19 décembre 2022

Off Broadway

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                 Broadway de FabCaro est un livre de 190 pages, agréable, plutôt amusant, mais qui s'essouffle vite. C'est souvent le cas, l'humour tournant vite à la recette. Mais ne pinaillons pas, un peu de bonne humeur ne saurait nuire. Le plus drôle c'est dès le début. Les gens d'un âge certain comprendront mieux en riant un peu jaune. Bleu colorectal? Bleu colorectal est la superbe couleur de l'enveloppe plastique envoyée aux Français d'un certain âge (ça c'est pour éviter le pléonasme) pour prévention. Cette couleur obsède notre héros qui est normalement trop jeune pour cette réception. Erreur prémonitoire?

                 Notre héros habite un pavillon de banlieue, lotissement des Acacias, les lotissements ont toujours des noms très verts. Il travaille dans un bureau de je sais pas trop quoi. Tristan, son fils de 14 ans, a un peu dévissé en caricaturant deux de ses profs en position intéressante mais un peu délicate. Jade, sa fille de 18 ans, lui demande de brûler des cierges afin de défigurer une rivale. Problèmes de haies et d'apéros avec le voisin. Et un projet auquel il n'adhère pas, mais pas du tout, une semaine de paddle à Biarritz avec un couple d'amis.

                 Les amis, si on veut les garder, plus ou moins, il ne faut jamais rien faire avec eux. Et surtout pas le barbecue, cette sinistre pantomime qui consiste à jouer l'homme des bois, boire du rosé et surveiller les enfants. L'horreur. Notre héros a 46 ans, pas l'âge des prélèvements, sauf fiscaux. Broadway, c'est la comédie musicale de fin d'année de sa fille en terminale, ratée. Ratée aussi, mais en douceur, la vie de notre héros. A la manière d'un film avec Dubosc ou Commandeur qui nous faire rire un quart d'heure,  sourire dix minutes puis trouver le temps long.  En général il reste encore une heure vingt. 

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15 décembre 2022

Seine de vie

Roman-Fleuve

                          Trois hommes dans un bateau est un roman anglais comique qui eut son heure de gloire, publié en 1894. Philibert Humm devrait vous faire passer un bon moment avec ce Roman fleuve qui reprend le sillage du canot de Jerome K. Jerome. La Seine remplaçant la Tamise. Ils sont jeunes, ils sont trois, ils n'ont aucune connaissance de la navigation et ils décident de descendre le cours de la Seine de Paris au Havre. Croisière pour le moins hasardeuse mais surtout désopilante, sorte de huis clos aquatique marinier pour nos héros plus près du potache post-acnéique que du matelot même d'eau douce.

                         Eau pas si douce que ça. L'entrée en Seine des trois hurluberlus est d'entrée placée sous le régime d'une démocratie relativement relative. Un capitaine, un major ça sonne pas très marin) et un écopier (ça, ça sonne bien aquatique). On sent d'emblée un remake de Mutiny on the Bounty. Le canoé d'occasion a été baptisé le Bateau.C'est beaucoup dire. Ne croyez pas qu'il suffit de se laisser porter par le courant, comprennent-ils au bout d'une journée, distants seulement de quelques stations de métro du Trocadero. 

                         Malgré le rideau de douche sur la tringle élevée au rang de mât nos explorateurs n'avancent guère. Abordage sur des rives parfois hostiles même si on ne signale aucun cas de cannibalisme dans la vallée de la Seine. Il faut aussi compter avec les péniches, la Vahiné, la San Francisco, aux noms exotiques et qui joignent à peine la Belgique, voire les navires vrais dans le port de Rouen. Avec le flou artistique entourant un tel périple ni interdit ni autorisé. Et des autochtones parfois sympa, portés sur la dive bouteille même sans bateau à l'intérieur. Roman fleuve est illustré de quelques dessins remarquables et prestigieux, un réchaud à pétrole Eva-Sport, un lance-pierres destiné à la survie, que l'équipage perdra très vite, un récepteur radio portatif à piles c'est à dire un transistor, une paire de chaussures bateau en 43. Prometteur, non? 

                       J'ai apprécié les chapitres titrés à la Jules Verne dans ses Voyages extraordinaires. Quelques exemples. Où l'on découvre que nos rames sont des pagaies (il faut attendre la page 101)-Réquisition d'une chaussette sur l'île aux Dames.-Ventre mou du récit (noter la lucidité de l'auteur)-Faux bonds et ricochets. Et que dire de la réelle poésie des villages baignés par Dame Seine, Port-Pinché, Pampou, Tournedos, La Bouille. De belles rencontres aussi avec Sylvain Tesson, en avance sur notre infernal trio de quelques milliers de décalages horaires, Johnny, maître es karaoké et rosé, Monsieur Mallard, 91 ans, profession chantier naval-café-buvette-raconteur d'histoire qui évoque avec émotion 1945, pas la capitulation mais la crue historique du 16 février, 6,87 mètres sous le pont d'Austerlitz. Peut-être aussi un satyre hante-t-il les rives de Seine, en mal d'ondines?  Pas de confirmation, des doutes.

                     Juste quelques formalités. Notamment l'officiel document des Voies Navigables de France. Vous devez obtenir une décharge de vie. Sans ça, à partir de Rouen ils ne vous laisseront pas passer. 

                      Le moral était fixe. Les conditions de navigation excellentes. L'avenir tout tracé. Mais l'avenir n'aime pas bien qu'on le trace. Je crois même qu'il a horreur de ça.

                     Embarquez donc sur le Bateau, ce canoé deux places où ils sont déjà trois. Passagers clandestins le Surréalisme, Devos, Desproges, Monty Python en Seine-et-Oise. Suprême rigolade, ils ont donné un prix à Roman fleuve. Fluctuat et un peu mergitur. 

                      

 

 

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25 septembre 2022

Le mâle absolu

Le voyant d'Étampes par Abel Quentin

                 Peu enclin à m'intéresser à Jean Roscoff, universitaire alcoolique juste retraité, ancien soixante-huitard, j'ai cependant daigné lire Le voyant d'Etampes que l'on m'avait prêté. Bien m'en a pris. Non que le personnage soit particulièrement sympathique mais il m'a quand même touché par ses maladresses et son inaptitude à respirer l'air actuel. Décidé à écrire un essai sur un poète américain méconnu ayant vécu en France et mort au volant dans l'Essonne. Cet essai, Le voyant d'Etampes, va lui valoir bien des complications publiques et privées. 

                 Gravitent autour de lui une ex-femme prompte à donner des leçons, une fille forcément lesbienne, un ami pas très enthousiaste, et surtout des souvenirs de tous les combats, un bien grand mot, qu'ont soi-disant livré les gens de cette génération. Shoegazing et nombrilisme à tous les étages. La carrière littéraire de Roscoff est en cale sèche. Un premier essai sur les Rosenberg, mort-né, vu qu'il défendait une possible innocence des époux à l'instant même où fut prouvée leur culpabilté. Mais Le voyant d'Etampes va autrement déstabiliser notre ami et lui rendre la soixantaine orageuse.

                  C'est que dans cet essai Roscoff, suprême insulte, titanesque malveillance, se permet de parler de Robert Willow (un peu un mix de James Baldwin et de Richard Wright, qui furent les coqueluches du petit monde germanopratin, si avenant) sans trop insister sur le fait qu'il était noir. Peut-on écrire ou dire ça? Et puis de toute façon, à quel titre ose-t-il parler au nom d'un homme de couleur, lui mâle blanc hétéro, pouah?

                 C'est volontairement que j'inachève cette chronique. Sûr de deux choses malgré tout. Un, Jean Roscoff, plutôt pas très intéressant, a fini par me devenir sympathique tant le déluge cancelo-bienpenso-démago-néoconformiste est ahurissant. Et deux, lisez Le voyant d'Etampes. On y rigole souvent, d'innombrables drôleries sur cette société. Puis on est terrifié. 

                 

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27 février 2022

Deep Heart

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                        Lecture commune avec Val La jument verte de Val au coeur du pays le plus exotique qui soit, le Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. Déjà l'appellation...J'aime bien Jonathan Coe (La pluie avant qu'elle ne tombe, Billy Wilder et moi) toujours très fin observateur. Le Brexit ne vous passionne pas? Je demande ça parce que le Brexit est le personnage principal de cet excellent roman tout à la fois émouvant et cocasse, acéré et distant. Un exploit que de faire aimer cet imbroglio insulaire aux Frenchies d'outre Channel. 

                       Plusieurs destins se nouent et se dénouent lors des années d'avant la décision so British d'envoyer paître Dame Europe. Benjamin, quinqua qui vit seul et tente une carrière littéraire. Sa soeur Lois à l'aube d'un divorce. Doug, journaliste plutôt proche du Labour, partisan du Remain mais dont la maîtresse est une parlementaire conservatrice plutôt favorable au Leave mais pas trop quand même. Sophie, la fille de Lois, au mariage hasardeux. La toute jeune Coriandre (comment peut-on s'appeler Coriandre?), ultragauchiste sans concession, aux seize ans stupides et navrants (mais les miens ne l'étaient-ils pas un peu?). Charlie, ancien condisciple de Benjamin, qui fait le clown au sens propre dans les goûters d'enfants et dort dans sa voiture.

                       Tous un peu perdus en une symphonie d'Albion qui perd la tête, ces hommes et ces femmes nous vont droit au coeur. Humains, trop humains. J'ai envie d'un tee-shirt "Je suis British". Parfois désopilant à l'instar de la couverture vraiment hilarante, Le coeur de l'Angleterre est un grand roman sur le désenchantement et l'égarement qui peut prendre le contrôle des hommes. Et même des Français peuvent s'insinuer dans cette passionnante English story. Le Brexit aura au moins donné naissance à un livre assez génial. Quelques toutes petites concessions aux minorités, il est devenu si difficile de faire autrement. Mais je n'en dirai pas plus. Si, un tout petit extrait. Funny, isn't it? 

                      Le directeur de département de Sophie, Martin Lomas, cinquante-deux ans, était professeur d'histoire européenne, spécialisé dans le  rôle joué par le lin dans les accords commerciaux entre la Grande-Bretagne et les pays Baltes au début du XVIIe siècle, sujet sur lequel il avait déjà écrit quatre ouvrages.

                      A l'heure où je rédige j'ignore totalement le vote de mon amie Val. Read-remain ou read-exit? So long, dear friends. 

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17 février 2022

Bon appétit Messieurs

Dejeuner 

                 Ce déjeuner est délicieux. Il en émane un charme très plaisant à l'évocation de mai 68 vu du palace parisien le Meurice où doit avoir lieu la remise du prix littéraire Roger-Nimier,l'un des rares prix de printemps, financé et organisé par la milliardaire Florence Gould, elle-même pensionnaire permanente du Meurice. Tout ça au cours d'un déjeuner prestigieux avec les membres du jury, Blondin, Jouhandeau, Morand, peu suspects de gauchisme, un aréopage très masculin, et quelques invités de passage dont Dali, son épouse Gala et son ocelot Babou. On attend le lauréat, un tout jeune auteur qu'on nobélisera cinquante ans plus tard.

                 Seul écueil, de taille, en ce joli mai Paris est en rade et le Meurice...plus ou moins en autogestion. Les clients, sultan de Zanzibar, maharadjah de Kapurthala, ne sont plus là. De toute façon ni trains ni avions ne condescendent à fonctionner. Rares sont les taxis. Et puis il y a plus de vingt ans que l'on ne croise plus au Meurice le maréchal Von Choltitz se demandant Paris brûle-t-il? L'auteure explore pour nous les arcanes du palace en mode mineur. Le directeur n'étant plus reconnu, plus grand-chose n'étant reconnu dans Paris, le maître d'hôtel en chef et le concierge assurent tant bien que mal un fantomatique service. L'un penchant pour ce magnifique élan populaire, l'autre le déplorant. Moi, moi qui vous parle, je n'étais plus étudiant, il n'y avait plus d'études que la SNCF de toute façon m'interdisait, comme la pénurie d'essence. Donc moi je ne penchais pas. Je ne penche toujours pas, enfin pas sur ce sujet.

                La tendance du roman lorgne vers le burlesque avec  des scènes surréalistes étonnantes bien que ces quelques semaines printanières autorisent pas mal de licences. Il était interdit d'interdire. On a surtout oublié d'interdire la bêtise, incommensurable et tellement partagée. Les directeurs de palaces se réunissent au Fontainebleau, luxueux bar du Meurice. Ils s'appellent par leur raison sociale, un, enfin plusieurs cocktails pour Ritz, pour Plaza, pour Bristol, pour Crillon. Charmeuse, un des quatre pékinois de la milliardaire, aura maille à partir avec Babou le félin du moustachu catalan perpignanocentré. De littérature pour ce prix Roger-Nimier il n'est guère question. Florence ne lit jamais. Morand est surtout assez satisfait des ennuis de De Gaulle, Morand qui fut loin d'être résistant. Blondin ne craint que le rationnement liquide. 

              Pas de belons au menu non plus. Mondanités et ragots, mais dans la soie. Le lauréat, famélique et bégayant, est devenu depuis l'un des plus grands écrivains français, même s'il se voit parfois reprocher d'écrire toujours le même livre. Patrick! Pas tout à fait faux. 

              Ritz n'a encore rien dit. C'est tout de même une référence dans la profession. Ritz a un ascendant certain sur ses confrères, auréolé qu'il est par le génie maladif de Proust et le courage alcoolisé d'Hemingway. Même en tournant toutes le pages de leurs livres d'or,  aucun de ses homologues ne peut se vanter d'un passé aussi chic. Son nom est l'antonomase des palaces. Fitzgerald n'a pas écrit Un diamant gros comme le Bristol ou comme le Plaza. Non, il a écrit Un diamant gros comme le Ritz. C'est à vous rendre jaloux quand on fait le même métier. Dans ce syndicat qui n'en est pas un il fait figure de chef.

             Plongez dans le quotidien eceptionnel du célébre établissement. Au menu du Déjeuner des barricades, à défaut du luxe étoilé des autres années, un millésime d'humour et de fantaisie de très bon aloi, orchestré par une Pauline Dreyfus très affutée en maîtresse de (grande) maison.  

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03 février 2022

A propos de plateformes 🎸

                     Auraient-elles du bon? David Crosby, Stephen Stills, Graham Nash et Neil Young se seraient adressé la parole dans leur lutte contre l'une d'entre elles. Pas  de confirmation à propos d'un mail envoyé par Paul Simon à Art Garfunkel. Mais qu'est-ce que je les aime toujours...Nul ne guérit de ses vertes années.

 

 

 

 

 

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11 novembre 2019

A la une

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                       Ne le répétez pas mais j'ai passé avec mon amie Val (La jument verte) une nuit assez agitée, un peu compliquée mais très sympa. Un peu handicapé car en fait je n'ai jamais lu ni Alice au pays des merveilles ni De l'autre côté du miroir. Et Fredric Brown s'y entend pour mélanger les éléments fantastiques et policiers. L'action se déroule en une seule nuit. Doc Staeger dirige un journal très local, le Carmel City Clarion, plus ou moins du côté de Chicago. Doc, qui ne possède qu'un employé, assume tout dans sa feuille de chou, et cherche d'ailleurs à vendre. Il assume même l'absence totale d'informations un tout petit peu importantes dans Le Clairon. Depuis toujours. Mais ce soir...

                       Mais ce soir c'est différent, allez savoir pourquoi. Après le bouclage de l'édition Doc traverse la rue pour s'en jeter un chez Smiley. Ca lui arrive. Il aime le whisky, jouer aux échecs et parler de Lewis Carroll. C'est un peu comme une secte, ça, les fans de Lewis Carroll. A partir de là tout peut arriver. Tout arrive. Les quelques douze heures qui suivent vont être fertiles en péripéties hautement improbables mais plutôt drôles et malgré tout bien ancrées dans une Amérique fifties et rurale. Bon, c'est une histoire d'hommes, je vous préviens, avec verres, flingues, bagnoles.

                      Laisser sa raison au vestiaire et partir pour la nuit de Carmel City. La nuit du Jabberwock, mais vous connaissez tous le, ben si, le Jabberwock. Demandez à Alice. A moins que le Jabberwock...C'est toujours un peu fou-flou avec lui. Mais certaines balles sont bien réelles, les calibres sérieux, et quelques morts ne se reléveront pas. Fredric Brown est un auteur tricompartimental. Polar, science-fiction, humour. Et parfois c'est pêle-mêle. Très réussi en ce qui concerne La nuit du Jabberwock. J'ai apprécié la bourgade dans sa nuit ordinaire, une nuit des années cinquante, qu'on qualifierait maintenant d'un peu macho. Les femmes sont en effet totalement absentes. Même pas de blonde à la mèche fatale, ou d'entraîneuse de bar. Faut dire que des bars, il n'y en a qu'un, aux rares clients, qui laisse le temps de philosopher ou de faire échec et mat, encore faut-il qu'on soit au moins deux.

                    Tout cela, entre Alice et le roman noir, se lit avec délices. Pas tout compris à la résolution de l'énigme, mais approché très furtivement l'univers de Lewis Carroll, qui se limitait pour moi jusqu'à présent au génial I'm the walrus des Beatles. Mais qu'en pense Val, à qui j'ai rendu sa liberté au lever du jour? Mais à tout hasard, si quelqu'un sonne à la porte, méfiez-vous. Il n'est jamais complètement exclu que ce soit lui.

                        Nous trinquâmes, flacon contre bouteille, et il avala le tout selon sa stupéfiante méthode. J'étais en train de reboucher la bouteille de whisky quand Yehuda Smith mourut.

 

 

 

 

 

 

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09 octobre 2019

La fureur d'écrire

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                        Le nom de James Agee est bien méconnu en France. Seuls quelques cinéphiles savent qu'outre les scénarii d'African Queen et La nuit du chasseur il est l'auteur de Louons maintenant les grands hommes,  brûlot signé avec le photographe Walker Evans sur la situation des fermiers du Sud dans les années trente, et bien plus tard d'Une mort dans la famille, Prix Pulitzer 1958 à titre posthume.

                        Rodolphe Barry, déjà auteur de Devenir Carver, passionné des lettres américaines, nous plonge dans la vie agitée, douloureuse, presque sacrificielle (le terme ne lui aurait pas déplu) de James Agee (1909-1955). Né dans le Tennessee Agee, tiers-mondiste avant la lettre, très engagé en une gauche américaine loin de se satisfaire du New Deal de Roosevelt. Au point qu'on peut se lasser de sa perpétuelle attitude de révolté donneur de leçons. C'est un peu mon cas à la lumière de l'excellent ouvrage de Rodolphe Barry. C'est que James Agee coche toutes les cases. Hypersensible, alcoolique, tabagique au possible, débauché au sens moral de l'époque, antiestablishment maladivement. Ecrivain, journaliste, critique littéraire et cinématographique admirateur et admiré de Charlie Chaplin, il n'eut de cesse de pourfendre les injustices. 

                       Hollywood fit appel à lui. Il n'y fut guère heureux mais aucun écrivain de talent ne fut à l'aise comme scénariste à Hollywood tant leur imaginaire fut bridé par les majors. Rodolphe Barry n'occulte pas l'asociabilité d'Agee ni ses si tumultueuses relations avec ses femmes, dont trois épouses et de nombreuses et parfois très jeunes maîtresses. Le critique cinéma ne se fit pas non plus que des amis tant il avait la dent dure. Barry cite ainsi à propos d'un film de guerre:" Quand un groupe de dix acteurs maladroits tombent maladroitement et font semblant d'être morts un sourire maladroit aux lèvres, est-ce rendre justice à la réalité endurée par des soldats?"

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                       Agee fut l'un des rares à soutenir Chaplin jusqu'au bout et Barry raconte l'émouvante scène de James venu sur les quais de Manhattan saluer le départ du Queen Elisabeth qui emmène le maître du Septième Art en Europe, la plupart des Américains ne le reconnaissant plus. Les deux hommes ne se reverront jamais. Cette approche de la vie de l'un des grands Américains du siècle dernier, l'un des moins célébrés, est un passionnant roman vrai qui m'a donné envie de relire Une mort dans la famille. Même si je pense que le meilleur Agee se niche dans les textes courts, articles, critiques.

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17 août 2019

Trop d'années

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                                       Cinquante années. Vous-ai-je dit que j'y étais?  Ou plus exactement j'ai serré la main il y a quelques années de Leo Lyons, bassiste de Ten Years After, qui, eux , étaient sur scène là-bas. C'est tout comme si j'y étais, non?

                                  Peter, très contemporain de tout ça, a stoppé sa machine hier. Cavalier tranquille, pas sûr? So long Captain America. Et le plus grand morceau de rock de l'Histoire. Rien à rajouter. Trop d'années.

 

 

 

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15 avril 2019

Bi ou les roues de la discorde

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                                Pas mal du tout, cette lecture, sans prétention mais non sans plaisir. Pas mal d'humour aussi, de cet humour qui parsème des écrits sur le voyage ou le progrès technique, souvent apanage des Anglais, Jerome K.Jerome, Redmond O'Hanlon par exemple. Sauf que Uwe Timm est allemand de Hambourg et que son héros est taxidermiste de talent dans la petite ville de Cobourg en Bavière, cette ville a un passé un peu gênant puisqu'elle devint la première en Allemagne à élire un conseil municipal nazi. Ce n'est donc pas cela qui est drôle dans L'homme au grand-bi.

                               Un peu excentrique, un peu utopiste, Franz Schroeder a l'idée d'importer le grand bi, cette bicyclette préhistorique, dans la petite principauté de Cobourg, qui s'ennuie gentiment dans son décor d'opérette. Mais il ne s'attend pas à un tel tohu-bohu et à de telles réactions qui scindent bien vite la ville en deux camps. Cet avant-gardisme est dans l'ensemble assez suspect. Ne cacherait-il pas des sympathies socialistes? Mais un autre danger guette notre naturaliste éclairé. La concurrence débarque avec l'apparition face au grand bicycle aux deux roues extrêmes, d'un moyen bicycle aux deux roues parfaitement égales. Platitude et inélégance, pense Schroeder. Mais les adversaires ne désarment pas, mettant l'accent sur les risques de chute et de... stérilité, voire d'auto-castration des adeptes masculins de l'engin. De toute façon la selle de ces nouveautés n'est pas convenable pour un postérieur féminin.

                              C'est un bouquin fort sympa que L'homme au grand-bi, que j'aurais bien vu adapté par Lubitsch, jolie comédie douce amère, qui tente de décloisonner un peu cette société fin d'empire. Mais sans leçons, car certains bourgeois fraternisent avec les modestes, ne serait-ce que pour dire pis que pendre de cet original qui empaille les chiens des aristos aussi bien que le gibier des braconniers. Cette Allemagne là  avait encore le sourire, un peu figé, mais bon enfant.

                              "L'adepte du grand-bi suit son chemin, les sens en éveil, comme un Indien suit une piste. Fini les ruminations malsaines, il s'agit d'ouvrir l'oeil, et le bon. Le grand-bi est une machine à aiguiser les sens: vue, ouïe, toucher. Maintenir en érection, grâce au mouvement, ce qui est normalement destiné à tomber lourdement, voilà l'arterfact dont on fait soi-même partie intégrante, la beauté se  savourant elle-même."

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