16 février 2023

Digital animal (Ich bin ein Berliner)

Masse

L-instant

                          Amy Liptrot m'avait beaucoup intéressé avec L'écart, il y a trois ans. La voilà de retour chez moi grace à Babelio Masse Critique, que je gratifie d'un grand merci. Titre court également, L'instant. Fugitif? Présent? Passé? Futur? Amy quitte ses chères îles nordiques, les Orcades, pour Berlin, cosmopolite, hype et amnésique. Autant dire que l'atmosphère est différente. Mais les oiseaux...

            La trentaine, libre et branchée, ultraconnectée même. Mais Amy semble à l'aise dans cette ville où l'on parle surtout l'anglais. Elle parle beaucoup d'elle, se définissant joliment comme migrante lifestyle et provisoire, et non économique ou climatique. C'est certes une forme de luxe, mais elle cumule les petits boulots entre deux fêtes techno. Et surtout Amy est de cette génération de mutants accro à ce petit objet lumineux présent partout. Vous connaissez peut-être. Et les oiseaux...

          A priori tout pour m'inintéresser si j'ose ce barbarisme. Et pourtant Amy m'a touché, un peu énervé aussi. Elle parvient à joindre le numérique et l'ailé, nullement incompatibles. Capable de Je ne veux rien de plus qu'une source biquotidienne de textos subjectifs et de Je veux juste une épaule sur laquelle m'appuyer. Mais surtout elle nous immerge en un double point de vue dans Berlin, ville extraordinaire dont on croit connaitre l'histoire. Ville de toutes les substances, des rave parties, des bains nocturnes, des addictions, mais aussi championne de la verdure où pullulent entre autres les étonnants ratons laveurs. Je vous conseille l'inventaire à la Prévert version Porte de Brandebourg. 

         Rencontres, sexe, art, art du jour, parfois caduc la semaine suivante. Berlin où le vieux aéroport de Tempelhof est transformé en piste à tout faire, skate, camp migrant, lieu de deal, bauge à sangliers, et où le célèbre Tiergarten abrite toutes les faunes possibles. Amy Liptrot, je l'avais laissée dans ses îles lointaines, déjà connectée mais aussi nageuse de Mer du Nord et passionnée d'oiseaux. Et on les retrouve, ses chers oiseaux, parfaitement adaptés à la métropole, plus intelligents que jamais. 

         Disponible, prête à bien des expériences, attachée aux changements, curieux oxymore, la trentenaire touche juste. Et dans mon cas partuculièrement en ornithologue amateur. Cycliste matinale voire nocturne, rossignols, martinets, faucons crécerelles et surtout ses chouchous les autours, rapaces prédateurs fascinants, les maîtres des nuits berlinoises, n'ont plus de secrets pour elle. Tout cela soigneusement collecté sur les écarns à tour dire, à tout montrer, à tout faire. 

       Peu geek, j'ai pourtant envie de vous conseiller cette année allemande, peu germanophone tant la pression internationale pèse sur cette ville différente. Bien sûr je suis plus porté sur les ailes du désir. Dans une vidéo je regarde un oiseau blanc, le splendide faucon gerfaut, manger la chair blanche d'un aitre oiseau blanc, un cygne. Autre citation, plus sobre, Mon projet est de trouver un raton laveur et un amant. Dans quel ordre, Amy? 

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03 août 2022

Stonemouth

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              Je n'avais jamais lu Iain Banks. Et je vous encourage à passer un week-end à Stonemouth, Ecosse, non loin d'Aberdeen, troisième ville du pays. Stewart Gilmour, 25 ans, revient au pays après cinq ans d'absence pour l'enterrement d'un vieux cacique de la vie locale, aïeul d'une famille de notables mafiosi, appelons ça comme ça. Stewart avait quitté la ville suite à une affaire que nous dirons un peu délicate. Quelques jours pour des retrouvailles avec ses amis, rivaux, ennemis de leurs tendres années. Enfin tendre, rien n'est tendre en ce bout nord-est d'Ecosse, en ces années 2010-2012. Retour à Stonemouth a été publié en France en 2014.

              Rien n'est vraiment tendre ni calme dans cette petite ville livrée à la guerre entre deux clans concurrents. Haines héréditaires malgré les rapprochements parmi les plus jeunes. Mais à Stonemouth il semble que les mentalités soient assez proches  d'une quelconque Sicile au siècle dernier. Et Stuart qui devait se marier avec une des filles du clan Murston a dû s'enfuir piteusement il y a cinq ans. La faute était pourtant vénielle à mes yeux mais la fratrie Murston, des bas de plafond au QI digne des supporters du Celtic, embiérés comme lors du derby avec les Glasgow Rangers, ne l'entend pas de cette oreille.

             Horace, Curiace, Montaigu, Capulet version scotch et Mer du Nord. Règlements de comptes, kilts et tartans. Mais Stonemouth c'est aussi un retour des vieux de 25 ans en ces années où l'on a vingt ans, toutes ses dents encore que l'Ecosse castagne volontiers, que l'on sait que l'on sera maître du monde, ou qu'on fait semblant de le croire. Souvent drôle, amitiés et jalousies, rires gras, machisme usuel, rock, ce qu'il en reste, loin, très loin du compte, mais revenons à nos moutons shetlands. Une génération un peu perdue...Pléonasme calédonien. Iain Banks décrit si bien les plages, le port, le pont parfois tragique que j'ai l'impression de connaître. Le Firth of Forth, à l'est d'Edimbourg, souvenir...Aurez-vous la même impression? 

            Une fois n'est pas coutume, j'ai un message personnel. A l'ami le Bison. Bon c'est pas tout ça mais qu'est-ce qu'on boit au cours de ce long week-end de Retour à Stonemouth?

 

          

 

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03 mars 2020

A l'écart

L'écart 

                           Un petit pas de coté, du côté nord de de l'Ecosse, ce pays aux îles innombrables et aux oiseaux opiniâtres. Mais un livre, si bon soit-il, n'est pas forcément qu'un livre. Un livre c'est parfois l'autre, qui vous a offert ou même prêté cet ouvrage . Il (ou elle) vous l'a prêté parce que, probablement, c'était une façon d'être ensemble, encore un peu, encore une heure. La personne l'ayant lu a cru, à bon escient, et connaissant a minima quelques goûts communs, prolonger ce curieux sentiment de partage à travers une oeuvre aimée, souhaitant le même accueil chez l'autre. J'ai donc reçu L'écart d'Amy Liptrot avec beaucoup de plaisir et quelqu'un que j'apprécie aura apprécié que je l'apprécie. Merci.

                           C'est en fait un récit quasi autobiographique que nous livre la jeune auteure écossaise. Née en 1986 dans les Iles Orcades, au nord de l'Ecosse, Amy nous conte comment après des années à Londres, une dépendance alcoolique majeure, et beaucoup d'errances nocturnes, elle décide de retourner dans ses îles natales. Ou comment faire le lien entre la fêtarde junkie des nuits londoniennes et la solitaire aux grands vents de la Mer du Nord. Et si la jeune femme ne condamne pas ses folies d'antan (elle envisage parfois d'y recourir à nouveau, très clairement) elle trouve dans ces confins septentrionaux un équilibre moral et physique. 

                           C'est notamment l'observation des oiseaux marins, les bains de mer et l'astronomie qui vont restaurer la confiance en son propre destin. Sur ces îlots de falaises et de rochers, vierges d'arbres et où vivent plus de moutons que d'humains, à traquer le si discret râle des genêts, à admirer la constance des sternes arctiques lors de leurs migrations records, à compter les si bruyants pétrels et fulmars, elle va refaire surface et retrouver la paix de l'âme. Nul ne sait, surtout pas elle, ce que seront les années du retour au continent. Mais, mieux armée après ses conversations avec les phoques, ses nuits au téléscope à guetter les aurores boréales, ses plongées dans ces fonds préservés et aussi riches que les Maldives, nul doute qu'Amy, une autre Amy, la troisième peut-être? verra un nouveau jour se lever.

                           Je dois ce beau voyage insulaire à quelqu'un qui a des goûts littéraires très proches des miens, qui me ressemble aussi par bien des aspects. Je lui dois donc beaucoup.

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21 avril 2019

In the name of rock/ Josie

                                   Une fois de plus, en quête de prénom, mon bon maître Don, de son accent écossais si marqué, a répondu présent. Lalena, Ballad of Geraldine, Maria Magenta, Guinevere, Celia of the seals, Jennifer Juniper, il les a tant chantées. Et moi avec lui. Tous ces prénoms que je remémore régulièrement sont pour certains fictifs, pour d'autres proches, proches de la réalité d'une vie. Depuis l'adolescent timide et introverti, envieux des copains conquérants, et déjà plus porté sur Nerval que sur le foot, jusqu'à ce jour où l'automne fait plus que  s'annoncer, elles ont..., elles m'ont..., disons, donné des coups, pas mal de coups. Dans certains cas j'avais, c'est vrai, cogné le premier. Je ne suis plus sûr de rien. Parfois pourtant ça ressemblait à de l'or dans mes mains. T'en souviens-tu,  Josie? Peu importe, She is gone (Willie Nelson).

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01 octobre 2018

Black, green, rainy, windy Scotland

                       Juste quelques gaéliques bourrasques. Juste quelques hautes terres ayant choisi le clan de la pluie. Juste quelques verres de tourbe imprégnés. Juste le noir et le vert d'une belle capitale tournée vers la Mer du Nord. Et plus nord encore, des Orcades et des Shetlands, mais je ne suis pas allé jusqu'à ce Nord là. Quelques images, ai-je dit, je n'aime pas la surenchère mais ça, je crois l'avoir déjà dit.

20180917_01  L'Athènes du Nord

20180917_07  Le Siège d'Arthur ou l'urbaine colline

20180917_17  Sir Walter Scott

20180917_18  Cieux d'Edwine-burg

20180917_24  St Giles Cathedral

20180918_28  When grey turns to grey

20180918_31  Quelque part au château

20180918_38 Robert Louis Stevenson

20180918_39  Un temple

20180920_54  Glencoe, Highlands, par temps normal

20180920_56  Glencoe, Highlands par beau temps

20180920_58  Bruyères

20180920_62  Nessie! Nessie!

20180921_81 Sealie! Sealie!

20180921_89  Enfin un peu de bleu

20180921_77  Cap au Nord-est et le mythique Firth of Forth Railway Bridge

20180921_85  Selfie avec écureuil

20180918_46  Mise au vert

                                                                                      Slainte Mhath!

 

 

 

 

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13 septembre 2018

Calédonie

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                          Je serai sur ce banc pendant quelques jours. A bientôt. Cet homme, qui a compté dans mon goût des livres, a bien remonté ma rivière en canoé. Ne lui devais-je pas une visite à sa ville natale?

                         Cet autre autochtone est resté l'un de mes phares, oublié de tous depuis les seventies. Mais pas de moi, j'ai mes propres fidélités. Bien qu'il soit né dans la ville rivale, je vous laisse avec lui et cette Fille à l'harmonica. Un certain 007, lui, a vraiment vu le jour là-bas. Mike Scott, le boss des fabuleux Waterboys, lui aussi, est bien né sur l'estuaire. This is the sea.

                        Quelques images au retour. Peu. Je n'aime pas inonder. Je me souviens d'albums photo interminables au bon vieux temps argentique. Un peu d'urbaine solitude ne saurait faire de tort. C'est un peu le principe de mon tour d'Europe des cités. Tome V après Dublin, Stockholm, Bologne, Berlin. 

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11 mars 2016

Après le film

hECTOR 

                                Belle affluence pour les pérégrinations d'Hector, sans abri écossais, et de tous les plans de ce film qu'on a cru bon d'étiqueter "à la Ken Loach" sur l'affiche. Le raisonnement est un peu curieux. Passons sur cette estampille. Hector a plu aux spectateurs mais n'a cependant pas totalement convaincu. Est-ce dû à l'habillage relativement modéré de ce fléau? Jake Gavin pour son premier film n'a pas trop chargé la barque noirceur et les rencontres d'Hector dans ce road-movie Glasgow-Londres au moment de Noël sont dans l'ensemble plutôt sympathiques. Moi, personnellement, je n'avais pas forcement envie d'un discours asséné violence et alcool et désespoir, trilogie  classique du cinéma on the road, complètement plombant et j'ai assez apprécié la (relative quand même) légèreté du film. Porté par Peter Mullan, charismatique acteur habité de bien des films anglais sur le sujet, Hector, sans idéaliser outre-mesure, parvient même à faire exister de bien improbables retrouvailles.

                                Certains spectateurs ont trouvé la formule, taxant Hector, bon film au demeurant, de calibré un peu trop conte de Noël. Tout benôitement j'étais assez satisfait d'avoir fait projeter un film qui laisse une place, pas énorme, à l'espoir. Vous savez, en ciné-débats, il faut bien le dire, c'est rarement des films qui déclenchent le fou rire.

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                                 Le Bison va m'en vouloir, le très beau La terre et l'ombre n'est pas guatémaltèque. Il n'est que colombien, Caméra d'Or à Cannes dernier. Et pas non plus désopilant. Alfonso, paysan âgé revient au pays dix-huit ans après vaoir laissé sa femme et son fils. Ce dernier est malade, poumons brûlés par les pluies de cendres et plus généralement la pollution grandissante en cette Amérique du Sud  en pleine surexploitation de la canne à sucre. Il fait connaissance de sa belle-fille et de son petit-fils Manuel. La terre et l'ombre n'est pas un film à effets, ni à explications. On a juste compris qu'on ne saurait jamais vraiment pourquoi Alfonso est parti si longtemps. Le grand-père découvre l'enfant sans aucune démagogie. Mais ce qui est inoubliable dans ce film c'est la dualité du pays à la fois nourricier et assassin. Car la canne à sucre est le seul emploi possible dans ce bout du monde, et c'est en même temps la meurtrière potentielle de ces modestes paysans.

                                César Acevedo filme à hauteur d'homme et de femme puisque sa belle-fille et sa femme tenent vaillammment de reprendre la tache du malade dans les champs de canne. Acevedo semble être un discret, pas de diatribe violente contre l'exploitant-teur, pas de véritables revendications, pas d'hystérie quelconque, mais une quadruple obsession tout au long de La terre et l'ombre, celle, physique qui condamne Gerardo le fils, celle des ouvriers de la canne, celle forcément plus forte des  deux femmes, enfin celle de la terre elle-même. Sensation claustro tant la modeste maison de la famille est enfermée entre les silences, ses plans séquences un peu appliqués, son apparente froideur quant aux sentiments des protagonistes, peuvent dans leur austérité faire trouver cette heure trente-cinq un peu longue. Ce ne fut pas mon cas. Je considère La terre et l'ombre comme un film passionnant et qui donne envie de mieux connaître ce cinéma sud-américain.

 

 

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10 mai 2015

Géographie, Toledo, Ohio

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                                         Je n'ai rien à dire sur Toledo. Si. Il semble que cette ville de l'Ohio ait été la première au monde à être jumelée. Et je vous le donne, Emile. Avec quelle cité? Tolède, Espagne. Etonnant, non? Mais c'est surtout l'occasion d'évoquer Blue Nile, merveilleux groupe de Glasgow, suivi depuis trente ans par une poignée de fantômatiques fans aussi rares que les rares albums du trio écossais. Je ne les connaissais pas beaucoup mais, piochant pour cette rubrique un peu aléatoire, j'ai découvert cette chanson sublime, Because of Toledo, extraite de l'album High (2004) qui doit être le quatrième de Blue Nile.

 

                                        Ce que l'on appelle faute de mieux la musique rock réunit en fait tellement de diversités depuis soixante ans qu'à picorer par monts et par vaux, à la faveur ici d'un souvenir, là d'une citation, on découvre où on redécouvre des perles rares. A mon sens Because of Toledo et The Blue Nile en font partie. Et vogue, de mes musiques, la felouque...

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P.S.A la fin de la chanson notre ami félin se réveille. J'espère que vous aussi. Pour mieux se reposer puisque je vais, pour quelque temps (ça m'étonnerait que je tienne longtemps), mettre ce...

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30 juillet 2014

In the name of rock/Geraldine

                                                        Comme il en a (en)chanté des prénoms de femme,celui-là, de Josie à Lalena, de Guinevere à Celia of the seals. Pourquoi suis-je en train de revisiter ainsi le barde écossais? Et même d'essayer de le jouer et le chanter. Une ballade,chiche, pour les vacances, mais c'est pas du Donovan, ni pour la chanson, ni surtout pour l'interprète.*** Plus sérieusement je vous présente ainsi The ballad of Geraldine, une mienne cousine de jeunesse, à l'époque où toutes les filles étaient plus ou moins mes cousines. Dédiée à quelques-unes parmi mes chères blogueuses, cette parenthèse douce et brumeuse, pour une autre parenthèse concernant ce blog qui va se reposer, se repauser un peu à la fin de la semaine. D'ailleurs, les chansons de ce super 45 tours parlent de soleil et d'été. Forcément...

*** J'ai dit pour les vacances et les vertes feuilles de l'été, à titre exceptionnel hein?Mansuétude souhaitée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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09 juin 2014

L'ami dans le placard...

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                                                      Ce roman court de Ron Butlin est une curiosité qui ne m'a pas tout à fait convaincu mais qui ne manque pas d'originalité.  Morris Magellan n'a pas quarante ans. Cadre dirigeant d’une biscuiterie en Ecosse, il  vit avec une femme qui l’aime, dont il a deux enfants , et possède une maison confortable. Tout va plutôt bien pour lui. Mais voilà, Magellan a une faille, qui peut être terrible. C'est un alcoolique chronique et sa dépendance  est immense. Ce n'est pas un fêtard et on comprend très vite que toute rédemption sera impossible. Morris est depuis longtemps au stade où sa vie n'est possible ni avec, ni sans l'alcool. Avec son humour et son désespoir le récit est d'une absolue noirceur et renvoie au John Barleycorn de Jack London et à Sous le volcan de Malcolm Lowry, références absolues sur ce thème, constats hallucinants d'une dégradation, cliniques et méthodiques.

                                                    Parfois drôle mais souvent cauchemardesque Le son de ma voix est très curieusement construit puisque s'adressant à Morris lui-même, par le biais du pronom personnel "tu". Un peu désarçonné au début on s'immisce ainsi dans la vie de Morris, dans ses états d'âme et ses faiblesses, ses pusillanimités sont un peu les nôtres. Et surtout on a l'impression de vivre avec le John Barleycorn de London,à tout moment et en tout lieu. L'alcool est bel et bien un personnage clé. Il n'endosse jamais la défroque du joyeux compagnon qui vous fait voir (un peu) la vie en rose. Pas plus que la robe sentencieuse d'un diable ou d'un magistrat sinistre qui va vous étendre au tapis pour le compte. Non, simplement, il est là, et je ne sais même pas comment Ron Butlin parvient ainsi à le faire vivre. Si ce n'est que le terme boue, boueux, nous est allégrément infligé à forte dose, et que j'ai trouvé ça génial. Le son de ma voix est ainsi le roman de la boue, le grand roman de la boue, celle qui désagrège l'homme, l'homme aux  semelles de bourbe, que John Barleycorn détruit de toute sa hargne, parfois un brin séduisante, il nous faut bien l'admettre. Le son de ma voix, là, sur l'étagère qui brûle un peu, tout près de La faim de Knut Hamsun. Et, pas loin, le placard. J'ai trouvé une bande-annonce d'une adaptation théâtrale autochtone qui semble fascinante.

 

P.S. Ceux qui penseraient que ce Magellan auraient l'esprit détroit ne sont que des cap-horniques chroniques qui confondent eau de feu et Terre de Feu.gros16

 

 

 

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