Ritorno a casa
Des mois que je ne vous avais pas cassé les pieds avec le cinéma italien. Rassurez-vous, j'ai toujours le virus. Tiens, trois films très différents, on en cause un poco,si? Si l'un d'entre eux constitue un sequel assez indigeste les deux autres sont plutôt sympas à découvrir.
Quinze ans après son hallucinante galerie des Monstres (63) Dino Risi, flanqué cette fois de Mario Monicelli et Ettore Scola, échoue avec Les nouveaux monstres, assez lamentable pochette de sketches lourdissimes et démagogiques en diable. On sourit quand même parfois tant les géniaux cabots habituels en font des tonnes, Gassman, Tognazzi,Sordi. Et ces gens-là m'ont tellement donné de plaisir cinématographique que je ne saurais leur en vouloir. Vu en plus sur un catastrophique DVD où la V.O. se met d'un seul coup à la V.F. sans la moindre explication. Mes chers amis (sic) Dino, Mario, Ettore, Vittorio, Ugo, Alberto, lei amo tante, che vergogna!
Bien antérieur mais surtout plus pimpant, Séduite et abandonnée de Pietro Germi (1964), sans atteindre à son chef d'oeuvre Divorce à l'italienne,nous ramène en Sicile, où une toute jeunette Stefania Sandrelli a maille à partir avec son père cause faute et déshonneur.Parfois hilarant avec ses mâles qui n'ont pas encore compris que bientôt ils ne maîtriseraient plus grand chose de la vie de leurs enfants et qui se croient encore propriétaires de l'avenir de leurs filles. La sociologie italienne moderne doit tant au cinéma et notamment à Pietro Germi qui, tout en restant drôle avec ses archétypes, en dit long sur cette terre ultra-méridionale des années soixante. Saro Urzi, surnommé le Raimu italien, à juste titre tant sa présence est éclatante sans vampiriser le film comme le faisait Jules, joue un père en équilibre sur son amour pour sa fille et l'honneur, ah, l'Honneur! Truculence et personnages traditionnels, femmes en noir confites en dévotions, tout homme ou presque est selon les us et coutumes Don Quelque chose, mais le feu couve sous la glace. Une vraie réussite.
Plus surprenante en 1965 l'ncursion d'Elio Petri, cinéaste plutôt ouvertement "politique", dans une pop-science-fiction adaptée du roman de Robet Sheckley La septième victime qui devint à Cinecitta La dixième victime. Dans un futur indéterminé, pour canaliser l'agressivité de la population dans une société où les guerres ont disparu, des chasses à l'homme mortelles sont organisées entre des participants volontaires. Un ordinateur désigne le chasseur et la victime. Caroline, avec neuf victoires à son actif, se voit désigner une dixième victime : Marcello, neuf victoires lui aussi. Voir Mastroianni en rouquin aux trousses d'Ursula Andress est assez jubilatoire. Une bande son pop assez gainsbourgienne sixties,des décors à la Barbarella, un clin d'oeil aux cinéphiles qui s'amuseront devant cette pochade préberlusconienne où le terme "néoréaliste" est uitilisé comme une injure.Au rayon des curiosités donc, mais pourquoi pas...
Quatre vieux Italiens
Non pas quatre vieux messieurs transalpins attablés à la Trattoria del Tevere.Ceux qui me suivent un peu savent ma passion pour l'Italie et entre autres,son cinéma.J'ai toujours grand plaisir à découvrir des films inconnus ou pour le moins délaissés.L'antédiluvien Cinéma de minuit de France 3 pourvoit souvent à mes besoins.Et puis parfois quelques trésors ressortent en DVD.Retour sur quelques raretés d'un intérêt variable,partant du postulat que la plupart du temps un film italien moyen est plus intéressant qu'un bon film français.Assertion parfaitement de mauvaise foi.
Le mariage de minuit,traduction littérale de Piccolo mondo antico,est un mélodrame de 1941 de l'écrivain Mario Soldati,qui réalisa quelques films.Situé dans une période qui inspira notamment Visconti,le Risorgimento qui devait secouer la tutelle autrichienne,Le mariage de minuit met en scènes querelles de familles et de fortunes et drame de l'enfance,son principal intérêt étant Alida Valli,qui semble préparer là le rôle de sa vie,celui de la Comtesse dans Senso.A voir essentiellement pour la partie historique,les films de Mario Soldati étant de toute façon à peu près invisibles.
L'homme aux cent visages (1959) est le premier film de Dino Risi avec Vittorio Gassman.Ce n'est certes pas un chef d'oeuvre comme La marche sur Rome ou Le fanfaron,deux,trois ans plus tard.Bâti un peu comme un film à sketches mais utilisant jusqu'à plus soif l'acteur cabotinant déjà,pas encore génialement,mais tellement à l'italienne qu'on lui pardonne ses excès,le film est une comédie où Gassman se déguise,escroquant à qui mieux mieux dans une Italie qui s'est à peu près remise du passé,et qui sait si bien se moquer d'elle-même.
La Mafia,ici la Camorra,est un personnage récurrent du cinéma italien.En voici une version originelle,dans la Napoli du XIXème Siècle.Pasquale Squitieri dont je ne connais aucun autre film fait de Cardinale une putain au coeur noble dans ce film de 1973 qui retrace un épisode mettant en scène les guapi,voyous napolitains,chatouilleux sur l'honneur.Pas mal démago sur les bords Lucia et les gouapes, avec ce portrait de mauvais garçons ,pétris malgré tout de valeurs morales,à leur sauce passablement rance,nous présente deux superbes moustachus des années soixante-dix,FabioTesti et Franco Nero,dont les carrières furent par la suite plutôt décevantes.Amis,presque frères,l'un parrain local,l'autre avocat sorti du ruisseau de Spaccanapoli,tout cela n'est pas bouleversant d'originalié.
Datant de 1960 voici de très loin le meilleur film de ce quarteron de vieilles pellicules sans intérêt sauf pour fossiles attardés.Elio Petri est un peu connu pour ses films politiques Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon et La classe ouvrière va au paradis, Palme d'Or Cannes 72.Il faut dire que l'acteur Gian Maria Volonte était alors très en vogue L'assassin date de dix ans plus tôt.Elio Petri, comme tout le monde ayant touché au cinéma en Italie à cette époque,a un peu participé à la fin du Néoréalisme,avec Giuseppe de Santis puis s'est tourné vers un cinéma plus proche d'un Francesco Rosi.Son premier film, L'assassin,est un remarquable simili polar où l'erreur judiciaire est abordée de biais à travers les déboires d'un antiquaire romain soupçonné du meurtre de son ancienne maîtresse.Un commissaire teigneux incarne une bureaucratie tatillonne,un peu héritière du régime précédant la relève de l'Italie.Cette relève économique ne se fait pas sans dérapages dans une société pas mal serrée encore et qui trouve assez vite le coupable idéal.Marcello Mastroianni,nonchalant et désenchanté pour l'un de ses premiers grand rôles,y est génial,innocent sur qui le poids de la responsabilité s'abat rudement ,ce qui n'exclut pas l'humour.Et puis sommes-nous jamais vraiment innocents,après tout?Ce gars-là,à qui tout réussissait jusqu'ici,mérite bien une leçon.
Composé assez Nouvelle Vague,L'assassin avec ses flashbacks et son ambiance romaine jazzy est vraiment un film à découvrir.Dans ce DVD très bien fait Jean A.Gili,le très grand connaisseur du cinéma italien,éclaire notre lanterne et c'est bien agréable d'apprendre encore et toujours sur ce pays que j'aime tant.
Veuf et pigeon
De l'âge d'or de la Comédie italienne j'ai extrait aujourd'hui le célèbre Pigeon de Monicelli et le moins célèbre mais cocasse Veuf de Risi.Même millésime à peu près,1959.Le pigeon n'a rien perdu de ses ailes qui paillonnent toujours au firmamentdes comédies drôles (pas si fréquent),défintivement drôles.On connaît l'argument que l'on doit un peu à Jules Dassin et à son Rififi chez les hommes,célèbre récit d'un hold up que Monicelli souhaitait parodier.On parle aussi d'une vague nouvelle d'Italo Calvino mais je n'en ai guère trouvé trace.De toute façon Le pigeon devait très vite creuser son propre sillon er devenir lui-même film référence du casse manqué (à ce niveau de ratage c'est du grand art) et surtout du renouveau de la Comédie italienne qui,si elle existait avant Le pigeon,n'avait pas cette fougue ni cette ironie.Le film de Monicelli,au titre italien I soliti ignoti,Les inconnus habituels,autrement plus fort et dérisoire,marche en fait sur les brisées du Néoréalisme maintenant défunt puisque ses cinq maîtres ont tous suivi d'autres voies.Mais un néoréalisme version optimiste,ce qui n'est guère le cas du Voleur de bicyclette ou de Sciuscia.
Sans refaire l'histoire du cinéma italien rappelons vite fait les origines multiples de la comédie italienne,le théâtre antique de Plaute,Goldoni,la farce napolitaine,les intermèdes comiques du cinéma muet,et une certaine littérature,par exemple Nouvelles romaines de Moravia .Beaucoup de choses passionnantes dans Le pigeon.Le parrainage du grand Toto qui en prof de casse joue presque son propre rôle de passeur de relais de la comédie à ces jeunes loups que sont Gassman et Mastroianni.Le melting pot à l'italienne qui inclut un Sicilien plus qu'ombrageux,un Nordiste(Gassman) hâbleur et un peu méprisant pour ceux du Sud,un orphelin romain qui cache pudiquement sa condition et ses trois "mamans" de l'institution.Le ratage permanent qui inonde le film dès les premières images de vol de voiture,l'humour désespéré,typiquement italien,italianissime dirai-je,de ces branquignols qui croient peut-être aux lendemains qui chantent(pas sûr).Toutes ces scènes pour moi inoubliables,l'enterrementde Cosimo où ce grand flandrin de Gassman n'ose pas lui-même porter son bouquet,la visite de Mastroianni à sa femme en prison,scène ou Monicelli renverse habilement le cliché du mari incarcéré avec ce personnage féminin fort qui a fait bouillir la marmite devant l'infantilisme de son époux;ceci en trafiquant les cigarettes,l'ahurissant hold up,pas loin de vingt minutes avec le butin que l'on sait.
Mais pour moi le plus beau du Pigeon c'est ce petit matin,nos héros attendant leur bus,pour une nouvelle journée qui,qui sait,sera peut-être moins galère.Je ne serai pas aussi affirmatif.Je le serai par contre sur la prodigieuse réussite de ce film et de son équipe car les scénaristes ont fait là un bien beau travail.Allez vous en étonner sachant qu'il s'agit d'Age-Scarpelli et de Suso Cecchi d'Amico.I soliti ignoti est aujourd'hui aussi drôle qu'à sa sortie.Comme Chaplin et comme,comme qui au fait?
Avec Le veuf de Dino Risi c'est toute la veulerie d'Alberto Sordi,prodigieux pleurnichard hypocrite de tant de comédies plutôt acerbes.Contrairement aux héros du Pigeon le personnage de Sordi,homme d'affaires milanais,mais surtout époux d'une dame fortunée,n'attire pas immédiatement notre sympathie.Mais comme souvent chez les "monstres" de Risi toute leur mauvaise foi,leur vénalité,leur misogynie,leur comédie face à la vie finissent par nous convaincre qu'avec tant de défauts un homme ne peut être complètement mauvais.Füt-il un Sordi assassin de sa femme ou qui tente de l'être.Pleutre et génial Sordi,moins exportable que Gassman ou Mastroianni,plus romain courtelino-combinard que vrai Matamore,apporte à la plupart de ses films ce délire à l'italienne,troppo troppo.
Risi le montreur de monstres
En 71 quand Dino Risi,récemment décédé,signe Au nom du peuple italien,la comédie italienne, justement, a cessé de plaire vraiment. Ainsi vont modes et courants au cinéma comme ailleurs. On y trouve bien encore le duo de comédiens,Gassman histrion et Tognazzi sur la réserve mais ce sont un peu les derniers feux de ce genre typiquement italien.Quelquefois cela a pu être le contraire dans les castings, les cinq magnifiques comédiens transalpins s'étant combinés de de toutes les façons.Le sujet en est la corruption dans l'immobilier,les louches acquaintances,les dérives populistes.Ce thème est proche du cinéma de Francesco Rosi mais il est bien dans la manière de Dino Risi.Car avec le personnage d'entrepreneur joué par Gassman on tient vraiment un de ces monstres de la comédie italienne. Hableur, baratineur, corrompu, peut-être meurtrier,et pourtant comme tous ces héros de Risi,Germi,Monicelli et consorts on ne peut s'empêcher de l'aimer et de le trouver sympathique.En contrepartie le procureur, parangon de vertu interprété par Tognazzi nous ennuie un peu avec sa mobylette et son honnêteté.C'est ainsi que vont les choses:il arrive que de braves types nous cassent les pieds et certains escrocs sont parfois bien séduisants.
Dino Risi n'a jamais eu la main trop légère et tout son cinéma s'en ressent.Pourtant le déferlement des tifosi dans Rome à la fin du film,après le match Italie-Angleterre,n'est rien moins que prémonitoire.On a beau dire on ne dira jamais assez de mal des supporters.Scène hilarante aussi que la première convocation de Gassman dans les bureaux minables et surchargés de Tognazzi(misère de la Justice dont le Palais s'effrite) quand le premier apparaît en costume de centurion.Clin d'oeil à la Rome décadente?J'ai dit mille fois la grandeur du cinéma italien.Tiens ça fait mille et une fois.