02 novembre 2018

Et moi je lis toujours

et-moi-fin-612x375

                              Oui, à peu près toute ma vie, j'aurai lu Jean d'Ormesson. Et croyez-moi c'est pas ce que j'ai fait de plus mal tant Papy Jean est pour moi avant tout synonyme de plaisir de lecture. Et moi je vis toujours restera son dernier livre et je m'en serais voulu de l'avoir négligé. Jean d'O. tournait peut-être un peu en rond ces dernières années mais les ronds de d'O. valent leur pesant de bonheur. Je l'ai déjà écrit à plusieurs reprises, cet homme ne m'a presque jamais ennuyé. Bien peu d'êtres humains peuvent en dire autant, et je ne parle pas que des écrivains.

                             Ma complicité avec Jean date des années 70. Vous avez vu, quand je parle de d'Ormesson je ne dis pas les sixties. On est là certes dans une qualité France mais tellement séduisante que c'est au delà d'un nationalisme racorni, tant l'esprit est omniprésent dans ses livres. D'où me vient alors cette sensation, pour tout dire un peu inquiétante, d'assister au chant du cygne, non seulement du cher Jean, après tout la Grande Egalisatrice attendait depuis pas mal de temps le ludion cultivé, mais aussi de la grande aventure de mes lectures.

                            C'est vrai aussi que peut-être je n'ai trouvé ici qu'une certaine application de bon aloi. Nous n'en sommes plus à la fête d'Au plaisir de Dieu ou de sa si jolie trilogie toscane et romanesque (Tous les hommes en sont fous, Le vent du soir, Le bonheur à San Miniato). Ou encore le merveilleux Voyez comme on danse. Cet homme, souvent perçu comme irritant, même par moi de temps en temps, m'a fait rêver. Et puis bien sûr,avec le temps...il est parti, ayant presque tout dit., ayant beaucoup séduit, ayant beaucoup aimé, ayant beaucoup admiré. Merci.

Posté par EEGUAB à 20:51 - - Commentaires [8] - Permalien [#]
Tags : ,


27 mars 2016

Au plaisir de lire, Jean d'O.

Ormesson

                                Au risque de me répéter, ce qui arrive parfois, cet homme là ne m'a jamais ennuyé. Et croyez-moi, peu de gens peuvent en dire autant, et je ne parle pas là uniquement des écrivains. Beaucoup, et non des moindres parfois, y compris du côté vie privée m'ont parfois cassé les pieds. Mais ça c'est une autre histoire. Papy Jean, rétabli, imagine avec coquetterie, le contraire m'eût étonné, son propre procès. Face à un juge nommé MOI il se défend sous le beau nom de MOI. Et c'est parti pour 462 pages à la Jean d'O. Prétentieuses et insupportables pour certains, somptueuses et géniales pour moi avec un soupçon d'irritation car il m'irrite un peu de temps en temps avec son carnet d'adresses tant passées que présentes voire futures. Car s'il ne m'ennuie jamais il me renvoie quelquefois à mon abyssale ignorance, ceci sous couvert de la soi-disante sienne, d'ignorance.

                              Alors on croise du monde bien sûr et fleurissent quelques citations, Apollinaire, Aragon dont Je dirai malgré tout que cette vie fut belle fournit le titre du livre dans la lignée des derniers ouvrages de l'académicien. Bon, je sais que le côté bottin mondain et délices méditerranéens indispose certains. O.K. mon Papy Jean est un cabotin, un brin T.V.addict, charmeur de ces dames au demeurant, ce qui n'a rien pour me déplaire. Mais à l'heure où tant d'histrions plastronnent malgré le vide sidéral de leurs hémisphères cérébelleux, les exemples abondent, au moins avec d'Ormesson il en reste derrière le plastron. D'abord une culture prodigieuse assez classique mais depuis quand est-ce une tare? Parfois le name dropping pèse un peu mais partout le goût du désir, l'appétance des beautés de toutes sortes, la splendeur des criques et le bruit des skis font bellement saliver. Bien sûr lui a connu ça avant que la piste des Gentianes ne ressemble à Châtelet et que le voisin de palier ne dîne à la même trattoria que vous à Positano.

                             On taxe souvent Jean de légèreté mais j'aimerais que bien des auteurs  fassent preuve d'autant d'esprit et de répartie. Intarissable aussi sur le cosmos et l'univers, moi qui, galaxiquement parlant, suis du niveau de la moule de rocher. Hideuse écrivaillerie réactionnaire, si indigne de la Pléiade, certains sont capables de penser ça, pas beaucoup, je crois, et puis après tout j'arrête là. Ce grand monsieur plein de défauts est un bel écrivain et se défend très bien tout seul.

Posté par EEGUAB à 07:35 - - Commentaires [12] - Permalien [#]
Tags : ,

09 octobre 2015

Deux habits verts

Rouart

                          Fils d'une famille de peintres proches de Degas et Manet, Jean-Marie Rouart (de l'Académie Française) est un esthète vaguement dilettante et qui sait comme tous les dilettantes faire preuve de profondeur. Ne pars pas avant moi a été écrit alors que son auteur venait d'échapper à la mort. Et c'est peu dire que la richesse d'une vie parcourt ce roman biographique, comme suspendue genre Damoclès et son fil du temps en forme d'épée.

                      Moi qui me suis passionné pour la folle question de la destinée-pourquoi cela arrive-t-il?-pourquoi ceci n'arrive-t-il pas?-j'attendais de la mort qu'elle se manifestât avec un peu plus de majesté, des estafettes, des clairons. Napoléon, dans ses derniers instants, espérait que sa fin serait accompagnée de l'apparition d'une comète, à l'instar de César. La comète n'a pas été au rendez-vous. Philosophe, Napoléon s'est exclamé:" On peut tout aussi bien mourir sans comète."

                      Néanmoins roman Ne pars pas avant moi nous permet de croiser le plutôt hautain François Nourrissier, Jacques Vergès entre deux mondes, Franz-Olivier Giesbert torturé. Maurice Rheims, finement appelé "un Mazarin en espadrilles". Et surtout l'ombre du héros de Jean-Marie Rouart, devenu son ami, qui est aussi l'un des miens tant cet homme insupportable a su, si talentueux, si bien écrire et si bien vivre, et surtout, chose rare, ne jamais m'ennuyer. J'ai nommé Jean d'Ormesson, si pimpant et si cabotin, mon Papy Jean.

                     Mais Rouart nous conte aussi sa jeunesse. Il n'a pas toujours été le séducteur comblé, l'homme aux bonnes fortunes que l'on connait. Peu doué pour le bac et souvent trompé par ses conquêtes, le jeune Jean-Marie se réfugie dans la littérature. Ca prendra un peu de temps, les cases journalisme et critique littéraire le retiendront un moment. Mais il finira par rejoindre Jean d'Ormesson au Quai Conti. Ne pars pas avant moi parvient à émouvoir en faisant sourire, rappelant le bonheur de vivre et sa fragilité comme le titre de son ainé, C'était bien.

IMG_0680

                                J'ai lu aussi un autre académicien français, fictif celui-là, Paul-Jean Husson, auteur d'une dénonciation, dans la collection Les affranchis qui demande aux auteurs d'écrire une lettre. Romain Slocombe se met dans la peau de cet écrivain grand bourgeois, éduqué, bien-pensant, héros de la Première Guerre mondiale (il a perdu un bras au front), auteur de livres loués par la critique et prisés du public. On ne peut s'empêcher de penser à certains. Paul-Jean Husson a un fils, violoniste. qui  va épouser une jeune Allemande connue dans son pays sous le nom d'Elsie Berger et que l'on a pu voir dans quelques films.

                               Hitler au pouvoir de l'autre côté du Rhin, certains intellectuels français applaudissent aux coups de force des Ligues. Lorsque la guerre éclate, le fils Husson part pour Londres, laissant sa femme au côté de son père. Paul-Jean Husson en tombe éperdument amoureux. Il découvre ce qu'il supposait, sa belle-fille est juive. Partagé entre son antisémitisme viscéral et cet amour interdit, il assistera, impuissant, à la mort de sa fille, accidentelle, puis à celle de sa femme, et à la capitulation de son pays, le 17 juin 1940. Pétainiste convaincu, Husson se retrouve en compagnie de celle qu'il désire, à travers la France de l'exode.

                                C'est une fiction bien faite mais qui laisse un goût amer. Le portrait est à charge et je trouve qu'il aurait gagné à se nuancer. Le sujet, c'est vrai, reste assez délicat. Surtout, et c'est probablement injuste, je n'ai pas envie de relire et auteur. Pourtant je ne crois pas confondre l'écrivain et l'écrit. Ou bien inconsciemment.

                     

Posté par EEGUAB à 07:57 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : , ,

01 décembre 2013

Le bel alexandrin

ormesson

                                         Beaucoup de critiques positives sur ce beau livre, encore un, de Jean d'Ormesson. Et puis, de temps en temps, le sectarisme reprend le dessus, pensez donc, un ancien du Figaro, on va pas en dire du  bien, d'ailleurs on va probablement même pas le lire. On a le droit de ne pas aimer ses livres, voire de les détester, mais qu'on en reste au littéraire,de grâce. Très peu d'écrivains,surtout français, m'auront donné autant de plaisir de lecture que Jean d'O. Ca n'est pas rien. J'en parle assez souvent et je reconnais volontiers à chaque fois que le cher Jean peut irriter, si prompt à cabotiner cathodique, mais il a tant d'esprit, quand si nombreux cabotinent des humoristes inexistants, une engeance, ou des comédiens interchangeables, sans parler des sportifs ignares.

                                      L'auteur étant très âgé maintenant, j'ai lu qu' Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit prendrait des allures de testament. Je ne sais rien de tout cela, mais je sais que je l'aime encore, ce bouquin qui n'échappe pas toujours aux redites mais parvient à se faire bouleversant. Le temps, ce salaud aux ailes de séraphin et aux yeux à fondre, est l'autre personnage principal, partenaire de Jean, Jean qui nous parle souvent de Jean, mieux vaut parler de ce qu'on connait. Le temps, cette belle ordure au sourire d'arsenic, est aussi l'adversaire de Monsieur Jean. A propos, le nôtre aussi, d'adversaire, et qui part favori.

                                     Chateaubriand est du voyage, il fait parti du lot d'O. Et ce cher Aragon, tant aimé, bien que si loin sur l'échiquier politique.Il est comme ça mon Papy Jean. Il a de belles pages sur la physique ou les mathématiques, qu'il finirait par me faire regretter de les avoir toisées toute ma vie. A moins que ce soit elles qui m'aient battu froid. Le grand-père Sosthène refait une apparition, délicieuse commme il se doit, viscontino-guépardienne ( c'est pas un peu pédant,ça, dites-moi?). Quoiqu'il en soit nous finirons tous badernes, si Dieu ou d'autres nous prêtent vie. Ou ganaches, m'en fous si l'on me laissait un peu, rien qu'un peu, du talent d'écrivain de d'Ormesson. Cet homme-là, qui énerve, oui, même moi, pourrait bien manquer. Et beaucoup.

Posté par EEGUAB à 07:12 - - Commentaires [13] - Permalien [#]
Tags : , ,

31 mai 2013

Au plaisir de Dieu,plaisir partagé avec Valentyne

 15406-0

            Quel plaisir de lecture!Et dire que certains pensent que ce livre est une saga familiale type feuilleton d'été,ce qu'il a d'ailleurs été aussi.Mais avant il me faut dire un mot de Papy Jean d'Ormesson.Nous sommes très liés,je l'appelle Papy,il aime pas ça,ce séducteur patenté très tenté.A la télé on voit beaucoup de cabotins.Certains pensent que Jean d'Ormesson en est un exemple.Et ils ont raison.Seulement voilà,il arrive que les cabotins aient un grand talent et c'est bien son cas.Les yeux qui pétillent,sur un plateau on voit qu'il "attend son tour".Il a même fait récemment ses débuts au cinéma dans le rôle d'un autre cabotin notoire,non sans talent non plus.Jean d'O.,c'est avant tout un homme d'une culture étonnante,assez classique mais il y a longtemps que la culture classique est par sa rareté même devenue avant-gardesque.Ce débat nous entraînerait trop loin et il me faut revenir à ce remarquable roman qu'est Au plaisir de Dieu que Valentyne a partagé avec moi.A l'heure où j'écris je n'ai encore aucune idée de sa réaction.

        Formidable conteur,et d'un humour assez caustique qui a l'élégance de s'exercer en premier lieu aux dépens de sa propre famille,Jean d'Ormesson fait précéder son roman,du moins dans l'édition que j'ai lue,d'un arbre génalogique,très utile,car la lignée est touffue,mais aussi fantasque,arrogante,émouvante,et surtout tout aussi querelleuse que dans d'autres milieux.L'aristocratie m'a toujours passionné,surtout celle qui,tout en ayant l'air de s'isoler dans ses bastides,en l'occurence son château sarthois de Plessis-lez-Vaudreuil,lutte,enrage et participe à la vie d'un pays,la France.La France est aussi l'héroïne d'Au plaisir de Dieu et tous les membres de cette famille en ont une conception parfois très différente.Ancêtres bourbonophiles ou bonapartistes,dreyfusards ou antisémites,pétainistes ou résistants,parfois cela dépendait de la semaine.

            Courant jusqu'aux barricades de mai l'histoire de cette famille somme toute comme les autres est toujours emballante. L'humour d'Ormesson n'exclut nullement l'émotion,parfois picaresque, parfois un peu artificielle et gonflée.Les rapports entre maîtres et serviteurs sont particulièrement fins.On se prend à aimer Plessis-lez-Vaudreuil,nef invraisemblable,trouée et battue des quatre vents. Dame, c'est que,très souvent,les châtelains ne roulent pas sur l'or,et que fortune est volatile.Enfin de son grand talent le malicieux écrivain nous dépeint une telle galerie du genre humain,dans le sillage de la figure centrale,le grand-père Sosthène, charnière du récit.Presque prêtre gaulliste,héros de la Grande Guerre, presque star de Hollywood,partisan de Vichy et de l'O.A.S., etc...On les aime tous,y compris Dieu,qui semble guetter ça de toute son insolence.Ils font tellement partie de notre histoire,contée par un narrateur qui ressemble tant à un académicien précieux d'un vert bien peu académique...

 

Posté par EEGUAB à 21:30 - - Commentaires [6] - Permalien [#]
Tags : ,

05 octobre 2010

Ce sacré Jeannot

   

                 J'aime beaucoup cet homme.Je l'aime toujours autant après quelques milliers de passages télé dont il est par ailleurs un bon client.A ceux qui croient voir en lui ce cabotin mondain élégant et faussement nonchalant je donne entièrement raison.Jean d'Ormesson l'est indiscutablement.A ceux qui croient que se cachent derrière cette façade superficialité et esbrouffe je dirai qu'ils se trompent.Je tiens Jean d'Ormesson pour un écrivain majeur malgré ses efforts pour tant se montrer,à tel point que c'est pour mieux se cacher.Trêve de badinage C'est  une chose étrange que le monde est un roman(?) bluffant,stimulant,ébouriffant.Vous connaissez la trame:le Vieux,ce pourrait être Dieu, parle un peu des hommes,et d'Ormesson parle de Dieu qu'il a un peu connu,mais moins que Dieu ne connaît les hommes.Et Papy Jean de nous raconter les belles histoires de l'oncle Paul.Le grand livre du Monde s'ouvre ainsi,par touches très brèves,à croire que Jean d'O. est payé à la ligne,pour payer ses séjours à Venise et sa Méditerranée, onéreux.Sacré Jeannot.

        Galilée,Pascal,Newton,Darwin,Einstein que nous connaissons si bien,n'est-ce pas(???) entrent dans la danse.Et d'autres étoiles,sommités des sciences et de la philosophie,avec lesquels je suis un peu en froid,peu porté sur les équations et les interrogations métaphysiques.En face du Vieux il suffit comme Thésée de suivre le fil du labyrinthe pour démêler le simple du complexe,le sûr du probable,le doute de la vérité et Jeannot nous y entraîne,le volubile,le conteur,le farceur.Au bout du compte on n'est évidemment guère plus avancé (je parle pour moi qui suis au niveau de spiritualité de l'huître,et qui pour la science voisine avec Lucy).Mais ce n'est pas grave de rester en rade,le passé étant passé,intouchable,et le futur étant futur,inconnu.

       De cet excellent bréviaire de vie j'ai au moins retenu que d'Ormessson a connu ses plus belles extases se baignant en Grèce,flânant chez la Sérénissime,lisant Aragon.Programme ma foi bien digne d'intérêt,auquel je souscris volontiers.Souriant souvent,une brise inquiète effleure parfois Monsieur Jean.Et si j'avais préféré la profondeur de Voyez comme on danse j'ai adoré cette balade avec un auteur généreux,pressé car le temps lui est compté,allénien version Quai Conti,bavard comme Luchini et gai comme un pinson.Il y a du souffle romanesque même dans une réaction quantique bien que je ne sache toujours pas comment vivent les quarks.

Posté par EEGUAB à 13:19 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : ,