The clock around the rock
Cadeau de fin d'année de Babelio, merci encore pour ce beau livre, traditionnellement proposé par Masse Critique. Et c'est un vrai bonheur que de plonger dans un univers musical qui n'est pas le mien, mais que j'apprécie quand même. Je suis plutôt un homme de la décennie suivante. Splendide iconographie pour ce bel objet, surtout les pochettes de disques originales. Mais le plus magique dans cet album somptueux est de découvrir les nombreux seconds couteaux et troisièmes gâchettes du rock'n'roll. Alors exit Presley, Lewis, Cochran, Perkins. Ils sont là bien sûr, avec chacun leur destin, la plupart du temps douloureux, voire tragique.
Mais les autres, une ribambelle de noms complètement inconnus, nés pour la plupart au début des années trente, souvent dans des familles prolétaires, ruraux ou citadins. Peu enclins aux études, passés par la case baloche et country, ou par le groupe de lycée, surtout pour étourdir les filles. Suiveurs d'Elvis mais parfois ses prédécesseurs. Effervescence midfifties de ces jeunes aux dents longues et aux idées parfois un peu courtes pour qui des Colonel Parker furent un peu pygmalions et beaucoup escrocs.
Les photos, essentiellement des disques originaux, sont un régal. Et s'il n'y a guère dans ce livre de révélations fracassantes j'y ai surtout trouvé une confirmation. Les rock stars des sixties et seventies, et ultérieures n'ont rien inventé. Les pionniers du rock'n'roll non plus. Tous ont eu une vie d'un conformisme affligeant. Vivre vite, pas longtemps, alcool, petites pilules, stupéfiants, bagarres, bagnoles en vitesse, deux trois mariages ratés, trois petits tours, accident, parfois meurtre, suicide pas rare et puis un enterrement. La panoplie quoi. Mais ça ne m'empêche pas de les aimer.
Rodolphe, scénariste de BD, jadis passé par les cases Pilote et Métal Hurlant a signé des biographies de Stevenson mais aussi de Buddy Holly, Johnny Cash, Eddie Cochran. Tout ça, vous pensez que ça me va très bien. Illustration musicale, j'ai choisi Gene Vincent, garanti efficace. Mais il y en a tant d'autres. Je terminerai en poésie, Tutti Frutti, Be Bop a lula. Mieux encore, Awopbopaloobop Alopbamboom.
You know what? I'm lucky
Ce film est une petite merveille, production modeste et qui se joue des clichés sur l'Amérique tout en utilisant quelques-uns de ses stéréotypes. J'ai été très heureux de le faire découvrir aux gens qui n'ont pas regretté d'avoir fait l'effort de sortir un soir de janvier. Premier film mis en scène par l'acteur John Carroll Lynch et dernière apparition du légendaire Harry Dean Stanton (faut-il rappeler le Travis de Paris, Texas?). Cet acteur à la dégaine inimitable n'aura eu dans sa longue carrière que deux premiers rôles. Précisément le film de Wim Wenders, devenu archétype de l'errance, et plus de trente ans plus tard, ce Lucky. Ce film a été écrit pour le grand nonagénaire émacié et s'inspire de sa vie, disent les scénaristes. Lucky, dans ce petit bled de poussière et soleil, vit un quotidien sans histoires entre jeux télé très moyens, mots croisés chez Joe's, et gym régulière en caleçon.
Au rayon des micro-évènements la disparition de President Roosevelt, la tortue de Howard (David Lynch, étonnant de simplicité), les petites querelles au bar d'Elaine, les insultes de Lucky à l'endroit d'Eve's, autre bar d'où il semble avoir été exclu pour avoir allumé une cigarette. C'est que Lucky joue parfois au misanthrope, en pure perte car en fait tout le monde l'aime bien. Ca pourrait même l'irriter un peu. Mais nous aussi, dans la salle, on l'adore cette petite communauté dans un ouest-sud américain assez bon enfant, même si tout cela est un peu désargenté. Ancien marine, Lucky échange quelques mots au comptoir avec Fred (Tom Skerrit, pas vu depuis un siècle, formidable), quelques mots sur la guerre du Pacifique et c'est bouleversant. Et la scène de l'anniversaire chicano est splendide. Lui-même folksinger à l'occasion, harmoniciste et amateur de musique mariachi, Harry Dean Lucky Stanton y est inoubliable. Il est un peu l'homme qui parle aux saguaros, aux criquets, et il restera au moins de ce beau film son sourire superbe, à peine désabusé, dernière image d'un personnage historique du cinéma américain.
Sourire également sur le visage des spectateurs, et enthousiasme pour ce film et sa philosophie. Quelqu'un a dit "Sur un cadre western les mots ont remplacé les colts". Un autre "On se prend d'affection pour ce pauvre Howard, esseulé depuis l'escapade de sa tortue. Mais chut attendez la fin..." Ultime argument, décisif, on y entend Johnny Cash, pas longtemps, mais deux minutes de I see a darkness valent bien le déplacement.
Plus qu'ultime argument, je viens de lire chez Sentinelle que Ronnie adore ce film. Moi j'adore ce que dit Ronnie à propos de Lucky.
Six cordes, vingt-quatre images/8/Crazy heart
Catégorie chanteur country vieillissant peu porté sur l'eau claire j'en connais au moins trois, Robert Duvall dans Tender mercies, Clint Eastwood dans HonkyTonk man et Jeff Bridges dans Crazy heart. Avouez qu'ils ont de la gueule. A noter que tous trois chantent eux-mêmes dans ces road-movies un peu rudes, un peu tannés, et très fatigués. D'ailleurs je vous propose la chanson The weary kind (Du genre usé) du film Crazy heart que Jeff Bridges interprète avec beaucoup de conviction. Oscar cette année là pour le grand Jeff.
Géographie, Winnemucca, Nevada
Vous savez que j'aime alterner les choses sérieuses et d'autres moins. Sachez-le cette rubrique fait partie des choses... très sérieuses pour moi. Une bien petite ville que je vous propose aujourd'hui. Winnemucca, Nevada, 7500 habitants, tient son nom d'un chef indien de la tribu des Paiutes. On peut bien faire ça pour eux, les chefs indiens. Pour la (toute) petite histoire Butch Cassidy y braqua la banque en 1900. Et un Basque Festival y est organisé régulièrement, cette communauté y ayant été très présente au milieu du XIXème, en tant que bergers pardi.
Vous savez bien que c'est surtout l'occasion d'un bon moment musical et de faire connaissance avec le Little Wheels Band et leur copine Winnemucca girl.
Géographie: Jacksonville, Floride
Jacksonville au nord de la Floride a beaucoup grandi pour devenir la cité la plus peuplée de l'état.Presque à l'embouchure de la Saint Johns River,fleuve qui coule entièrement en Floride,la ville s'est d'abord appelée Cowford,le gué.Puis,la Floride ayant été rachetée à l'Espagne en 1821,elle devint Jacksonville en hommage à Andrew Jackson,gouverneur du territoire de Floride puis septième président des Etats-Unis.Comme souvent en Amérique,homonymie oblige,il existe au moins une douzaine d'autres Jacksonville dans le pays.Peut-être en visiterons-nous une autre prochainement.Pour le son c'est Lynyrd Skynyrd,insubmersible groupe sudiste qui s'y colle.Rough guys....
http://www.deezer.com/listen-893790 Jacksonville kid Lynyrd Skynyrd
Géographie: Muskogee, Oklahoma
http://www.youtube.com/watch?v=a9nu7ofgwWs Okie from Muskogee (Merle Haggard)
Une chanson peut cacher la forêt.Merle Haggard,légende vivante du country américain est maintenant l'objet d'un culte,tributes,disques,duos avec ce qui se fait de mieux.Son histoire est étonnnante et prouve si nécessaire la complexité humaine.Orphelin de père très jeune(il est né en 37) il connaît très vite les maisons de correction,puis les braquages,la taule à San Quentin où deux rencontres vont changer sa vie:Caryl Chessmann et Johnny Cash qui,lui,vient chanter.Il faut préciser que les faits reprochés à Haggard sont graves et ne pas verser dans l'angélisme.Curieusement cette chanson semble celle d'un Américain moyen très conformiste (je n'aime guère les épithètes réac ou progressiste, humaniste ou citoyen,tous vides de sens depuis longtemps).
Okie from Muskogee a bien sûr été fort mal reçu par la communauté hippie,il fallait s'y attendre.C'était en 1969.Une chanson qui vient du pays profond avec des paroles "Nous ne fumons pas de marijuana.Nous ne brûlons pas nos appels sous les drapeaux.Nous n'avons pas de longs cheveux poisseux."Quarante ans après la polémique est loin et l'on a tous appris que la convention et la rebellion étaient en fait soeurs jumelles un peu fâchées, facettes d'un même pays,voire d'un même homme. Muskogee,Oklahoma,compte 40 000 âmes environ,ni pires ni meilleures que vous ou moi probablement.Je hais les simplismes. Quant à Merle Haggard il y a longtemps que les meilleurs chantent volontiers avec lui,Kris Kristofferson,Willie Nelson,Joan Baez.D'innombrables reprises de Okie from Muskogee circulent dont celles des Beach Boys et du Grateful Dead,eux-mêmes plutôt chevelus et sous substances de leur vivant,ironie du showbiz...Et sauf erreur Oliver Stone l'a utilisée dans Platoon.
Petit rappel de l'itinéraire déjà effectué,par ordre alphabétique:
Albuquerque,Atlanta,Atlantic City,Austin,Baltimore,Baton Rouge, Berkeley, Brooklyn, Cheyenne, Chicago, Cincinnati, Cleveland, Dallas, Denver, Folsom, Galveston, Kansas City,Knoxville,Laredo,Las Vegas,Los Angeles, Memphis, Mendocino,Milwaukee, Mobile, Muskogee Nantucket, Nashville,New Orleans,Oakland, Omaha,Phoenix,Pittsburgh, Portland, Rapid City,Reno,Saint Louis,San Antonio,San Bernardino, Statesboro, Tallahassee, Texarkana, Tucson,Tulsa, Washington, Youngstown.
Géographie:Kansas City, Missouri
Curiosité géographique,Kansas City est double.Au confluent du Kansas et du Missouri la Kansas City du Kansas fait face à la Kansas City du Missouri,plus importante.Les deux sont bien sûr liées bien que d'états distincts.Les Beatles et James Brown ont chanté Kansas City.J'ai choisi beaucoup moins couru:le grand chanteur de country Roger Miller,bien méconnu en France,prête sa voix chaude à cette histoire d'une petite vedette locale à la télé qui préfère rester Kansas City star plutôt que d'accepter un job à Omaha.Roger Miller chantait des airs country plutôt joyeux mais savait prendre un accent plus grave lors de très belles chansons, simples et émouvantes,comme Little green apples ou My elusive dreams.
http://www.deezer.com/listen-3629148 Kansas City star