02 janvier 2023

L'apprenti puisatier

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            Je n'avais jamais lu le Prix Nobel 2006. La femme aux cheveux roux est un très beau roman qui en dit beaucoup sur la Turquie d'aujourd'hui. Très riche, assez complexe, qui donne le ton d'une littérature très indépendante, forcément peu en cour à Ankara. Abandonné par son père, Cem vit seul avec sa mère dans ce qui est encore la campagne près d'Istanbul. Il travaille pour un puisatier avant son entrée à l'université. Il fait la connaissance d'une comédienne de théâtre, aux cheveux incendiaires, le double de ses dix-sept ans. Une seule nuit bouleversera sa vie. Vingt-cinq ans ont passé.

            Vingt-cinq ans ont passé, Cem a bien changé, Istanbul aussi, et toute la Turquie, cet état sur deux continents, ce qui n'est pas fréquent. Etudes brillantes, un mariage plutôt heureux, mais sans enfant. Loin des travaux physiques exténuants, Cem est devenu un géologue réputé, puis  businessman, plutôt acquis aux idées neuves, obsédé par un drame dont je ne dévoilerai rien, et aussi par la paternité, le mythe d'OEdipe meurtrier de son père, omniprésent au long du roman. La réussite économique de Cem ne suffira pas, malgré son épouse aimante et aimée, à faire de lui un homme en paix.

            Les ombres du passé n'en ont jamais fini. Qu'est devenu son maître puisatier? Disparu depuis si longtemps? Les scènes très belles de forage artisanal à la recherche de l'eau, encore rudimentaires en ces années, sont parmi les plus belles du livre. L'initiation de cette fin d'adolescence a été double, la quête de l'eau, si cruciale, et l'éveil amoureux pour la belle actrice, ardente à la chevelure de feu, ensorcelante. Ainsi donc, quelques semaines dans la vie d'un tout jeune homme suffisent à orienter douloureusement toute uen existence. Brûlure jamais tout à fait ne s'apaise. 

            La femme aux cheveux roux passionne de bout en bout et donne envie d'approfondir l'oeuvre d'Orhan Pamuk. Istanbul est bien sûr plus qu'un décor. On voit la ville changer au fil du bouquin, devenir tentaculaire et indéfinissable. Métropole, mégapole, mégalopole, elle échappe aux personnages qui tous, finissent par s'y perdre. Tout est si fragile, comme le sol turc, en proie aux séismes. De l'hommage au théâtre populaire, engagé, aux remords et regrets d'un père qui s'ignore, le voyage dans la vie de Cem est une belle expérience. 

            

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02 mars 2021

Villa Blues 🎸

                           L'ami Patrick, sous le joli nom de Villa Seurat (P.R.) écrit de bien belles choses. Je m'y reconnais fréquemment. Ses textes ont une tonalité qui m'enchante, et le parfum de blues qui en émane ne peut que me réjouir. Avec une touche de surréalisme parfois. Alors rendez-vous sur ce Railroad Crossing, résultat de notre collaboration (la deuxième). Une histoire de chemin de fer, de musiques et de ruptures, le sel de la vie. Merci Patrick. Je leur dirai ces mots blues. 🎸 Modestement quant à l'interprétation, mais sincèrement. 

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20 février 2021

L'Ecrivraquier/24/Tentation

L'Ecrivraquier

Petit caprice récurrent qui se termine là où en général ça commence.

Se taire

Se terrer

Plus bas que terre

Six pieds sous terre

Au terme

Un tertre

Un parterre

Oh s'taire

Austère

Austèriculture

Se refermer

Telle une huître

Austère idée

Idée Ite missa est. 

Terre minuscule 

Petit tas 

 

 

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14 avril 2020

Révolte Blues du côté de Big Sur

                              Je n'ai pas la voix pour ça. Mais j'aime m'y essayer et Patrick ayant écrit Révolte Blues j'ai décidé de poster. Retrouvez son univers souvent proche du mien. http://patrickreby.unblog.fr/2020/04/03/revolte-blues/

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10 juillet 2019

Avec vue sur l'Arno

Masse critique

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                                Très judicieuse livraison de Babelio dans le cadre de l'opération Masse critique qui me fait toujours confiance et que je remercie. J'avais choisi dans le cadre de la non-fiction parmi de nombreux ouvrages ce délicat livre sur la perle de Toscane, cette cité que j'aime tant. En v.o. est une jolie collection où l'on trouve aussi Rome, Berlin, Bruxelles, New York. Le livre se décline comme une suite d'articles, une quarantaine, autant d'entrées sur des mots italiens, noms communs ou propres,  de afa (chaleur) à viola (le violet du club de foot Fiorentina). Chaque présentation d'Annick Farina est complétée par un extrait littéraire en version bilingue italienne et française dans la plupart des cas.

                               Car y figurent aussi Sade, Dumas, Taine, Stendhal, Montaigne et d'autres étrangers, Dickens, Keats, Andersen, Brecht, Forster (d'où le titre de ma chronique) témoignant de la fascination de l'Europe entière pour la cité toscane. De ces fous d'Elle bien sûr je fais partie. N'allez pas penser qu Florence en v.o. est un ouvrage un peu snob pour happy few. C'un bien joli livre que peuvent emporter les voyageurs et aussi les gens qui ne marcheront jamais dans les allées des Médicis. Quelques exemples.

                               Le Falo delle Vanita, le Bücher des Vanités, où l'on raconte que Botticelli lui-même jeta dans le feu ses propres dessins de nus scandaleux selon Savonarole. Vraie ou pas l'histoire est fascinante. Le terme Inglesi a lontemps été synonyme d'étrangers tant était prépondérante la place des Britanniques dans la Florence du XIXe siècle. "Sono arrivati degli inglesi. Ma non ho capito se sono o tedeschi" (Des Anglais sont arrivés mais je n'ai pas compris s'ils sont russes ou allemands).

                               Le si célèbre Ponte Vecchio est illustré de quelques très belles lignes du Nobel russe 1987 Joseph Brodsky "A midi les chats vont voir sous les bancs, pour s'assurer que les ombres sont noires. Sur le Ponte Vecchio-on l'a restauré-où sur un fond  de collines  s'embuste Cellini on fait un commerce effronté de bimbeloteries de toutes sortes, les vagues dans un murmure roulent une branche après l'autre et les boucles dorées d'une belle femme qui se penche pour chercher quelque chose de rare, qui fouille au milieu des boîtes sous les regards insatiables de jeunes vendeurs, semblent une trace d'ange au royaume des corbeaux". (Décembre à Florence).

                              Annick Farina raconte joliment que, privée des grands aqueducs romains, la belle Florentine offre peu de grandes fontaines mais surtout des petites, au départ plus pratiques que décoratives (Fontane é fontanelle). Joli texte de Taine sur les Tritons, les Néréides, et "l'harmonie des troncs, des cuisses et des nuques". Fantasmes... Quand je vous disais la séduction de ce petit livre ensorcelant...Felice viaggio tutti. Per me sara Milano in settembre. Grazie Babelio.

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03 avril 2019

Cinquante-et-une syllabes

Cinquante-et-une syllabes 

 

Les ruines de nous

Gisent au sol éventré

Refroidies déjà.

 

Passent ainsi d'autres

Sans le moindre des regards

Sur ces catafalques.

 

Juste quelques mois

Et d' ignobles automnaux

Nous ignoreront.

 

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15 mars 2018

Tendre jeudi

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Aujourd'hui cest jeudi

Je me souviens des jeux dits d'elle

De nos joutes à muses

Lesquelles étaient parfois

Rétives ou mutiques

Mais nous manquions rarement

Ce bimensuel rond-point

Et exprimions à qui mieux mieux

Parfois à qui pire pire

Notre amour de ces mots

Notre amitié d'Aspho(dèle)

Combien nous nous manque-t-elle?

Alors en votre nom

En votre nom à vous, fidèles

Je voudrais l'embrasser

En ce jeudi sans elle

En ce jeudi sans ailes.

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14 mars 2018

In the name of rock/Deborah

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C'était un temps déraisonnable,

Préhistorique en diable

Glam rock était in et j'étais un peu out

Dix-neuf printemps et sans quartier, un mai latin

Une école, près du Luxembourg, fermée de grand matin

Fallait-il que je m'en foute.

Rien d'important

Je m'en moque tout autant

C'était un temps immémorial

T.Rex devint leur nom, éclatant

Et Marc Bolan brilla, impérial

Cela dura, dura...neuf ans

Lovin'you my Deborah

Wah!

   

 

                  

 

 

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03 mars 2018

L'Ecrivraquier/18/A lyre, Le luth des glaces

L'Ecrivraquier

Le luth des glaces

A Gérard et son luth constellé

A Alfred au baiser de la muse 

Je veux apporter mon écot

Mon écho encordé

Je l'ai délié

Je l'ai dédié

A mes soeurs adjectives

A quelques frères aussi

De ceux qui dansent les mots

Qu'ils valsent avec ma lyre

Au printemps les poètes

Sur le carreau effacent

De nivose les traces

Qu'ils chantent avec moi

Jazzy, bluesy, breezy

 

 

 

 

 

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27 janvier 2018

Le vitrail de Galway

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                                Desmond Hogan est un auteur irlandais que je ne connaissais pas du tout. Il semble qu'il ait tendance à fuir les soleils médiatiques. Le titre Les feuilles d'ombre évoque Walt Whitman et ce n'est bien sûr pas un hasard. Il y est même cité nommément. Irlande, fin des années 40, deux amis, Sean le narrateur et Liam, privilégiés, rapidement pris dans la tourmente des amours incertaines et les douleurs intestines irlandaises. Et les femmes de leur vie, enfin d'une partie de leur vie, Christine et Sarah. De leur ouest de l'île à Dublin, une Dublin encore très "bonnes soeurs" toute en rigidité, de leur jeunesse qu'on dirait bobo à leurs maturités souvent frustrées, de la Californie prometteuse à un monstère en Suisse, leur amitié ne faillira (presque) jamais.

                              Un fantôme fait partie de la distribution, celui de la mère de Liam, exilée russe à Galway, qui un jour entra dans la rivère et n'en sortit pas. On ne peut pas ne pas penser à Virginia Woolf. Son souvenir pèsera lourd. Ecrit dans une langue se poète, Les feuilles d'ombre se déguste justement comme ça, en reprenant à plaisir un paragraphe de temps en temps. "Oui, allez un jour dans les Wicklow, parcourez ces sentiers, ces lieux féériques, sortis des contes de Grimm et d'Andersen, et pensez à nous, à Christine sans solennité, vierge grassouillette pédalant à la traîne, à Sarah, svelte papillon gardant le rythme, à Jamesy toujours dans  sa roue, sans effort excessif, à Liam en plien envol, magnifique face au temps, et doté d'une allure qui tournait la tête des fermières et souvent troublait les vaches ruminantes". Jolie balade vélocipédique, non?

                             A ceux qui auraient peur d'un folklore irlandais un peu envahissant, chose qui arrive, je préciserai que ce n'est pas  du tout le cas. Desmond Hogan ne verse pas dans l'imagerie. Pourtant comme le pays y est présent, d'un bout à l'autre, de fond  en comble. De l'attrayante et répuisive Londres aux sirénes atlantiques, du mysticisme de barde aux avirons sur la Liffey, l'Irlande est l'héroïne de ce grand roman méconnu. A plusieurs reprises on y évoque le vitrail et c'est bien ça, Les feuilles d'ombre s'apparente à la dentelle de Chartres. Desmond Hogan n'est pas un jeune auteur. Né en 1950 il a publié ce Leaves on grey en 1980. Paru en France en 2016.

                            "La promenade était tailladée de mots d'amour, d'intiales sur les arbres, les bancs. Un garçon, assis sur un banc rouge, lisait Keats en buvant du Coca. Une fille, debout sous un arbre, les cheveux noués par un ruban, rassemblait des mots en fixant le lointain". Hogan a écrit ça. Pourtant il ne connaissait pas Celestine.

                            

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