Curiosité et propagande
Curiosité à suivre...On comprend bien qu'Edward Robinson,né à Bucarest,Paul Lukas,né à Budapest et Anatole Litvak,né à Kiev,tous trois émigrés juifs à Hollywood aient eu envie de faire un film de pure propagande, sans grande originalité,mais qui avait pour objectif de dénoncer les infiltrations nazies aux Etats-Unis. Terriblement manichéen voire insupportable à la fin par son simplisme outrancier Les aveux d'un espion nazi se regarde comme un témoignage de la Warner,avant même le début de la guerre puisque sorti en 39.On y rencontre le si british George Sanders en officier nazi pur jus.Tout ce petit monde s'exprime évidemment en anglais.Peu importe l'objectif n'était pas de faire mais de faire savoir...
On découvre ainsi les meetings des sympathisants sous l'oeil d'Adolphe et les svastikas.Saviez-vous qu'un certain Walt Disney y participa?Et que Joseph Kennedy(le papa) aussi?C'était ma minute de délation.Plus sérieusement la démocratie vaincra bien sûr.D'ailleurs le film se clot par cette phrase délicieuse et peu ambigüe: "L'Amérique ne fait pas partie des dernières démocraties.Elle est la démocratie".Je vous avais prévenus,il y a les bons et les mauvais. Merci à Patrick Brion qui continue inlassablement son travail sur France 3.Il arrivera aussi qu'un film de propagande,oui,soit aussi une oeuvre magistrale.N'est-ce pas Patron(Bogart)?Je parle évidemment de Casablanca et Le port de l'angoisse.O.K. Patron!
Ouragan aux confins de la Floride
Moins connu que les célébrissimes films de Hawks Le port de l'angoisse et Le grand sommeil Key Largo(1948) est la dernière rencontre Bogart-Bacall.Considéré comme un peu moins réussi surtout je crois à cause de l'origine théâtrale très marquée du film c'est pourtant une oeuvre que je vénère,l'ayant vue très jeune et revue régulièrement avec plaisir.Key Largo sonne pour moi comme la magie du film noir,américain au sens le plus cinématographique du terme accompagné de ses mythes les plus forts.C'est d"abord une question de phonétique:j'adore la consonnance Key Largo(prononcer "ki" bien sûr,ce que j'ignorais à ma première vision).La seule manière qu'a Bogie de prononcer ce "Key Largo" dans le car qui l'emmène vaut le déplacement.Il y a dans ces trois syllabes tout le mélange de cynisme et de grandeur d'âme de la plupart des personages bogartiens.Après guerre à l'extrême ouest de la Floride un chapelet d'îles,les Keys,subit de violents ouragans qui isolent la maigre population.Dans ce micromosme créé par le dramaturge Maxwell Anderson les principaux personnages vont se retrouver dans un hôtel, huis clos étouffant pour ces éclopés de la vie comme les aime John Huston,metteur en scène.
C'est d'ailleurs un film de complices,Huston-Bogart, Huston-Richard Brooks(scénario),Robinson-Bogart.Et que dire de l'alchimie Bogart-Bacall qui n'aie déjà été écrit?Bogart,nommé aux Oscars est impressionnant de colère retenue,même si son personnage n'apporte pas de dimension nouvelle comme le feront à mon avis African Queen ou Ouragan sur le Caine.Peu importe tant sa présence nous émeut à chaque plan y compris les plus "lourds" psychologiquement lorsqu'il feint la lâcheté.Mais le personnage bogartien est toujours border line entre dédain,lâcheté,égoïsme et une humanité de boy-scout.Qu'est-ce qu'on l'aime.
En face le génial Edward G.Robinson interprète Rico,une ordure très inspirée de son rôle de Little Cesar dans le film de Mervin LeRoy.Limite psychopathe surtout dans les scènes d'humiliation(Claire Trevor alcoolique mendiant un verre par exemple) l'ennemi public est en fait terrorisé par la tempête sur les Keys.Dans ce film,variation en huis clos sur le thriller,un peu embarrassé par le manque d'espace et le confinement,on retrouve aussi la thématique de Huston, ancien de la Guerre fatigué,deuxième chance avec Nora (Bacall ici non pas femme fatale mais veuve sérieuse et qui retrouve l'espoir).Pour l'anecdote le bateau de la délivrance porte le nom Santana,nom du yacht de Bogart lui-même bon marin.
Le noir lui va si bien
Oui le noir lui va vraiment bien au cinoche et je crois que je me serais encore plus ennuyé sans ces durs à cuire du roman américain, Hammett, Chandler, Cain et tant d'autres. Aujourd'hui gros plan sur William Riley Burnett.Pas le plus connu mais du tempérament,le gaillard.Comme beaucoup d'autres W.R.Burnett a fini par traîner ses guêtres à Hollywood qui a adapté nombre de ses romans.Lui-même fut scénariste et on discerne parfois mal dans son oeuvre les vrais romans des scénarios parfois simples ébauches. Faulkner, Chandler, Fante, Fitzgerald ont connu la même mésaventure.
En 1930 Mervyn LeRoy signe Le petit Cesar où Edward G.Robinson campe un saisissant gangster que l'on suit de son ascension à sa chute.C'est l'un des premiers films noirs du parlant et il marquera une date et ouvrira la voie pour un certain Scarface de Howard Hawks dont l'un des scénaristes est justement William Riley Burnett.
Roy Earle lui est un truand en fin de course et souhaite se ranger des voitures.Ceci est extrêmement difficile au cinéma.Bogart incarne à la perfection cet homme traqué dont la fuite dans les montagnes ne peut qu'être fatale. C'est la dernière fois que Bogart n'est pas en tête d'affiche(derrière Ida Lupino). Raoul Walsh s'y connaît en films d'action et Huston est ici scénariste.On le voit,rien que du beau monde pour High Sierra dont le titre français est peu usité pour cause d'homonymie(La grande évasion).
En 1950 le même John Huston réalise Quand la ville dort(The asphalt jungle) quintessence du sous-genre du film noir "casse qui ,tourne mal" où excelleront aussi Dassin et Kubrick.Construit très rigoureusement Quand la ville dort met en scène pour the ultimate knock over Sterling Hayden,Louis Calhern,Sam Jaffe et d'autres,des gueules de l'emploi comme c'est nécessaire dans le polar à l'américaine.Je vous laisse imaginer la chute sans oublier de citer une certaine Marylin dans tois furtives apparitions. Déjà une femme enfant à vous attirer des ennuis.
Ces trois réussites du grand écran ne doivent pas faire oublier l'écrivain qui avait son talent bien à lui.King Cole notamment est une oeuvre majeure qui raconte la campagne électorale d'un candidat républicain ou démocrate et nous éclaire sur la démocratie-démagogie qui est loin d'être un monopole des années trente et des Etats-Unis.Relations ambigües avec la presse,l'industrie,le commerce.Rien de nouveau sur le soleil mais raconté par Burnett c'est du solide.Avec ce qu'il faut de cigares,de pépées,de pots-de-vin...La vie quoi!