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BLOGART(LA COMTESSE)

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8 mai 2017

L'Ecrivraquier/11/Barricades

L'Ecrivraquier

Rond-point de l'oubli

Certains n'iront pas plus loin

Ici, là, partout

Gavroche un héros

C'est bien la faute à Hugo

Dansez, barricades!

La nuit finissante

Seuls les chiens très affamés

Ont semblé survivre

                                  Il y a comme un romanesque des barricades. C'est si exaltant, les barricades et c'est assez simple somme toute. Seuls les bons dressent des barricades selon les uns. Selon d'autres la canaille entière éventre les rues. C'est pas compliqué. Moi, je n'aime que celles, brisées, de Procol Harum (album éponyme) et celles du ciel de Jackson Browne ( album éponyme, une chanson superbe qui raconte la belle aventure d'un groupe rock). Peu de choses au monde me remuent comme ce dernier thème.

 

 

 

 

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6 mai 2017

A propos d'un balayeur des rues

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                                Cette fois ma chère  Val et moi nous sommes attelés aux 768 pages (en 10-18) de La mémoire est une chienne indocile, traduction littérale de The street sweeper, ahurissant n'est-il pas, de l'Australien Elliot Perlman. C'est une opération qui, en ce qui me concerne, a pris du temps. C'est un roman qui revient sur la Shoah, mais par des voies multiples qui égareraient presque le lecteur. Pourtant ce livre ne manque pas de grandeur pour peu que l'on s'attache avec soin aux différentes approches de l'horreur, de sa mémoire et de son enseignement. N'ayant pas lu Les bienveillantes de Jonathan Littell je ne peux comparer mais Elliot Perlman va très loin dans son analyse précise et quotidienne des camps. Parfois la sinistre comptabilité d'Auschwitz est insoutenable à la simple lecture et ce livre est vraiment très éprouvant. On mesure le travail de documentation qu'a dû effectuer l'auteur.

                              Mais la solution finale n'est qu'une des dimensions de cette oeuvre, fleuve et phare. Lamont Williams, balayeur des rues, est un modeste Afro-américain en probation post-prison qui recueille à l'hôpital les souvenirs d'un vieillard en phase terminale. Henryk Mandelbrot est un survivant d'Auschwitz. Par ailleurs, Adam Zignelik, professeur d'histoire, lui-même juif, exhume les premiers témoignages sonores de rescapés de l'Holocauste. Mais La mémoire... brasse bien d'autres thèmes et tisse une toile assez prodigieuse, laquelle enserre le lecteur et lui donne furieusement envie d'en savoir plus malgré la complexité parfois technique du texte. Notamment les pages sur la question, qu'Adam étudie aussi de très près, de la présence des noirs américains lors de la libération des camps. On connait la récurrence et le trouble de cette interrogation dans (une partie de) la société américaine.

                            Allant et venant sur les décennies, comme toute mémoire, The street sweeper photographie aussi l'Amérique de notre instant, difficulté de réinsertion de Lamont, racisme ordinaire, quelques beaux moments aussi sur le très grand âge quand Adam visite de très rares survivants dans une maison de retraite de Melbourne (les fameuses boîtes à mémoire, Hannah qui réclame de l'eau comme en douce, encore un peu à Auschwitz), rigidité de systèmes éducatifs, Adam mis en cause en tant qu'enseignant, tyrannie des publications. Et une foule d'autres choses sur le mal vivre de tous ces personnages, nombreux à traverser le siècle, certains très peu de temps, vivants, morts, conscients ou non. Ils sont juifs, ils sont noirs, d'ici ou d'ailleurs, leurs grands-parents, leurs ancêtres ont vécu l'horreur. Nul n'en est indemne. 

                         La mémoire est une chienne indocile. Elle ne se laisse ni convoquer ni révoquer,  mais ne peut survivre sans vous. Elle vous nourrit comme elle se repaît de vous. Elle s'invite quand elle a faim, pas lorsque c'est vous l'affamé. Elle obéit à un calendrier qui n'appartient qu'à elle, dont vous ne savez rien. Elle peut s'emparer de vous, vous acculer ou vous libérer. Vous laisser à vos hurlements ou vous tirer un sourire.

                        On ne résume pas un tel livre. C'est le livre qui vous prend dès les premières lignes, dans le bus de Lamont, et ne vous lâche plus beaucoup. Le voyage est long, parfois compliqué, emprunte des méandres et bute sur des impasses. Et puis un jour, un beau jour finalement, un historien juif, une jeune oncologue, nommée Washington, et un modeste balayeur décident de se parler. C'est une lecture indispensable. Et j'ai eu tort de persifler sur le titre français.

P.S. Je dédie cette chronique à Karel Schoeman dont j'apprends à l'instant la disparition (samedi 6 mai, 19h). Ce Sud-africain était un écrivain fabuleux. D'ailleurs sa photo est depuis longtemps ici présente, en bas à droite, en tête de mes écrivains majeurs. Et ses romans ne sont pas sans rapport avec la mémoire ou le racisme. Ils sont en tout cas d'une profondeur...

                           

 

 

 

                  

2 mai 2017

Sept fois deux

                         Je reviens juste avec quelques mots sur ce septennat cinéma que je viens de terminer. Il s'agissait d'explorer, modestement, l'alchimie très particulière, parfois l'osmose, entre un cinéaste et son actrice de référence. 10h30 d'intervention avec quelques extraits de films ne se résument pas facilement. Alors, en quelques lignes et quelques photos, si vous le voulez bien, mon sentiment. Et mes remerciements au public, constitué de fidèles essentiellement qui me suivent depuis pas mal d'années.

Morocco

                         Marlene ne serait rien sans Josef von Sternberg mais les films de Sternberg sans Marlene sont en général à peu près sans intérêt. Délaissant un peu L'Ange Bleu j'ai privilégié le mélo des sables Morocco. C'était un temps déraisonnable où la légion était de mise. Pour les beaux yeux de Gary Cooper Dietrich jette ses chaussures et rejoint l'escouade sur le sable chaud. Elle prend une chèvre en laisse et avec quelques autochtones accompagne les hommes. Filmé à travers cette ogive mauresque, inoubliable. Le film fut distribué en France sous le titre Coeurs brûlés. Si ça vous fait pas fondre...

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                        Ensemble séparés, souvent notre lot. Toute l'incompréhension entre Ingrid Bergman et George Sanders dans le sublime Voyage en Italie. Corps calcinés de Pompéi, âmes en perdition divisées par quelques marches. Le scandale du cinéma mondial de l'après-guerre. Roberto Rossellini maître du Néoréalisme, catholique père de (bonne) famille et la star suédoise adoubée et adulée par Hollywood. Plus dure sera la chute.

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                      Tourmente et tourments dans le cinéma et dans la vie d'Ingmar Bergman et Liv Ullmann. Ici dans L'heure du loup. L'île de Farö réceptacle idéal des interrogations du maître. L'occasion pour moi, pas le meilleur connaisseur de Bergman, loin s'en faut, de me familiariser un peu avec son oeuvre unique, et d'en proposer à l'auditoire une approche accessible. J'avais un bel outil pour ça, le DVD du metteur en scène indien Dheeraj Akolkar, bouleversant document sur le couple, guidé par Liv elle-même.

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                   Dernier volet de la tétralogie existentielle que d'aucuns considèrent comme nihiliste et que je tiens pour essentielle, le moins connu, Le désert rouge où Monica Vitti, dans la banlieue industrialisée de Ravenne, dynamite le personnage de la femme italienne. A sa manière, au début des années soixante, Michelangelo Antonioni changeait l'Italie. Loin des girondes Sofia ou Gina, des verbes hauts, et des rondeurs de marchés, ainsi parut Monica, ici dans la griseur des choses.

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                  John Cassavetes et Gena Rowlands, autre couple en fusion fission, nous ont conduits plusieurs fois aux lisières. Ce cinéma américain, en quasi autonomie, est une merveille d'étude clinique dans Gloria, dans Love streams et plus encore dans Une femme sous influence. Son personnage de Mabel, en permanence sur le fil du rasoir, nous bouleverse tant Gena parvient à maîtriser les excès souvent inhérents à ces types de rôle.

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                   Woody Allen m'avait téléphoné pour me proposer Mia Farrow. Je lui ai préféré Diane Keaton, si élégante dans Annie Hall (Hall était le vrai nom de Diane Keaton). Peut-être les plus belles années de M. Allan Stuart Konigsberg, où le célèbre piéton binoclard de Big Apple trouve à mon avis l'état de grâce. Elle irradie aussi dans Manhattan et dans l'hyperbergmanien et sans une once d'humour Intérieurs que je recommande spécialement à ceux qui l'ignoreraient.

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                   M. le Président du Festival de Cannes 2017 n'a certes pas constitué avec Carmen Maura un couple tel qu'on l'entend généralement. A titre exceptionnel j'ai inclus l'oeuvre commune de la riche héritière Carmen et du modeste fils d'une famille rurale de la Mancha dans ce florilège du syndrome de Pygmalion évoquant l'artiste et sa créature. Et c'est dans leur troisième film ensemble (il y en a sept), Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça! que j'ai trouvé la Maura réellement bouleversante. Assez éloigné de l'esprit BD des tout premiers opus ce film hisse l'actrice au rang d'icône, de mère courage, de femme forte dans un univers d'hommes, une Magnani espagnole, une oubliée de la Movida. Pour moi, le meilleur film de la première période d'Almodovar.

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                  Ce fut pour moi une belle expérience que d'assurer de mon mieux cette sorte de "formation continue" du Septième Art, sans aucune qualification que celle d'un amateur de longue date. C'est aussi pour moi la chance de revoir et rerevoir des films anciens, et dans l'immense majorité des cas, de les apprécier plus encore. Parfois aussi de mieux connaître l'univers d'un cinéaste que j'avais a priori pas mal négligé (Pedro Almodovar, allez savoir pourquoi, probablement parce que j'ai toujours coché la case Italie depuis des décennies de cinéma). Merci aux organisateurs de ces universités du temps libre (elles ont changé de nom) et merci à mes "étudiants" toujours très attentifs.

29 avril 2017

Massacre au Nouveau-Mexique

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                             On appelle ça une reprise, ou une cover...ou un massacre. Que le Loner me pardonne. Albuquerque, paroles et musique de Neil Young, extrait de l'album Tonight's the night, 1975.

27 avril 2017

La poésie du jeudi, Antonio Machado

Poésie du jeudi

Campagne

Le soir meurt

comme un humble foyer qui s'éteint.

 

Là-bas, sur les montagnes,

il reste quelques braises.

Et cet arbre brisé sur le chemin tout blanc

fait pleurer de pitié.

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Deux branches sur le tronc blessé, et une

feuille fanée et noire sur chaque branche !

 

Tu pleures ?... Entre les peupliers d'or,

au loin, l'ombre de l'amour t'attend.

Antonio Machado (1875-1939), Champs de Castille, traduit par Sylvie Léger et Bernard Sesé

                               Venant de terminer mon séminaire cinéma avec Almodovar j'étais un peu à l'heure espagnole, ce qui ne m'arrive pas très souvent. Une vieille chanson de Ferrat sur un texte d'Aragon m'est venue à l'esprit. Machado dort à Collioure, trois pas suffirent hors d'Espagne. Dans ce texte sobrement intitulé Les poètes il est en compagnie de Hölderlin, Verlaine, Marlowe. On a connu de pires castings.

 

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24 avril 2017

Un été hongrois

Josse

                                 Sur les conseils d'Asphodèle j'ai découvert Gaelle Josse que j'avais souvent vue à l'honneur sur différents blogs. Ce court roman, presque un opuscule, se déguste comme un fruit frais à l'ombre d'un verger, comme un prélude romantique, comme une jeunesse déjà vacillante. Il y a des livres plaisirs sur lesquels on n'a pas envie de gloser. Un été à quatre mains, quelques mois de la vie de Franz Schubert, donnant des leçons à deux demoiselles aristocrates au coeur de la campagne hongroise, 1824, est un pur délice qu'on croque en une heure et demie. Franz n'a déjà plus que quatre ans à vivre.

                                La cadette Esterhazy, Caroline, vingt ans, sera pendant cette saison à la lisière de l'amour pour Franz. Leurs épidermes se frôlent à quatre mains. Conventions obligent, cette passion naissante n'aura pas le temps de vivre. Schubert, relativement connu à Vienne mais grassouillet, désargenté et malade, n'est manifestement pas un bon parti. Pour le peu de saisons qui lui reste, le vin frais des forêts viennoises, les amis musiciens qui l'aiment comme il est, et la musique qu'il écrira jusqu'à son dernier souffle seront ses compagnons. Les lieder de cet homme, ses trios, ses sonates, sont devenus autant de blues déchirants. C'est pour moi le plus merveilleux compliment.  Ici  Asphodèle tisse une jolie toile en musique pour remercier Gaelle Josse et Franz. Quant à moi j'ai du coup emprunté Le dernier gardien d'Ellis Island.

19 avril 2017

Géographie: codicille

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               Il y a de bonnes nouvelles parfois. Sunny afternoon today. Ray Davies, Sir Ray Davies (72 balais, maître à penser de The Kinks), sort un nouvel album. Called Americana. Des membres de Jayhawks l'accompagnent fort bien. On ne saurait mieux conclure pour garer le Greyhound. Et toi, Ray, es-tu enfin paisible?

               I wanna make my home

               Where the buffalos run

               In that green panorama

17 avril 2017

Géographie: San Francisco, Californie

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                                      Il fallait un point final à ce long périple et nulle autre cité que Saint François ne se prêtait mieux à conclure. Tin Pan Alley est le nom que l'on donne à cette musique américaine, de la rue, des champs de coton, des bouges du Sud, des usines du Nord, du coeur agricole du pays, cette musique qui a changé ma vie, l'a bouleversée. Du blues de Memphis, du zydeco d'Orleans, de Tamla-Mo(tor)town de Detroit, du grunge de Seattle, du country de Nashville, du flower de Frisco, des riffs urbains de Chicago. Mais ça je l'ai dit mille fois. Alors ce vieux bus Greyhound en reste là, un peu fatigué, devant le Golden Gate. Il n'en est pas une pièce qui ne ne recèle un trésor, un arpège, deux lignes, trois accords. Tous ont fait une partie du prix de  ma vie. Merci.

 

                                        Des centaines de chansons sur Frisco. J'ai choisi l'une des plus anodines, un groupe fabriqué pour la cause, qui n'eut guère que ce succès, mais planétaire. Let's go to San Francisco with The Flower Pot Men. Parce que même les plus simples des refrains ont compté. Je vous épargne une vidéo de 2008 où ils reprennent assez tristement en play back ce tube de 68. Fuckin' bloody time! Mais je vous offre, en au revoir de cette si longue rubrique voyageuse, l'ami Johnny Winter, que j'ai vu à Paris il y a vingt ans, et qui nous parle, justement de Tin Pan Alley.

 

                                           End of the line/ Tout le monde descend. Mais Tin Pan Alley was the place to go.

 

 

13 avril 2017

La poésie du jeudi, Edualc Eeguab

Poésie du jeudi

Rêve de couleurs

Cartographie, ma jolie

Heureux fleuves  bleus.

Haïkus

Doigts sur planisphère

Un enfant, comme envolé

Outre océan, fier.

Ecriture

Roulez roues ferrées

D'autres rives, la cité

Paisible et bercée

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                                Les haïkus de cet asphodélien  jeudi, et j'aime de plus en plus cet exercice si ludique, m'ont été inspirés par un très beau film, qui sort complètement de l'habituelle démagogie du cinéma, de son populisme ou de son snobisme. Si vous avez l'occasion, et même si vous n'êtes pas très client du Septième Art, qui reste parfois merveilleux et aux antipodes des défauts précités, allez voir The lost city of Z, qui conjugue aventure, réflexion, profondeur et utopie. Je dédie ces textes à ma grand-mère qui, je devais avoir huit ans, fut très surprise quand je lui demandai, pour mon anniversaire, une "belle carte du monde". Et qui, le mercredi sur le marché de Coulommiers qui sentait si bon le Brie, m'achetait trois petits romans d'aventure, mes premiers voyages autour de ma chambre.

 

12 avril 2017

Des hommes et des guitares/ While my guitar gently weeps

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                                  Trêve de mots, de bavardages, d'analyses, de "shoegazin'". Et si le plus important de toutes ces années avait été des choses dans ce genre là. Tandis que pleure ma guitare doucement composé par George pour le Double Blanc a été repris par une foule de gens, Santana, Toto, etc... Voici ma version préférée, celle du Canadien aveugle Jeff Healey (1966-2008), la guitare sur les genoux, sur le disque Hell to pay (1990).

                    Tom Petty, Steve Winwood, Jeff Lynne, Prince avec Dhani Harrison (vous le reconnaîtrez, il ressemble beaucoup à son papa), c'est pas mal non plus. Hall of fame 2004. Merci Messieurs.

 

 

 

 

 

10 avril 2017

Littérature fictive, peinture véridique

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                            J'étais très heureux d'avoir aidé à programmer ce film argentin percutant et corrosif, un peu lesté par une caricature trop appuyée. Mais rien de grave et Citoyen d'honneur a été bien accueilli. Cette fable assez cruelle pourrait être illustrée par deux proverbes. La Roche Tarpéienne est proche du Capitole et Nul n'est prophète en son pays. Daniel Mantovani, Prix Nobel de littérature revient dans sa ville natale, Salas, au fin fond de la campagne argentine. Reçu d'abord comme un héros le ton change assez vite et chacun au pays a de bonnes raisons de lui en vouloir. N'aurait-il pas plus ou moins ridiculisé ses anciens concitoyens dans son oeuvre romanesque, écrite en Europe où il réside depuis trente ans? Ceci est arrivé à de vrais Prix Nobel, Faulkner ou Garcia Marquez par exemple.

                    On n'écrit jamais que sur soi, semble se dédouaner Daniel. Et comme c'est vrai, surtout quand on a du mal à écrire, croyez-moi. Alors il se peut que l'on n'intéresse personne. Exercice hautement narcissique. Ainsi les auteurs du film, le duo argentin Mariano Cohn, Gaston Duprat, parviennent à équilibrer à peu près leur propos. Le grotesque de la plupart des gens de Salas vu par les cinéastes dédoublant ainsi leur identification aux livre de Mantovani, il m'apparait que la barque est un peu trop chargée d'un cynisme que d'aucuns auront trouvé malsain (l'ami Strum ici étant de ceux-là). Il n'a pas tort mais moi, modeste passeur de programmes, j'ai apprécié les réactions du public qui a plutôt passé un bon moment, la fin style Comte Zaroff finissant presque par... cartoonner. Souvent comparé aux grandes heures de la comédie italienne, c'est vrai qu'on y verrait volontiers Sordi ou Manfredi, Citoyen d'honneur est tout de même loin des meilleurs Risi, Germi ou Monicelli. Pardon à Dino, Pietro, et Mario (nous étions très proches) mais vous-mêmes n'avez pas toujours été d'una grande finezza.

                    Là je viens de me relire et me trouve d'une prudence de jésuite qui confine à l'hypocrisie. J'aime bien un peu d'hypocrisie.

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                      Paula raconte quelques années de la vie de Paula Modersohn-Becker, peintre allemande (1876-1907). Découverte pour le public, moi y compris, cette artiste que l'on entrevoit seulement maintenant en France suite à l'expo 2016 au Musée d'Art Moderne de Paris est en fait une pionnière. Dans un monde régi par et pour les hommes, art compris, Paula aura l'énergie de quitter son mari lui-même peintre conventionnel dans le nord de l'Allemagne. Elle vivra quelques annnées à Paris sans vendre aucune toile. Comme souvent, et peu à peu, c'est plus tard que son aura grandira et le premier musée consacré à une femme peintre lui sera dédié à Brême.

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                   Ses tableaux, et je laisse cela aux exégètes, annoncent l'expressionnisme mais surtout reflètent peut-être pour la première fois le regard d'une femme. Ceci considérant, et c'est discutable, que d'autres femmes peintres, il y en avait quelques-unes, classiques, impressionnistes, peignaient  "comme les hommes". Ses portraits, autoportraits, assez torturés, peuvent bouleverser tant on y sent un un souffle et un siècle nouveau, qui sera douloureux ou ne sera pas. Paula, le film de Christian Schwochow, vaut à mon avis surtout par le tableau nordique de la communauté des peintres traditionnels, et paradoxalement je me suis plus intéressé à son mari Otto, certes maladroit  mais sincèrement amoureux de Paula. L'aventure parisienne, resserrée par le scénario, m'a semblé par contre assez banale malgré la présence de Rainer Maria Rilke, ami de Paula, et n'échappe guère aux clichés. Je conclurai ainsi: Paula est plus à voir en peinture qu'au cinéma. Ceci n'engage que moi.

28 mars 2017

Chants du Cygne

Masse critique

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                               Snobissimo, le milieu dépeint par Melanie Benjamin, au coeur d'un New York palpitant, mais huppé puisque Les Cygnes de la Cinquième Avenue sont les femmes les plus fortunées, les mieux mariées, les plus élégantes de la Big Apple. C'est ainsi que les appelle le maître d'oeuvre de cette mise en scène, le grand ordonnateur des fêtes les plus dispendieuses en ces années soixante. Truman Capote, vous l'aviez reconnu, le célébrissime auteur de Breakfast at Tiffany's et de De sang froid, accessoirement connu comme une langue de vipère à la prose assassine. Je me méfiais bien un peu de cette incursion de plus de 400 pages au coeur de la jet set newyorkaise de cette époque, craignant de m'y sentir mal à l'aise et surtout de m'y ennuyer prodigieusement entre cocktails, défilés de mode et yachts caribéens. D'ailleurs je n'ai lu ce roman, en épreuves non corrigées, que dans le cadre de Masse critique de Babelio que je remercie. Or Les Cygnes de la Cinquième Avenue s'est révélé un excellent bouquin, bien plus profond que je ne l'imaginais.

                              La vie de Barbara "Babe" Paley, la plus emblématique de ces dames, toute entière vouée au luxe et au paraître, alors même qu'elle évoque très peu par exemple les quatre enfants de ses deux mariages, est distillée par Melanie Benjamin quaisment à l'aune, unique et exclusive, de sa rencontre et de son amitié avec Truman Capote, ce personnage ambigu, tout en fascination-répulsion, grand talent littéraire et insupportable cabotin. Il faut se rappeler l'omniprésence, au coeur de l'intelligentsia de la Côte Est, de Capote, à la fois histrion et intello, passionné par le meurtre gratuit perpétré par deux jeunes hommes dans le Kansas ( cela donna  De sang froid, livre de Capote, puis film de Richard Brooks), fashion victim, icône gay avant l'heure, ami de tout le gratin de Jackie Kennedy à Andy Warhol, bref de tout ce qui comptait dans la jungle urbaine branchée. Il faut lire notamment les pages sur le célèbre Bal en noir et blanc donné par Truman, où l'on croise Sinatra et Bacall (ce roman n'est pas avare en name dropping). Bouffi et extravagant, moulinant de grands gestes, Capote va finir par blesser la belle faune de là-bas, ses chers cygnes glissant apparemment sans effort de cocktails en vernissages. Son recueil Prières exaucées ne paraîtra vraiment qu'après sa mort. Mais quelques-uns des textes qui le composent seront lisibles dans le magazine Esquire. Devenu la caricature de lui-même, cynique et pathétique, il  dépeint, à peine masqué, ses chères et tendres amies dans la nouvelle La Côte Basque (c'est le nom d'un restaurant de prestige). Ce sera la fin de ses relations avec Babe, mais aussi les autres, Slim, Gloria, C.Z., etc...

                              Meurtris, ces fameux Cygnes de la Cinquième Avenue qui n'ont bien sûr rien d'oies blanches, vont ainsi vieillir, bientôt malades, et affronter un ennemi inachetable par leurs différents, successifs et richissimes époux. C'est toute cette histoire courant sur une douzaine d'années, et leurs rapports avec Truman Capote, grand écrivain et serpent venimeux, que raconte très bien Melanie Benjamin. C'est un éloquent portrait de groupe avec chute d'une société aux commandes, ou qui croit l'être, ce qui n'évite pas forcément l'essoufflement et le crash final.

                            "La poitrine de Truman ressemblait à celle d'un ange, si innocente, la peau si blanche, entièrement recouverte d'un  fin duvet doré qui semblait l'éclairer d'une lueur éthérée. Ses biceps étaient étonnament bien dessinés et, avec son visage boudeur, son regard rêveur, il aurait pu passer pour un Adonis, si ce n'atait ce ventre légèrement grassouillet".

 

23 mars 2017

La poésie du jeudi, Julio Cortazar

Poésie du jeudi

Loi du poème
 
Amer est le prix du poème, 
les neuf syllabes de chaque vers ;  
l’une superflue, l’autre manquante 
le font voler ou le condamnent. 
 
Nous sommes l’échiquier d’un cours d’eau 
la carte à jouer entre deux feux ; 
tombent les faces tombent les piles 
chaque fois que tourne le chemin 
 
Tombe le rythme dans les vers, 
pleuvent les larmes dans le souvenir, 
tombe la nuit, tombe l’oiseau 
tout est chute lente sans bruit.

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Ô liberté de la prison, 
coup de dés qui lance et détache 
l’énigmatique toile d’araignée 
des murs et des démarcations ! 
 
Comme ta bouche découvre la pomme 
comme mes mains découvrent tes seins, 
le papillon suivra le feu 
pour sa dernière danse danser

Julio Cortazar, Crépuscules d'automne, Traduction de Silvia Baron Supervielle

                            J'adore le hasard qui préside souvent à mes choix pour la belle rubrique d'Asphodèle, La poésie du jeudi. Ainsi, ayant travaillé sur le cinéaste Antonioni cette semaine, je me suis aperçu qu'il avait adapté pour Blow up le livre Les fils de la vierge du romancier et poète franco-argentin Julio Cortazar (1914-1984). Il ne m'en fallait pas plus pour fouiller un peu et découvrir ce texte que j'aime beaucoup. Qu'en pensez-vous?

19 mars 2017

In the name of rock/ Maybellene

                

                             Et pourtant je ne me souviens d'aucune Maybellene dans ma jeunesse valoise. Moins encore dans ma vermandoise maturité (?). Cependant celle-ci était pas mal. Même si je suis pas tout à fait sûr que Maybellene ne soit pas le nom d'une cadillac. So long Mr.Charles Edward Berry. 

17 mars 2017

Born on the bayou

Les maraudeurs 2

                     Pardon à mes amis de Creedence Clearwater Revival mais je n'ai pas résisté. Pour certains ce sera  plutôt Dead on the bayou dans cette aventure à la couverture illustrée  d'Al.E.Gator. La Barataria est le personnage central des Maraudeurs, sorte d'entité amphibie faite de bras morts, de mangroves, de pêcheurs de crevettes et de pétrole voisin. Mais attention, Katrina est passée par là. Ruine, pollution et déchets à toutes les profondeurs. Ajoutez des jumeaux, disons brutaux, un manchot chercheur de doublons datant de la splendeur pirate louisianaise, et quelques autres specimen de la faune locale au QI inférieur à l'oppossum si courant dans les cheniers des bayous. Ces gars là font pas dans la tendresse et le zydeco des cajuns n'a guère adouci leurs moeurs.

                    Quatre cent pages tambour battant, qui seront expédiées très vite tant les moustiques et les serpents mocassins vous talonneront les mollets et ainsi vous aurez vécu une super aventure au coeur des bayous du delta, sur les traces du boucanier français Jean Lafitte. C'est que la grande histoire s'invite aussi au festin de gombos et mint juleps et les noms français abondent dans ce festival où se cotoient les épices les plus fines et de méphitiques marais qui se referment bien vite sur certains protagonistes. C'est aussi un roman qui n'occulte pas les misères de ce Deep South et son quasi abandon depuis l'ouragan. James Lee Burke, entre autres, a beaucoup raconté le pays dans ses polars. La Nouvelle-Orleans, cette métropole déchue y apparait gangrenée comme jamais, et pas seulement sur le plan bactériologique. L'essentiel des péripéties des Maraudeurs se déroule dans la bourgade de Jeanette, où un bateau, si vieillot soit-il, constitue le meilleur moyen de survie, en même temps qu'un danger permanent vu les créatures visqueuses, venimeuses, ou squameuses qui hantent la Barataria.

                  Embarquez, moussaillons, sur l'un des rafiots du capitaine Tom Cooper, qui pour son premier roman, et avec quelle énergie, mêle allégrément coups fourrés, trafics divers, chasse au trésor, rêves de fortune et beaucoup d'humour. Méchamment hilarant, ne ment pas la quatrième de couv. Laisse le bon temps rouler!

14 mars 2017

Le Danois devant la fontaine

pORTES

                              Après le très récent et remarquable Douce nuit du Norvégien Ragnar Hovland je vous propose le très bon Les Portes de Fer du Danois Jens Christian Grondahl, écrivain plus connu et dont j'ai déjà relaté Virginia. Portrait d'un homme à environ vingt, quarante et soixante ans, l'âge actuel de l'auteur, ce roman m'a passionné d'un bout à l'autre. La vie de cet homme est racontée à la première personne et apparait comme une confession, mais ce terme sonne trop comme un aveu. Disons plutôt comme un simple récit dont l'essentiel tourne autour de ses parents, de sa fille, et surtout des femmes de sa vie. Combien d'hommes ont écrit sur les femmes de leur vie? Ou combien auraient aimé le faire? 

                              Un moment tenté par Karl Marx en ses jeunes années le narrateur perd sa mère et prend ses distances avec son père, non sans une certaine morgue à mon sens. "Alors que je me retournais sur le seuil de ma vie d'adulte je n'avais plus à me libérer de quoi que ce soit. Une mère morte et un pantin de père dans les bras d'une autre femme". Son goût pour les lettres en fera un enseignant. Son mariage avec Maria et la naissance de Julie n'empêcheront pas le retour de la solitude ordinaire, sans drame et sans effusions. Pourtant des visages traverseront ses jours, Benedicte, Viviane, Adèle, passagères d'un navire peu apte au vrai partage. C'est Ivana, peut-être, la mère de Stanko, jeune serbe réfugié à Copenhague, qui en quelques rencontres, l'approchera au mieux. Ivana, il l'aura surtout vue en vidéo sur un bateau sur le Danube, entre Serbie et Roumanie, ça s'appelle les Portes de Fer. C'était un peu avant la guerre. 

                              Sexagénaire tout juste grand-père déambulant seul dans Rome, "Revoit-on les femmes de sa vie pour se voir tendre un miroir? J'ai réfléchi à la question, assis à la terrasse du Canova?" C'est devisant aimablement avec Jessie, une jeune photographe compatriote, devant les vestiges campaniens de Paestum, qu'on l'abandonnera, pas mal dans sa peau, finalement. "Tu ne ressemblais pas à quelqu'un de marié, avec ton café et ton livre. C'est caractéristique d'un célibataire d'avoir un livre avec soi quand on sort. Pour ne pas être obligé de regarder partout quand les autres ont quelqu'un à qui parler."

                             Promis! J'aime tant Les Portes de Fer que moi non plus, je ne sortirai plus sans un livre. Qui sait? Je fais déjà ça au cinéma cause trop de pub.

12 mars 2017

Les désenchantés

roux

                                Ma chère Val  ici  et moi nous sommes retrouvés pour Tout ce dont on rêvait. Ayant l'impudence d'être née longtemps après moi je ne suis pas sûr qu'elle ait rêvé des mêmes choses que moi. Le livre de François Roux est de ceux qu'on lit très vite. J'avais des réserves sur les premières pages, ne partageant guère d'empathie avec Justine, Alex et Nicolas les deux frères. Pour tout dire j'y croyais un peu trop sentir l'air du temps. Ce couple Nicolas et Justine, elle surtout, très night-club branchouille, ne m'inspirait guère. Le côté fêtard poudreux ne me plaisait pas beaucoup. Mais ce roman va assez vite et l'ellipse nous mène rapidement vingt bonnes années après, deux enfants, dont Adèle, parfaite donneuse de leçons comme je les abhorre, et la star incontestée, le chômage.

                               Nicolas, cadre dynamique approchant la cinquantaine, va connaître comme tant d'autres ce no man's land dont je crois qu'il est toujours difficile d'appréhender l'impact lorsque la menace ne s'en est jamais fait sentir dans sa propre vie. François Roux est habile à tisser ou plutôt à détricoter l'équilibre de Nicolas, en mal de repères aux abords de la cinquantaine et culpabilisant plus que jamais au sujet de la mort accidentelle de ses parents dans un crash aérien. Le couple fait plus que battre de l'aile et Justine s'en sort à première vue un peu mieux, psychologue assez à l'aise professionnellement. Au delà des apparences rien ne va plus. C'est bien normal. Car si elle a encore ses parents ses relations avec son père Joseph (vaguement célinien, pour faire court) sont exécrables et nous valent les meilleures pages, à mon avis, d'une violence verbale assez insoutenable, de  ce roman. En cela Tout ce dont on rêvait se révèle tragiquement ordinaire mais n'en est pas moins vraisemblable. Certes Adèle est tête à claque mais elle a dix-huit ans et on est tellement conformiste à dix-huit ans. Allez, on lui colle une baffe et on espère que ça s'arrangera.

                              Les attentats et la manif géante d'il ya deux ans font l'objet de quelques lignes, qui m'ont semblé particulièrement sans intérêt. Mais c'est le propre, inévitablement,  de tout ce qui a été dit et écrit sur ce sujet. Et j'ai sur ce gigantesque élan populaire un avis iconoclaste. Mais parfois il convient de se taire.

9 mars 2017

La poésie du jeudi, Edualc Eeguab

 Haïkus

Tes pleurs, mon printemps

Demeureront vains, il faut

Cesser de nous voir. 

*

Saison, doux réveil

Et la gente fleurie perce

Sous l'astre radieux

*

Dans l'air un refrain

De l'eau, comme un tourbillon

Doux avril revit

                     Je dédie bien volontiers ces trois petites pièces à Asphodèle actuellement aux intempéries et qu'on a hâte de retrouver.

7 mars 2017

Jackie and Chet

 AFFICHE_JACKIE

                               C'est Jackie qui ouvrait le bal ce lundi 27 février, le film du Chilien Pablo Larrain (Neruda il y a peu) présenté par l'ami Philippe. Consacré uniquement à quelques jours de la vie de Jacqueline Kennedy après l'attentat de Dallas (1963) le film s'ouvre sur l'entretien d'un journaliste de Life avec la Première Dame. Qu'on ne s'y trompe pas, on ne sera pas dans la chronique d'un deuil en très haut lieu, à lire dans la salle d'attente du gynécologue. J'ai volontairement cité cette spécialité tant le propos aurait pu être typique d'un magazine féminin de ces années là. Bien sûr la garde-robe est réussie et la Maison-Blanche... blanche. Mais Jackie est un film vraiment intéressant, traquant au plus près l'après drame, cathodique pour la première fois.

                                Au fil de ces quelques heures le statut de Jackie pourrait très vite changer tant la Roche Tarpéienne est près du Capitole. Cette fragilité se juge à l'aune du pouvoir médiatique américain, omniprésent comme jamais avant ces années soixante. On sait maintenant ce qu'il peut en être, non bien sûr de l'assassinat de JFK, mais des risques induits par la spectacularisation de la politique. Le débat fut de bonne tenue à mon avis, entre les anciens, dont hélas je suis, qui ont connu l'évènement et savent tous précisément comment ils l'ont appris, et les plus jeunes qui n'ont jamais eu l'occasion de pratiquer le culte Kennedy, dont on sait maintenant qu'il était pour le moins excessif. Les icônes ont en effet tombées, après les hommes de chair et de sang. Et l'on sait tous le côté moins éclairé de cette monarchie à l'américaine, cette famille royale made in USA. Moins éclairé constituant une litote.

                               Une  excellente soirée où le public évoqua tour à tour le rôle assez odieux du père, Joseph Kennedy, les troubles relations de la famille, les addictions du président, l'incontournable J. Edgar Hoover, et la mort l'année précédente de Marilyn. Nous n'avons pas tout résolu. Mais Princeecrannoir et Sentinelle ont vu Jackie avant moi et vous en parlent fort bien ici  et .

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                               Pour Chet Baker, que je présentais avec un jazzeux du coin qui à l'habitude de conter l'histoire du jazz, le public était un peu différent de nos lundis usuels. Les fans de jazz, qui ne sont pas tous cinémanes, avaient grossi les troupes. Là,il me faut faire très attention. Je sais que notre ami Le Bison veille et qu'il ne plaisante pas avec le Chet. Born to be blue, premier film du Canadien Robert Budreau évoque quelques années de la vie du célébrissime trompettiste et chanteur, au moment de l'agression qui devait le briser pour pas mal de temps. Bon, y avait d'autres choses pour le briser tant Baker est l'archétype du surdoué, ange déchu, ravagé, flambeur, génial bien sûr mais irresponsable et naïf en même temps. Et, osons le dire, pas très futé le gars. On s'en balance d'ailleurs, l'intérêt de cet homme étant de l'entendre, ce qui devrait aller de soi s'agissant d'un musicien.

                               Born to be blue souffre comme tout biopic, ou biopic partiel, dirais-je, d'approximations avec la vérité ou la chronologie. Le cinéma suppose ses artifices et un sens du condensé inévitable. Notre ami spécialiste l'a clairement expliqué sans tomber dans l'intransigeance. Bien sûr Born to be blue n'est pas un document musical mais ne se présente d'ailleurs pas comme tel. Les flashbacks en noir et blanc, plastiquement réussis, ne s'intègrent pas très naturellement et je trouve que les inévitables scènes intimes entre Chet et Jane alourdissent le rythme du film mais le cinéma ne sait plus s'alléger de ces conventions. L'opposition musicale et culturelle Côte Ouest et Côte Est est bien ressentie mais Budreau abuse plusieurs fois de couchants sur Pacifique bien anodins. L'arrogance d'un Miles Davis par exemple, sa morgue nous paraissent exagérés. Pas tellement nous a confirmé notre interlocuteur, les musiciens ne s'étant pas  si souvent croisés.

                               Au crédit du film un retour de Chet dans sa famille et une belle scène de difficiles retrouvailles avec son père, modeste paysan de l'Oklahoma, effaré de la vie de son fils, et de sa dépendance ultime particulièrement gratinée. Parlons-en un peu, de la drogue, compagne fidèle et encombrante, moi, je dirais insupportable. Hello fear! Hello death! La vraie muse? On n'ose pas tant que ça dans un débat aborder le sujet. Le public a été très actif et les questions intéressantes, certains très familiers de l'univers de Chet Baker. Tout ne m'a pas plu dans les réactions et c'est bien ainsi. J'eusse aimé qu'on nous fasse grace de l'enfance difficile de l'artiste (sans plus je crois) et de la souffrance , mais alors "rien que de la souffrance" (je cite) du toxico. Un peu court, un peu facile. Mais il reste un film de qualité, encore trop peu en musique à mon sens, une porte ouverte pour en écouter davantage. Ethan Hawke plutôt bon, il chante lui-même, plutôt bien. Ecoutez le Chet, sa musique étant infiniment plus belle et plus passionnante que l'homme. Tiens pour la peine voir ci dessous. Ou plus exactement entendre ci dessous.

23 février 2017

La poésie du jeudi, François-René de Châteaubriand

 Poésie du jeudi

La forêt

Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude !
Prestiges de mon cœur ! je crois voir s’exhaler
Des arbres, des gazons une douce tristesse :
Cette onde que j’entends murmure avec mollesse,
Et dans le fond des bois semble encor m’appeler.
Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière
Ici, loin des humains !… Au bruit de ces ruisseaux,
Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière,
Qu’ignoré je sommeille à l’ombre des ormeaux !

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Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles ;
Ces genêts, ornements d’un sauvage réduit,
Ce chèvrefeuille atteint d’un vent léger qui fuit,
Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles.
Forêts, dans vos abris gardez mes vœux offerts !
A quel amant jamais serez-vous aussi chères ?
D’autres vous rediront des amours étrangères ;
Moi de vos charmes seuls j’entretiens les déserts.

François-René de Chateaubriand, Tableaux de la nature

                                J'ai eu envie de relire un peu le Vicomte. Certes ses forêts sont plus bretonnes que valoises mais j'aime à m'y retrouver parfois. Ou à m'y perdre. Merci à Asphodèle pour tout, et plus encore. Par exemple pour m'avoir fait découvrir un autre poète, contemporain, François Cheng, ce vieux monsieur plein de jouvence, dont je ne résiste pas à vous faire découvrir quelques lignes sur la beauté des choses.

Quand la beauté t'habite

Comment l'assumes-tu?

L'arbre assume le printemps

Et la mer le couchant

Toi, comment assumes-tu

La beauté qui te hante?

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