Pauvre Don
Voilà un roman qui éclaire l'actualité, bien que se déroulant en 2018 dans cette région que bien peu connaissaient. Benoît Vitkine nous plonge dans ce pays où tout nous semble gris, où la guerre est présente depuis huit ans. Maintenant chacun de nous sait un peu tout ça. Un enfant retrouvé poignardé, ce n'est qu'une horreur de plus dans cet enfer. Un officier refuse de s'en désintéresser et va mener l'enquête. Cette enquête ressemble à bien des enquêtes. Tous les thrillers, tous les polars du monde se donnent la main pour compliquer les choses, c'est l'une des lois du genre. Mais on sait bien qu'une autre règle est de nous immerger dans un pays, une ville, une époque, un milieu, etc.
Et ce milieu dans le cas de Donbass est clairement identifié, surtout à la lueur des neuf derniers mois. C'est même le titre du livre. Le bassin industriel du Don. Qui n'a jamais été glamour. mais qui touche le fond. Rappelons qu'une guerre même pas larvée fait rage dans cette région depuis 2014. Alors la recherche d'un assassin dans ces conditions relèverait presque de l'anecdote. Mias Benoît Vitkine, qui est aussi journaliste, prix Albert-Londres pour ses reportages tant chez les séparatistes pro-russes que les loyalistes ukrainiens, sait nous faire vivre le quotidien de ces vieillards, ces femmes seules, ces laissés pour compte, totalement ignorés des médias.
La corruption règne et tout est objet de trafics, de tous les côtés car rien n'est simple quand on manque de tout. Les veuves, les mères, les grand-mères, les femmes en général survivent du mieux possible. Dignes, les mères, rare note d'espoir. Rajoutons les interminables séquelles de la guerre d'Afghanistan et les ravages "usuels" de la drogue, je ne parle même pas de la vodka ignominieuse, et l'on obtient ce dramatique cocktail de déliquescence fatale. C'est tout cela que j'aurai retenu de Donbass, thriller réaliste poignant et désespérant. A lire, hélas.
J'irai jamais sur ton Islande
Masse Critique Babelio et les éditions Métaillié, que je remercie, distillent avec ce roman un air glacé, celui, bien connu maintenant, du polar nordique. Mankell, Nesbo, Indridason and co. sont passés par là. Probablement peu de surprises à attendre me disais-je. Je me disais bien. Aurora, qui vit en Angleterre, part en Islande à la demande de sa mère, car Isafold, sa soeur ainée, n'a plus donné de nouvelles depuis plusieurs semaines. Même dans ce petit pays où l'on croit que tout le monde se connait on peut donc disparaître. Curieuse Islande. Ce sont d'ailleurs les quelques particularités distillées à travers le livre sur la vie dans l'état insulaire qui m'ont paru les plus intéressantes, voire les seules car l'intrigue policière et les personnages n'offrent guère d'empathie. Froid comme l'enfer est un polar banal qu'on lit dans le train, au moins ainsi 100% des voyageurs ne seront pas rivés sur les boîtes diaboliques. Et si le lecteur n'a pas fini Froid comme l'enfer et l'oublie au terminus ça n'a guère d'importance.
Par contre j'ai été relativement troublé par le mal que semble penser l'auteure à propos de son propre pays. Lilja Sigurdardottir démolit consciencieusement l'Islande. Loin de l'univers de Jon Kalman Stefansson dont l'Islande est pourtant rude mais si profonde et lyrique. Mais ne comparons pas. J'espère ne pas divulgâcher en évoquant les violences conjugales dont l'île semble être une championne. Pour l'alcoolisme on était au courant. Pour les différentes addictions si sympathiques on s'en doutait mais là encore Madame la fille de Sigurdar appuie sur le champignon (hallucino cela va sans dire).
N'oublions pas les fraudes financières historiques et les montages complexes. L'Islande n'en détient pas le monopole mais tout s'exacerbe dans cet espace clos si souvent dans la nuit. Les disparus, vu le peu de population et le relief tourmenté de cette île encore trop grande, sont plus rarement retrouvés que partout ailleurs. Et, mais peut-être en ai-je déjà trop dit, cette conception très particulière de la justice à propos de l'homicide. Là-haut, pas très loin du pôle, les prétoires aussi seraient glaciaux. Seize ans de prison maximum, la plupart du temps ramenés à dix. Je sais pas vous, mais moi...froid dans le dos.
Bolognese
Le côté enquête, polar proprement dit, d'Une affaire italienne n'est pas le plus intéressant. C'est souvent le cas. Un policier plus vraiment policier, 1952-1953, dans la belle ville de Bologne, Bologne la rouge, bastion du PCI des belles années, aux sympathies souvent prosoviétiques. Bologne qui n'aime ni les fonctionnaires romains ni les businessmen milanais. De Luca fut un bon flic, mais durant le régime fasciste. Sur la touche il officie très officieusement. L'affaire de départ, la jolie veuve d'un professeur d'université, retrouvée massacrée dans sa baignoire, peu après la mort accidentelle de son mari.
De Luca et son chaperon un peu plus officiel, le jeune Giannino, vont se trouver au coeur d'une affaire, certes italienne, mais surtout émilienne, dans laquelle grenouillent des agents russes, des flics du cru, des musiciens de jazz. Le chapelet des morts violentes s'égrène et on a un peu de mal à s'y retrouver. Le plus réussi dans Une affaire italienne c'est un petit matin gris en période de Noël dans le froid d'Emile-Romagne. C'est Stormy Weather chanté par la belle Claudia, dite Faccetta Nera, la Lena Horne bolonaise, un peu d'Ethiopie dans cette Italie nordique. Elle est un peu obligée de chanter quelques roucoulades, et Bella Ciao. Mais la musique n'adoucit pas toujours les moeurs et Claudia n'est pas une oie blanche.
De Luca était apparu il y a vingt ans dans une série de trois ouvrages dont Via delle Oche. Carlo Lucarelli l'a laissé mijoter un bon moment et le réactive donc dans cet excellent thriller giallo, dans une Italie au début de sa renaissance où essaient de se recycler, comme dans toute après-guerre, quelques personnages au passé peu reluisant. Dame, il faut tenter de rebondir. Un cousin transalpin du Bernie Gunther de Philip Kerr en quelque sorte. Bologne est une ville où j'ai passé quelques jours il y a quelques années et j'ai eu plaisir à en arpenter les portiques sur les traces de De Luca alias l'Ingeniore Morandi.
Malin Malouin
Balade malouine post-révolutionnaire et sympathique lecture que cette livraison Babelio Masse Critique, que je remercie. Et l'occasion de rendre hommage à Palémon, maison d'édition sise à Quimper dont les nombreux romans noirs et policiers nous emmènent aux quatre coins de Bretagne. Hugo Buan, lui-même malouin, nous plonge dans les derniers mois du Consulat, avec l'enquête du commissaire Darcourt, ex-officier de Bonaparte, de retour à Port-Malo (les saints ne sont pas encore réhabilités) aux prises avec l'encombrant cadavre d'un meunier dans une cité turbulente, malodorante et braillarde.
L'intrigue n'est en soi guère palpitante car les rancunes à propos des exactions de la Terreur, dix ans plus tôt, sont forcément tenaces. On voit à peu près autour de quoi tourne l'affaire. Mais Les âmes noires de Saint Malo a d'autres qualités. Une pittoresque et très remuante reconstitution de l'agglomération malouine à l'aube de l'Empire. Hugo Buan abuse peut-être un peu de la géographie, que de noms de rues, de places, de tavernes, de lieux-dits. On sent un peu le terroir. Peu importe. le peuple des dockers, des corsaires en goguette, des entraîneuses, des artisans, tout cela fourmille et nous donne soif. Sur un plan historique, très intéressante, la mise en place par Bonaparte de nouvelles structures administratives, les rivalités entre fonctionnaires, comme un bulletin de naissance d'une France contemporaine, celle des départements, des découpages préfectoraux, de la police de Fouché sure le point de revenir au pouvoir.
Pour vous donner une petite idée, j'ai déjà recruté depuis le 25 novembre 1799 plus de deux mille indicateurs sur toute la France: des corporations entières de balayeurs, de marchands de vin, de laquais, de cochers, de valets de pied, des gens tout à fait qualifiés pour écouter les propos de table et de voiture.
Enfin un humour très solide court tout au long de notre histoire avec des personnages à grande gueule et à gosier sec. La balade a des senteurs marines , mais moins que des puanteurs citadines. Alors, nantis d'un mouchoir, je vous propose de retrouver le commissaire Darcourt à la Belle Jambe ou au Chat qui Pète. Vous le reconnaitrez à son adjoint. Il est... mulâtre. Et, malgré que nombre de Malouins courent les mers et voient du pays, la plupart ne hantent que les quais, les bordels et les hospices, et sont bien étonnés de voir un tel officier officier.
Milano, il viaggio
La Milan d'Alessandro Robecchi n'est pas la ville de la mode, même pas celle du foot. Et le si blanc Duomo, splendeur gothique, mon dernier voyage à ce jour, n'y est jamais cité. Ceci n'est pas une chanson d'amour, certes non, car les cadavres s'y ramassent à la pelle, les baffes et les pruneaux aussi. Mais la ballade milanaise, sorte de Bas-fonds Tour, parkings, banlieues, campements, squats, ne manque pas de charme. Le fonctionnement de cette enquête repose sur trois duos, pas tous des parangons de vertu, qui recherchent les mêmes méchants, très.
Deux tueurs, qui font bien leur métier, pudiquement nommés le blond et l'associé, qu'on croirait sortis d'un film de Lautner. Deux gitans, j'allais dire qui font bien leur métier mais c'est un peu délicat. Et Carlo, producteur télé d'émissions de haute noblesse, ça s'appelle Crazy Love, vous voyez le genre, et son assistante Nadia. Ces trois tandems enquêtent en Lombardie sur plusieurs meurtres un peu compliqués. Bon, je vous la fais courte. Comme dans beaucoup de polars je n'ai pas tout compris des interactions entre les victimes et les assassins, parfois interchangeables. Des amis de Goebbels, un groupe rock nommé Zyklon B., etc...On s'en fiche comme de notre première escalope milanaise. Mais quelle chouette ambiance, presque parodique et surtout, surtout, souvent très drôle.
Dans un style assez cinématographique et rythmé, les dialogues pourraient être signé Michele Audiardo, et donnent tout leur sel à ce périple dans les arcanes, les entrailles plutôt de la capitale économique de l'Italie. Amateurs de Rome ou Naples, ce n'est pas pour vous et question couleur locale c'est nero su tutti i piani. A propos de Ceci n'est pas une chanson d'amour le Corriere della Sera cite Giorgio Scerbanenco, polariste italien que je révère, auteur entre autres de Les Milanais tuent le samedi ou A tous les rateliers. Pas faux même si Alessandro Robecchi lorgne presque sur le pastiche. Bon, je vous laisse à quelques aphorismes. Presque poétiques parfois. Surtout si l'on trouve que Lüger et parabellum riment bien avec Glock 17 et Smith & Wesson. Rendez-vous à la trattoria, entre la friche industrielle et le squat 38.
On dit qu'ici, entre Milano Centrale, le viale Brianza et la via Soperga, une fois, en 1924 après l'assassinat de Matteotti, un homme a trouvé une place pour se garer.
Carlo écoute et mange lentement. Il ne se rapelle pas précisément quel jour Dieu créa les gambas, avant l'homme mais après les étoiles, il croit, il pense, oui, bref, il devait péter la forme.
Ils sortent de l'autoroute et tournent à gauche, vers l'aéroport Malpensa. Le grand aéroport de Milan qui se trouve à Varèse, celui qui aurait dû devenir le hub italien, puis une usine à salaires pour cadres, puis le dernier bastion de sécessionnistes maîtres chez eux, qui est à présent le terrain de pétanque le plus long du monde.
J'allais oublier Bob Dylan, victime collatérale, enfin le poster de Bob Dylan, dont Carlo est un admirateur et qui a pris une fameuse bastos à sa place dans son appartement. Bob passera tout le bouquin avec un joli trou entre les deux yeux. Ses chansons ponctuent ainsi Ceci n'est pas une chanson d'amour. Parfaitement incongrues dans le contexte, c'est évidemment délicieux.
Memo from Turner
Tim Willocks est l'auteur d'un fabuleux roman historique, La Religion, chroniqué aussi. Mais il ne manque pas de souffle non plus dans le polar poisseux, version Afrique du Sud, pays considéré comme le plus violent du monde (le Mexique n'est pas mal non plus). C'est du brutal. Une jeune noire écrasée et laissée pour morte par une nuit d'ivresse dans un bled loin des grandes villes. Turner, officier de police mandé du Cap, déterminé. La première partie présente plusieurs personnages, peu regardants sur la morale et sur la vie des autres. Ca prend un peu de temps mais aucun n'est vraiment reluisant.
L'existence étant bon marché dans ce pays où la mort rôde non seulement dans les métropoles mais aussi dans chauqe coin du veld ou la moindre parcelle de désert, Turner va enquêter envers et contre tous. Et se retrouver dans une situation terrible et inédite que je vous laisse découvrir. Je n'avais jamais lu ça. Ca cartonne pas mal dans la dernière partie. Comme je ne suis pas membre de la NRA j'ai peiné aux descriptions techniques des nombreuses armes à feu utilisées que Tim Willocks maîtrise parfaitement. Comme il est lui-même médecin et psychiatre il décrit également et en détails le métabolisme des morts violentes, très violentes, et la psychologie des différents personnages.
Mais ce ballet morbide au coeur de la nation arc-en-ciel, rondement mené, m'a tenu en haleine jusqu'au bout, sans me donner forcément envie de visiter le pays. Un polar ancré dans cette Afrique différente, qui surfe aussi beaucoup sur l'hyperconnectivité que j'ai parfois du mal à suivre, mais qui réserve quelques surprises. Et encore une fois, sans dévoiler (c'est mieuxque spoiler, non?), j'ai assisté dans La mort selon Turner à quelque chose d'hallucinant.
Down in Mexico
Polar mexicain au programmme avec Babelio que je remercie une fois de plus. Narco-polar même tant ce bouquin baigne dans la morbidissime ambiance du trafic dans l'un des pays les plus gangrénés au monde. On a le droit d'aimer patauger dans ce climat noir sans le moindre romanesque, sauf à trouver romanesque la vie du côté de Tijuana ou Ciudad Juarez. J'ai donc expédié, façon de parler, car j'ai trouvé longues les 228 pages. Je n'ai plus de temps à perdre. Le destin de David, jeune homme un peu fragile, qui ne se remet pas de quelques moments d'intimité avec Janis Joplin, dans un motel oubliable, va se trouver bien malgré lui au centre des réglements de comptes les plus sanglants entre barons narco, flics pourris, trafiquants d'armes, etc.
Très rapidement j'ai cessé de savoir qui était qui dans les cousinages et liens familiaux. Chacun ressemblant à l'autre, vouant un culte à la bière et à la marijuana, dégainant plus vite que Sergio Léone, sexiste et machiste comme pas possible. Ne parlons pas des femmes, mères saintes ou volcans mal embouchés. Il y a de l'humour mais je ne l'ai pas trouvé. C'est moi qui devais être absent.Ce roman de gare, mais de gare à vous, m'a cependant amené à me poser une question essentielle. Que faire de L'amant de Janis Joplin d'Elmer Mendoza, je viens de m'apercevoir que je n'avais pas cité son nom.? On n'a plus le droit à l'abandon sur un banc public. Je ne vais pas risquer de perdre un de mes amis, déjà rares en ces temps un peu carcéraux, en lui offrant. L'autodafé serait une bonne solution mais il y a des précédents un peu embarrassants.
Au fait Janis Joplin n'apparait que sur quelques lignes. Réécoutez plutôt Me and Bobby McGee. Ou sa version de Summertime.
Zibeline et Aurel
Jean-Christophe Rufin est un excellent raconteur d'histoires (vous avez vu j'ai évité storyteller). Et Auguste Benjowski, jeune noble né en Europe Centrale, contemporain de Voltaire, est un personnage authentique et romanesque. Du Kamchatka à Madagascar en passant par la toute jeune Amérique la vie d'Auguste passera par la guerre, la détention, la déportation, la révolte, la fuite, les honneurs, sans se séparer d'Aphanasie, son épouse du bout du monde.
Les latitudes sont extrêmes, les bienvenues rares, et le jeune Auguste connaitra bien des vicissitudes en cette fin de XVIIIème siècle avant de devenir le roi Zibeline. Adoubé par la Révolution Américaine et notamment le patriarche Benjamin Franklin il lui faudra des années de voyages et de palabres avant de'être reconnu par les tribus malgaches comme l'un des leurs. Le plus étonnant étant peut-être l'ignorance totale dans laquelle les Français ont été tenus à props d'Auguste Benjowski, méprisé des mémorialistes et des historiens. Rufin nous apprend qu'il est honoré dans la Grande Ile et "revendiqué" par la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne comme un symbole des combattants de la liberté. Une sorte d'anticolonialiste d'avant la colonisation.
Jean-Christophe Rufin signe aussi un héros récurrent, Aurel, modeste consul de France en Guinée dans ce premier épisode. Il y en a eu deux autres où il est en poste au Mozambique et en Azerbaïdjan. Le suspendu de Conakry est un roman policier délicieux, Aurel étant un fonctionnaire subalterne mais un enquêteur astucieux et roué. Ancien ambassadeur au Sénégal, l'académicien se régale et nous régale à décrire les habitudes pas toujours très nobles de la diplomatie dans ces pays du Tiers Monde. Bien envoyée et très alerte cette satire d'un certain post-colonialisme reste drôle et donne envie de suivre les voyages d'Aurel le consul, pas issu du sérail très fermé des ambassadeurs, amis dont on loue la perspicacité.
L'art (du crime) et la Bavière
J'avais vraiment aimé la Trilogie Berlinoise de Philip Kerr. Se plonger dans Bleu de Prusse a été un grand plaisir également. 1939, Berchtesgaden, la résidence du chancelier, le fameux nid d'aigle au creux des Alpes Bavaroises, Bernie Gunther, un privé au coeur du Troisième Reich, juste avant la déflagration. Un dignitaire nazi est abattu au Berghof, où Hitler est attendu prochainement. Vous avez sûrement vu ce document où on le voit face aux Alpes et jouant avec un chien. A propos il aimait aussi Wagner. Curieusement personne n'en veut aux montagnes ni aux chiens. Pour Richard Wagner c'est un peu plus délicat. Revenons à notre intrigue policière dans le panier de crabes bavarois.
Gunther, on le sait, n'a aucune sympathie pour ces gens là. Bon, il compose bien quelquefois, la vie n'étant pas si facile. L'enquête sera donc longue, difficile, parsemée d'autres morts violentes, au coeur de cette Bavière d'où les cris qui s'échappent n'ont rien de la tyrolienne champêtre. Dans l'organigramme très touffu du parti j'avoue que l'on s'y perd un peu. On saisit parfaitement par contre le côté méphitique de l'idéologie et notamment l'hallucinante vénalité de ces types dont l'un croit toujours berner l'autre. Ainsi que le rôle souvent négligé de la toxicomanie de beaucoup d'entre eux. Amphétamine et mieux à tous les étages.
Les livres de Philip Kerr recèlent toujours un flegme et un humour qui persiste même au ceur des horreurs national-socialistes. C'est qu'en fait il fait bien ressortir les vanités criminelles et les penchants ridicules de ces responsables, surtout en cette Bavière d'opérette, si ce n'est que ce ridicule là a donné le pire de l'humanité. Bernie Gunther n'est pas un moraliste. Il lui faut bien parfois s'accommoder, un peu, histoire, par exemple, de sauver sa peau. Mais c'est un type pas mal, Gunther, fréquentable en une époque où c'est pas simple. L'histoire est racontée en aller et retours dans le temps, Bernie étant aux prises avec la sympathique Stasi en 1956. Pas facile non plus.
(Au sujet de Rudolf Hess). La plupart des gens que je connaissais pensaient que Hitler aimait l'avoir près de lui afin de paraître un peu plus normal.Mais Lon Chaney lui-même aurait eu l'air normal à côté de Rudolf Hess et son monosourcil, ses yeux de fantôme de l'Opéra et son crâne digne de la créature de Frankenstein.
Merci à mon amie Val (La Jument Verte) car j'ai gagné ce livre à son jeu littéraire hivernal. Hello Val. Wie gehts?
Morts à Venise
L'opération Masse Critique de Babelio m'a entraîné cette fois à Venise sur les traces du commissaire Brunetti que je ne connaissais que par quelques épisodes télé d'une série, curieusement allemande, assez plats. Un peu d'air de la lagune m'a fait du bien, même vicié par une hélas banale histoire de drogue, comme partout ailleurs. Brunetti est sympa et puis tant qu'à hanter des lieux glauques à souhait autant le faire à quelques pas du Lido ou de la Douane de Mer. De plus le grand amoureux de l'Italie que je suis n'est jamais allé en visite à la sérénissime. Ceci dit nous sommes avec Donna Leon et La tentation du pardon dans des entiers, enfin des voies d'eau bien convenus. Nous n'aurons donc guère de surprises. Mais ne faisons pas la fine bouche à propos des enquêtes sur la lagune (une trentaine maintenant) de Signora Donna Leon, qui a depuis longtemps quitté son New Jersey pour vivre à Venise.
Les faits divers sont souvent l'occasion d'approcher la vie locale. Finalement pas tant que ça dans cet opus dans lequel Donna Leon parvient à occulter les touristes pour se consacrer aux turpitudes classiques du polar. Stupéfiants et escroqueries au menu dans le cadre prestigieux de la perle adriatique. Rien de vraiment neuf mais comment faire du neuf dans le domaine archibalisé de l'enquête policière? On peut certes changer le décor et l'époque et les auteurs de polars ne s'en sont pas privés. D'où un nombre hallucinant de romans policiers ethno-historiques la plupart du temps plaisants et oubliés très vite. Ceux de Donna Leon ne doivent pas échapper à la règle et Brunetti et sa famille sont des gens si bien élevés qu'on tout à fait le droit d'apprécier cette lecture. Je n'irai pas jusqu'à en dévorer l'intégrale.
Une anecdote qui demanderait à être vérifiée. J'ai lu que Donna Leon refusait, bien que vénitienne depuis trente ans, la traduction de ses romans en italien, afin de conserver un relatif anonymat. D'ailleurs il semblerait qu'elle réside en Suisse la plupart du temps. La Dame a fui l'étrange cité aux 30 millions de touristes et aux 58 000 habitants. Capisco.