24 mai 2013

Kafka sur le rivage

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                  La littérature du coeur,cette expression banale prend tout son sens à l'évocation de ce très beau livre de l'auteur allemand Michael Kumpfmüller.Ignorant et l'auteur et l'ouvrage je suis tombé dessus en librairie et il m'a attiré très vite.La quatrième de couv. ne m'en disait ni trop ni trop peu.J'ai eu envie.Et La splendeur de la vie est un grand livre,qui m'a beaucoup parlé,bien que piètre connaisseur de Kafka.Mes connaissances sur lui se bornaient à La métamorphose,Le procès de Welles,le vieux film de Soderbergh Kafka.Du tout bon,tout ça, mais qui ne me donne aucune légitimité particulière pour évoquer Kafka.Après la lecture de La splendeur de la vie j'ai le sentiment d'avoir mieux saisir la personnalité du Praguois.Et ce grâce à la prose toute en retenue de Michael Kumpmüller, né à Munich en 1961 et dont un seul autre roman a été traduit en France,Fugue en lit mineur (Denoël,2003).

              Kafka,à la santé fragile,séjourne l'été 23,sur la Baltique.Il y fait connaissance de Dora Diamant,quinze ans de moins que lui.Cet amour sera brisé par la mort de l'auteur moins d'un an après.Trois saisons auront suffi pour anéantir totalement l'homme.C'est l'histoire de ce coup de foudre,entre Franz,quarante ans,assez célèbre mais désargenté,et la jeune femme,juive elle aussi,modeste cuisinière dans une colonie de vacances à Müritz,station balnéaire.On vit alors le quotidien de Franz et Dora qui finiront par habiter ensemble à Berlin,peu de temps, et dans la précarité sanitaire et matérielle.Ce sont les fameuses années d'hyperinflation en Allemagne où l'on imprimait des billets de 500 000 000 marks.Tout est si difficile mais Kumpfmüller qui a fait un gros travail de documentation sur journaux,carnets et correspondance de Kafka,nous présente un homme marchant certes vers la mort,mais dans une paix relative grâce à Dora, discrète et tendre.Un Franz Kafka presque heureux.

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           Le livre est bouleversant,mais dans la simplicité et la pudeur.Nulle confession intime,nul secret un peu croustillant dévoilé, mais beaucoup d'amour,en peu de gestes,ils n'en auront pas eu le temps.Un bref retour à Prague,où les retrouvailles avec les parents sont tièdes.Un certain regain d'intérêt pour le Talmud. Des rêves d'évasion,de Palestine aussi.Le sionisme est passé par là.Les plus clairvoyants avaient soupçonné qu'à la République de Weimar succéderaient des années de plomb.Ils étaient encore en dessous de la vérité.La splendeur de la vie cache sous un titre qu'on jugerait mièvre une flamme superbe qui me confirme que dans la vie de chacun ce ne sont pas forcément les années en commun qui comptent le plus,et que l'intensité de quelques dizaines de jours et de nuits dans l'unisson fait parfois plus pour le bonheur de l'homme.

         Je termine ce jour une bien belle lecture que je n'oublierai pas,précieuse et vivace,sur un thème des plus sombres mais diablement humains.Il me semble voir le visage de Dora,son sourire qui aura illuminé la fin d'un écrivain immense,qu'il n'est pas du tout nécessaire d'avoir lu pour apprécier La splendeur de la vie.Puisse ce livre relancer le goût de vivre...Dans la forêt viennoise ne survivent pas que des légendes.Dans un sanatorium de Kierling,un jour de 1924,l'amour a triomphé.

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19 février 2013

Un petit pas pour mon italianophilie

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            Giovanni Arpino,je ne le connaissais presque pas.Il y a assez peu de temps que j'ai appris que le narquois Dino Risi l'avait adapté deux fois avec le grand Vittorio Gassman pour Parfum de femme et Ames perdues.Ce sacré persifleur de Risi m'a souvent enchanté.J'ai donc logiquement découvert cet écrivain italien (1922-1987),avec ce court roman,Le pas de l'adieu,qui met en scène deux professeurs de mathématiques.Déjà,moi,les profs de maths,je les hais, viscéralement,génétiquement,je leur dois de mauvais souvenirs,moi qui adorais l'école.Mais voilà,ils péroraient,poètes de l'équation,contemporains de Pythagore. Mais là je m'égare de la bissectrice,ou bien est-ce la médiane?Bon,il y a le très vieux Professore Bertola et le jeune agrégé Meroni.Le premier se consume, pensionnaire chez les soeurs,jumelles et bien mûres,Mimi et Violetta.Nous sommes à Turin qui est une Italie toisant Milan qui toise Florence qui toise Rome qui toise Naples qui toise Palerme qui toise le tiers monde.Mais est-ce que je ne me fourvoie pas,avec ces formules alambiquées,peu adepte de la rigueur mathématique de mes professeurs turinois,jeune ou vieux?

Il viaggio

              Un pacte lie les deux hommes.En attendant lis jouent aux échecs en conversant des anneaux de Saturne,de l'architecture de Bramante ou de la métrique de Vivaldi. Prudent,je reste à distance.Ces deux-là sont plutôt des pas marrants. Mais le récit s'humanise avec l'arrivée du patron de la trattoria où Carlo Meroni a son rond de serviette.Ce Zaza possède une voiture,un revolver, quelques fréquentations douteuses.Je vais un peu mieux.Et puis il y a Ginetta,nièce des deux soeurs,pulpeuse comme Sofia Loren dans les années cinquante,qui vient loger près du vieux professeur.Incendiaire,la Ginetta?Pas réellement,mais l'esprit de  décision est plus fort chez elle,la solution viendra donc d'elle.Enfin,la solution,une solution.

               Il viaggio,challenge de Nathalie,amie de Twain et de Proust, c'est aussi la destination de  cet article,pas follement enthousiasmant, mais vous êtes en droit d'avoir un avis différent.Ciao! http://chezmarketmarcel.blogspot.fr/p/il-viaggio.html

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05 mars 2012

Vienne cesse parfois de chanter et de danser

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            Arthur Schnitzler (1862-1931) fait partie de ma galerie depuis longtemps. C'est d'ailleurs le cinéma qui m'a permis de découvrir ce Juif Viennois. Max Ophuls,pas viennois mais on le croirait,m'avait ébloui,enfant,sur la télé de mes grands-parents,avec La ronde,adapté de la pièce de Schnitzler qui fit scandale.Liebelei,et pas mal d'autres textes m'avaient enchanté.Ce recueil publié sous le vocable La pénombre des âmes,aucune nouvelle ne portant ce titre choisi par Schnitzler en personne,prouve encore une fois que ce vivier littéraire estampillé Mitteleuropa était décidément une mine.Cet homme avait parfaitement compris la poudrière austro-hongroise et son crépuscule annoncé,eu égard à son éducation très classique de fils d'un grand spécialiste médical,en butte à la longue hostilité de son père envers ses ambitions littéraires.Arthur Schnitzler ne se sentit d'ailleurs vraiment libre qu'à la mort de ce père qui l'avait obligé à des études de médecine et de psychiatrie qui ne satisfirent jamais totalement l'auteur de Mademoiselle Else,passionné par l'écriture et plus encore par le théâtre,expression reine dans la Vienne fin de siècle.

         Une dizaine de nouvelles dans La pénombre des âmes,toutes marquées du sceau de l'inéluctable,de la mort,belle ballerine viennoise qui hante le Ring et les soirées.La camarde ici se veut élégante,au détour d'un duel ou d'un suicide,car il n'est de belle compagnie qui ne se quitte.De très beaux tableaux de cette vie viennoise,l'on y sent obscurément que les temps changent.Bien sûr les adultères y sont essentiellement bourgeois,les cochers de fiacres restent à leur place,les officiers supérieurs ouvrent le bal.On s'aime et on se déchire allégrément et surtout on meurt bien à Vienne,une mort trois étoiles pour sauver un honneur,ou d'une maladie post-romantique,et on veut que sa mort bénéficie si,possible d'une belle mise en scène.Dans La mort du vieux garçon ce dernier laisse une lettre où il confesse cinq liaisons avec les femmes de cinq amis qu'il convoque après son dernier soupir.Dans Les morts se taisent Emma abandonne le corps de son amant et fuit le scandale avant une probable rédemption devant son mari universitaire,que Schnitzler nous laisse orchestrer. Immense écrivain,Arthur Schnitzler fait de nous des Viennois d'adoption.Promenons-nous donc au Prater,les équipages y sont gracieux.

Des nouvelles d'Arthur

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