirs délicieux et amers qu’un homme aime, je crois, à trimballer là, dans un petit coin de tête. Rue Saint André desArts le vieux studio d’art et d’essai le trouva en avance de trente minutes sur son rendez-vous. Son épouse,pas complaisante pour autant, n’avait émis aucune objection à cette incartade et pourtant c’était bien une créature de rêve qui attendait le docteur cet après-midi. Et pas pour un très moyen cinq à sept, non, pour une très longue éclaircie obscure. En effet ce jour l’élue de son coeur n’était rien moins qu’Ava Gardner à laquelle le Studio Hautefeuille dédiait une rétrospective et trois films dans la foulée. Mme. Di Drogo connaissait la cinéphilie pathologique, voire obsessionnelle de son mari:un mardi sur deux il délaissait son cabinet chargé pour sacrifier au culte d’Hollywood et de quelques icônes précieuses du Septième Art. Savez-vous que les cinéphiles constituent une secte, dangereuse pour celui qui s’est trouvé coincé lors d’un dîner entre un fanatique des premiers Bergman, d’un noir et blanc dépressif et un aficionado de la mythologie de l’Ouest dans les westerns de John Ford(période intermédiaire).

    A la première pluie, démuni d’imperméable et rageant d’avoir oublié son trenchcoat tout neuf, copie de celui d’Humphrey Bogart dans le Faucon Maltais, il gagna le lieu de perdition et attendit dans le hall en admirant les photos sur les murs fatigués. Il avait perdu depuis peu l’habitude de les voler mais les regardait toujours langoureusement. Un quart d’heure encore, assez pour s’imbiber de l’ambiance années cinquante indispensable à une parfaite évaluation des éléments baroques du film noir américain.

    Trois perles de l’histoire du cinéma étaient proposées à sa boulimie: Les Tueurs, Pandora et la Comtesse aux pieds nus. Il salua gentiment la caissière qui le connaissait bien et lui délivra sourire et tickets, passeports pour la félicité. Jubilant à l’idée de revoir la beauté d’Ava Gardner, il n’eut aucune attention pour la jeune femme parvenue au guichet peu après. Le dernier écran de pub venait de vanter les mérites d’une célèbre bière danoise et déjà le jour revenait dans la salle un peu désuète mais si charmante,tapissée d’affiches classiques, Citizen Kane, Le Dictateur, La Règle du Jeu. Fidèle de cette chapelle il reconnut une poignée de cinémanes sacrifiant aussi au rite de la Comtesse: un signe muet qui n’était pas sans rappeler les messages ésotériques échangés par les premiers chrétiens dans les catacombes de la Rome impériale.

    Trois minutes à peine avant les retrouvailles avec la star et le choc: Jérôme ne vacilla pas, ancré aux bras du fauteuil et pourtant deux rangées devant lui,alors que les projecteurs de la Fox balayaient l’écran, était assise Ava Gardner. Sidéré, il allait passer une après-midi catastrophique au moins sur le plan cinéphilique: il ne put savourer les finesses du scénario de la Comtesse. Il avait déjà vu le film six fois.Mais en lui quelque chose chavirait.Embué son esprit peina à sortir des limbes où l’avait noyé la vision de grâce,mais d’une grâce un peu démoniaque. Enfin comme après un dîner-débat trop chargé son cerveau accepta de décliner un regain d’activité.-Pétrifiant, une telle ressemblance est proprement fantastique,songea-t-il. Mais je rêve,c’est impossible,et puis personne ne se retourne,je suis le seul à l’avoir reconnue. Qu’est-ce que je dis? Non,pas reconnue, je ne l’ai pas reconnue, non, j’ai seulement remarqué une femme qui me rappelle un peu Ava Gardner, pas mal même. En fait elle est loin d’avoir la même allure, elle est élégante, sans plus; une coquette qui affectionne le rétro. Enfantillages, je vais trop au cinéma. Résolu il s’immisça dans l’écheveau complexe des amants de la belle danseuse espagnole, cette si belle comtesse venue de la rue. La femme éternelle, celle que tout homme craint et espère et qui inonde d'un malheur fou producteur, matador ou aristocrate. Maria Vargas, imprévue quoique vue et revue,ferait toujours fantasmer le spectateur, un peu triste,un peu naïf.

    Très vite cependant il abandonna la vraie pour la fausse ou était-ce le contraire?La présence l’envahit à nouveau et se révéla coriace et délicieuse, tortueuse à son esprit. -Ce chapeau , elle avait le même dans Show Boat, j’en jurerais. Show Boat,1949ou 51-Maintenant il la distinguait un peu mieux dans le subtil halo de la sallle obscure. Son image en devenait presque irréelle, princière, infernale peut-être, ce mouvement de tête, imperceptible, ces épaules caressées du regard,ce...Jérôme se surprit voyeur, à rêver plus qu’à scruter les chaussures de l’apparition, éveillant un sentiment plus fort encore qu’il jugea mystique, comme l’amour du Prince Tasso pour l’aventurière andalouse. Moins mystiques: les cervicalgies de ses vertèbres enflammées à force de rotations excessives vers ce damné fauteuil. Ava était légèrement de côté et le regardait,ses jambes croisées évoquaient la scène de Marchands d’Illusions, une rareté qu’il n’avait jamais vue dont il conservait pieusement deux clichés dans un vieux Mon Film.

    Sur la toile le drame allait se nouer et Maria Vargas ne vivrait pas longtemps.Fasciné par le personnage bien réel surgi dans sa vie comme d’un fondu au noir, Jérôme craignit que The end ne sonne aussi le glas de cet étonnement; aussi se sentait-il plutôt inquiet et pris de panique quand défila rapidement le casting finaL.

     Il ne se leva pas de peur de rompre le charme. Il n’eut guère le loisir pourtant de se remettre. Déjà la jeune femme quittait son siège. A sa hauteur elle l’avait regardé,un regard très court et décidé, feu et glace, qui l’avait figé et aussitôt remis en selle sur les pas d’Ava Maria Pandora. Elle avait à présent quitté le hall et dans la rue croisait les piétons, pressés ou distraits. Il crut l’avoir perdue mais repéra son chapeau disparaissant à l’angle de la rue Danton. A quatre heures le soleil partait et un air frisquet et stimulant lui rafraîchit l’esprit. Sur les talons de l’apparition il s’entendit soliloquer. -Quel imbécile! Tu agis comme un adolescent ne le ferait même pas.Cesse ce manège tout de suite,tu vas manquer Les Tueurs et ça c’est plus grave que d’avoir gâché les trois quarts de la Comtesse aux pieds nus. Pense à la communication dont tu t’es chargé pour le week-end des amis du thriller. Ils t’attendent.

       Elle était entrée à la brasserie de l’Odéon. Alors ses résolutions filèrent et il l’observa un instant, la détaillant depuis le boulevard.-Grotesque.Prenant conscience du ridicule il poussa lui aussi la porte de l’établissement. Un garçon fatigué marmonna bonjour. Jérôme s’assit non loin d’elle pendant que le serveur, d’un regain d’énergie, essuyait la table et enregistrait mentalement un panaché.

      Une chope et un ensemble thé citron, après vingt secondes de vie commune rejoignirent leurs amateurs respectifs. Jérôme, sonné, ne pouvait s’empêcher de regarder sous cape la mystérieuse cliente. Comment était-ce possible? Une telle énergie émanait de la belle, quelque chose semblait se répandre en un halo surréaliste dans le café. Le plus curieux est qu’il était le seul à vivre cet instant idéal et troublant. Ce trouble, cette qualité tellement cinématographique, ne toucherait donc que lui. Il se posa même la question “N’ai-je pas traversé l’écran? C’est le syndrome de la Rose pourpre du Caire, ce délice de Woody Allen où le jeune premier vient prendre la petite serveuse dans ses bras. La petite serveuse,c’st Mia Farrow quand même.”

    Il allait l’aborder, Ava elle-même, sans aucun doute. Oui,il allait l’aborder, superbe, c’était écrit, comme dans les plus beaux scénarios. Sortant à peine de ce coma Jérôme héla le serveur et paya bien vite. Pas assez vite pourtant. Pris au dépourvu il abandonna ses cent francs, royalement, comme dans un polar pressé car il venait d’apercevoir la chaise vide. Brutale comme la foudre elle venait de disparaître.Mais non,tout allait bien,s’étant rué dehors il la vit marcher devant lui, parmi d’autres. Comme si elle l’avait enfin remarqué elle se retourna et ses yeux...Jérôme crut perdre l’équilibre.

     Aimanté, il l’escorta à distance une dizaine de minutes. Il avait abdiqué toute velléité de réalisme et nageait à présent en une sorte de fascination non dénuée de crainte. S’y mêlait un parfum de mystère, de ceux qu’on ne connaît qu’à l’adolescence. Rue Soufflot, sur le point de la rejoindre il fut surpris de la voir entrer vivement dans un immeuble cossu. Elle prit à peine le temps de se retourner et s’engouffra dans la cage d’escalier. Immédiatement il l’entendit sonner et être accueillie dans un appartement du premier. De l’entresol resté ouvert il pouvait percevoir des bribes de conversation et une voix de femme plutôt virile: ”Enfin, Ava, vous voilà.Vous êtes l’avant-dernière. Le casting est complet. Nous allons parler chiffres. Ils sont médiocres.Vousn’êtes pas des call-girls ordinaires.Vos gains ne doivent pas l’être non plus”.

    L’amoureux de la Comtesse aux pieds nus n’en apprit pas davantage. Marilyn Monroe montait les marches, pressée et inquiète, vêtue, du moins crut-il le déceler de la robe qui froufroutait dans Sept ans de réflexion. L’amoureux de la Comtesse, ahuri et un peu dégrisé se jeta dans le premier café. Deux Triple sec sur le comptoir en réclamèrent un troisième.Un peu chaud, montre en main, en ne traînant pas trop il avait encore le temps de voir Pandora et la légende du Hollandais Volant.Ava Gardner y était radieuse, troublante, irréelle,Ava Gardner...

Posté par EEGUAB à 22:46 - - Commentaires [12] - Permalien [#]
Tags : ,

15 août 2007

Réflexions sur le temps qui passe(Oh Mary)

Oh Mary si tu savais

Tout le mal que ça me fait

Oh Mary j'avais quinze ans à peine

Ta blondeur,ta voix et tes amis

Je leur dois tant,Mary,oh Mary

Tu sembles souffrir,ma grande

Que sont devenues les fleurs

Et bien plus de 500 miles

Nous séparent jour et nuit

Souffle le vent comme dirait l'ami Bob

Et les collines,là-bas,par delà Frisco 

Nous ont oubliés.

http://www.youtube.com/watch?v=BJXFJW3AIKA

http://www.youtube.com/watch?v=cLe9pJSRas0   (Quelques années,quelques fleurs,quelques miles plus tard)

    Tribute to Peter Yarrow,Paul Stookey,and Mary Travers.Special thanks to Pete Seeger.All friends of mine.

Posté par EEGUAB à 16:22 - - Commentaires [3] - Permalien [#]
Tags : ,

27 juin 2007

Blues

 jOHNSON

Une nuit d’été chaude et collante

Dans un bar cafardeux entouré de perdus

Le dernier ami aura pris le dernier train

Et les femmes depuis longtemps

Rendu mon coeur désert

Ce soir-là je crois que j’écrirai mon livre.

Un vieux pianiste las aux yeux gonflés

D’une ballade presque oubliée

Déchirera mon âme

Les rayons du passé brûlants comme la mort

Me feront comme des cicatrices

C’est là que,la tête heurtant les murs

Je deviendrai poète.

Et d’avoir tant roulé par les banlieues

Suintant l’infâme et l’ordinaire

Où les furtives rencontres sans un regard

N’échangent que du feu,silhouettes fantômes

Sans le souffle de vie

Je serai fatigué et j’écrirai mon blues.

Les mots viendront simplement

Ca parlera de filles dans l’autocar

Qui nous quittent tous un jour

De chiens sous la pluie pleurant une caresse

De petits matins aigres,de mauvais cafés

Attisant les vieilles peines.

D’alcools solitaires et d’ivresses moroses

De compagnons d’un soir,fugitifs,réticents

Aux vaines confidences 

Du mal d’aimer enfin,de la belle jeunesse

Des petites bassesses enfouies

De désaccords majeurs,d’une musique qui brise

Un coeur déjà fêlé

 

 

 

 

 

Posté par EEGUAB à 17:18 - - Commentaires [7] - Permalien [#]
Tags : , , ,


22 avril 2007

Ailleurs

Un peintre s’est perdu loin de ses canaux

Et de ses chapelles favorites

Il ne voit plus des arbres les rameaux

Et ses yeux loin de ses rites

Ont égaré sa lumière

Qu’est-il sans ses chers étangs

Sans les amicaux repères

Que sa tendre palette frôle comme un doux vent?

L’artiste erre espérant l’éclaircie

Qui lui rendrait sa flamme abandonnée

Mais la ville est si triste et noircie

Qu’il lui vient de sombres pensées

Loin de son royaume-couleur

La cécité le guette,cette peste

Assassine de l’orfèvre,du sculpteur.

Pourtant il va revivre et son geste

Déjà s’affirme,ses doigts s’affranchissent

Tendres habiles retrouvent les traits

D’une femme dont il ourle la cuisse

La nimbant d’or et de jais

De même à la pointe d’un cil il trace

De sa candeur,de sa noblesse

Le regard de l’aimée,sa grâce

Et l’amour qui tous deux les caresse.

Posté par EEGUAB à 10:04 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : ,

31 mars 2007

Incunable

    

    A mes amis blogueurs je voudrais dire que là on change de catégorie.Oubliez tout ce que j'ai pu lire, voir, écouter, écrire ou chroniquer ici même.Nous atteignons avec cette rareté littéraire des rivages insoupçonnés où le génie le dispute à la grâce.Ce pavé de 40 pages est un recueil de poésies d'une telle qualité que Baudelaire est renvoyé à ses traductions d'Edgar Poe,Rimbaud à la pêche en Meuse,et Verlaine à sa chère fée verte.Même mon cher Nerval se serait pendu Rue de la Vieille Poterne parce que,féru de fantastamagorie et d'occultisme,il aurait eu la primeur du Spectateur triste et n'aurait pu supporter de n'avoir écrit que Les filles du feu,Chimères,Aurélia et autres billevesées.

   Ce livre à nul autre semblable nous emmène sur les rives du Septième Art en évitant les écueils de la banalité et les brisants du cliché.Une oeuvre dantesque que l'on ne risque pas d'oublier tant la richesse en est multiple.Composée d'au moins... quatorze ou peut-être même quinze odes au rêve,à la beauté et à la nostalgie cette perle méconnue est ce que j'ai lu de plus mémorable et j'aimerais contribuer modestement à faire connaître un si grand écrivain.

   Bien sûr toute médaille a son revers et vous vous doutez que ce panthéon n'est par sa rareté incandescente pas accessible à tous.Les quelques exemplaires subsistant se négocient aux environs de 1250 euros bien que l'auteur ait,sous toutes réserves,déclaré préférer être payé en dollars de Brunéi. Excentricité d'un génie certainement, caprice de celui qui fut un jeune auteur ignoré.A propos que sait on de cet écrivain?Peu de choses en vérité.Discret comme J.D.Salinger on pense qu'il vouerait un culte à un acteur américain tabacomane et alcoolique ayant notamment interprété deux célèbres privés.Mais peut-être tout cela n'est-il que pures supputations et rumeurs infondées.Il semble cependant acquis qu'il n'est plus très jeune,mais toujours ignoré et qu'on n'est pas forcé d'être sûr qu'il entre dans la catégorie des auteurs.

   Vous ayant probablement mis l'eau(ou le gin)à la bouche je vous engage à rogner sur vos achats de livres, disques, etc... pour être en mesure de vous procurer cet incunable. Le capital étant énorme je peux essayer,ayant une idée du personnage,de vous faire parvenir ce superbe ouvrage,futur fleuron de votre bibliothèque,pour la modique somme de ... trois timbres-poste  ordinaires.Il vous suffit de m'écrire un courriel et de me donner votre adresse.L'illustre et cher Maître acceptera éventuellement de les dédicacer.Je crois qu'il a un peu d'humour.

Posté par EEGUAB à 17:33 - - Commentaires [5] - Permalien [#]
Tags : ,

27 janvier 2007

La goutte d'eau

La goutte d'eau

 

Il a plu sur les pentes du Velay

De l’ondée ou des trombes une perle isolée

Dégringolant du ciel,clair joyau

Verticale et bénie

Devient gouttelette promise à l’homme

Pour son mieux-être

La tendre goutte d’eau au seuil de l’horizon

Semble hésiter certes peu de temps

Mais j’aime son indécision

J’ai goût à m’en bercer car mon coeur

A pu quelquefois ressembler

A ce hasard humide,à ce roseau balançant

Au gré des moindres brises.

La goutte d’eau vacille

Le sol ouvre les bras et la petite dame

Va-t-elle au sud-est choisir de cheminer

En Rhône et chanter les gitans

L’accent qui traîne et le delta

Puis se conduire esquif en Méditerranée

En ce milieu du monde

Pour y rejoindre les ports antiques

Le sillage d’Ulysse

Le Phare des Sanguinaires

Vaillante elle trace,sirène

L’abordage barbaresque,les princes siciliens

Elle devient Vieux Monde

Et se nimbe de notre histoire

D’île en île,des verres vénitiens

Jusques Alexandrie.

A moins que,caprice de femme

Elle n’en vienne à choisir l’autre versant

Mon Occident

Elle jardine,Renaissance en Val de Loire

Une corne de brume attise sa fringale

Des envies de Cap Horn ou de conquistadors

Brigantines ou misaines

Le noir parfum s’exhalant des steamers

L’accompagne,oiseau du grand ouest

Vers ces pays que l’on a dit nouveaux

De Nouvelle France ou Orleans

La goutte d’eau choisit-elle

D’être océane ou phénicienne?

Partage des eaux..

Comme elle,dis-moi

Qu’as-tu fait de ton talent?

 

 

Posté par EEGUAB à 17:53 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
Tags : ,

24 janvier 2007

Et vogue le navire

Et vogue le navire

 

J'avais un ami par delà les Alpes

Il aimait,jeune à dessiner

Déjà sur les plages adriatiques

Il crayonnait,il savourait les dames plantureuses

Et les enfants courant après un ballon

Federico

Il aurait dû être lui aussi

Enfant de la balle

Il a fait de sa vie un cirque,trublion poétique

Y avait un sombre hercule sur la place

Y avait un funambule qui riait toujours

On l'appelait "il Matto"

Une pauvrette de la campagne

Federico aima Gelsomina

Leur chemin comme tous les chemins

Les mena jusqu'à Rome

Alors mon ami Federico plus jamais ne cessa

De célébrer son Italie comme la Cité des Femmes

Et la louve allaitant les jumeaux

Déjà Mamma Roma.

Marcello c'était son ami,presque un alter ego

Marcello...vous l'avez aimé

Nous l'avons tant aimé

Séducteur latin,errant et témoignant

Fêtard dans la nuit des vasques romaines

La douceur de vivre,ces années loin pourtant

Et la monnaie dans la fontaine de Trévi

L'ami de Rimini aimait le peuple

Intronisé bouffon et puis salué roi

Il avait su donner voix à la lune

Et Ginger et Fred,vieillissants

Pathétiques et heureux

Amarcord,j'aime à revoir

Ce navire surréaliste

 

Et le rhinocéros surnageant

Dans son monde à lui les histrions

Les clowns blancs et les filles au trapèze

Lanterne magique

Savaient narguer les puissants

Federico si noble et populaire

Et son Casanova grandiose de dérision

Aux amours bercées d'oiseaux mécaniques

Glacé comme une putain vénitienne

Joues d'albâtre des vieilles emperlées

La lagune visqueuse,moisie

Italianissima

Successeur des Césars,le vieux gamin joueur

Prince de Cinécitta

A voyagé toute sa péninsule

Des studios de télé jusques au Colisée

Des défilés à la mode vaticane

A la mode courtisane

Rêves de pellicule

Sentant la sciure du cirque

Et scandés de trompette ou de piano bastringue

Ciao Maestro

Et tous tes saltimbanques

A toi je voue ces quelques lignes

Par delà les décors quand le faux

Nous illusionne,mon bon marchand d'étoiles

"Ti amo Gelsomina"

Posté par EEGUAB à 16:19 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : , ,

16 décembre 2006

La cruauté

La cruauté

 

Comme c’est simple une affiche

Un enfant loin au Cambodge

Au Liberia,un champ de mines

La cruauté c’est quand un gosse

Ne bondit plus qu’avec les yeux

La cruauté c’est un jardin,son monument

Dans un village,le vôtre

Quelques dizaines de noms

Parfois le même plusieurs fois

C’est Verdun et c’est l’oubli

La cruauté parfois il y a longtemps

La cruauté c’est ce poète

Au froid de sa mansarde,oiseau d’hiver

Qui a compris qu’il ne serait

Ni Baudelaire ni Nerval

Et dont le sang s’épuise

C’est Vincent dans sa déraison

Qui dans ce champ d’Ile de France

Cesse enfin d’être l’incompris

Le fusil dans les tournesols

La cruauté c’est ce banc public

Et cette vieille que les pigeons

Entourent seuls au février des villes

La cruauté c’est quand l’alcool tient lieu de frère

Et qu’il n’y a plus de fils aimant

Enfant flétrie,au corps objet

Que l’indicible a rendue mutique

La cruauté parfois est à la porte

Les silences des années tendres

Amnésiées,comme presque mortes

La cruauté c’est ce courrier

Ce messager qui nous confirme

La cruauté c’est un appel

Peut-être à l’aube d’un dimanche

D’une jeunesse aux fossés

La cruauté vit dans les camps

Qui se jouent de géographie

On meurt en tous points cardinaux

Et partout l’homme se découvre

La cruauté est sibérienne ou andine

La cruauté parfois peut être mienne

La cruauté c’est tout petit

Quand tes pas dans le soir s’éloignent

La nuit encore qui nous échappe

La cruauté c’est toi et moi

A l’âpre instant des séparés

 .

Posté par EEGUAB à 15:53 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : ,